Vers (Recueil en fabrication, sans titre pour le moment)

 

 

 

 

 

Soleil, qui nous promets une aurore impossible,
Qui vas et qui reviens nous soulever tes jours,
Qui veux tirer vers toi le mal inamovible.
Mon soleil, tu échoues, et te couches toujours.

 

 

 

 

J'ai écrit quelques mots, je les ai déposés
Sur le bord de l'armoire où se postent des fleurs ;
Proche de la fenêtre, et proche un peu du ciel
Pour que, avec ta main, tu viennes me relire,
J'ai laissé quelques mots repliés dans leur lit.

Dans leur lit de papier, mou comme le nuage,
Aiment dormir mes mots, à-côté de mon cœur
Où on a vu parfois, comme au fond de la nuit,
Curieuse moitié du monde, un éclair luire.
Dans leur nid de papier nous restent quelques mots.

Ils ne font aucun bruit, on les entend à peine.
Ils palpitent pourtant sous tes yeux attentifs ;
S'ils sont impatients, c'est qu'ils ont attendu
Et s'ils ne parlent plus, c'est qu'ils ont trop à dire.
Ils ne font aucun bruit, on les entend si peu.

Viendras-tu attraper ces phrases qui volaient,
Légères dans les airs, légères comme un voile,
Fragiles comme nous, présences éphémères
Et futiles ainsi que des rois sans pays.
Voudras-tu retenir ces lignes laissées seules.

Pour qu'avant de partir, tu puisses deviner
Ce que je suis, ce que vainement j'ai voulu
Devenir, j'ai laissé quelques mots qui parlaient
D'éternité, de vie, et d'autres bagatelles ;
Pour qu'avant de partir tu puisses me connaître.

 

 

 

 

 

SILENCE !

 

Ces mots moi je les mange ils ne sont rien, au fond,
Que les lointains contours de votre vrai langage.
Je les mange car ils ne vous vont pas ! Ils sont
De votre intime voix l'obscure et vague image.
Pendant que vous parlez vous pensez autre chose,
Et je sais voir en vous ! je sais vous regarder
Et dépasser d'un bond votre masque morose.

Et plus vous parlez et plus vous faîtes semblant,
Et votre vraie douleur est effacée d'un blanc
Ou de milliers de mots qui ne veulent rien dire,
Quand il s'agit de vous je vois cesser le rire.
Pourtant vous ne savez parler rien que de vous.
Si vous le faîtes ainsi, c'est que vous êtes loin
De votre vraie vie ! et vous cherchez indistincts.
Ecoutez ! Sous la phrase on vous entend pleurer.
Jamais rien ne se dit, jamais rien ne s'avoue.

 

Mais si vous parlez tant, c'est bien que vous avez
Un silence à cacher ! mais montrez-le enfin,
Ce silence craintif que vous cachez des mains,
Avec vos mots et vos pauvres doigts malhabiles.

Ce cœur qui bat sans bruit, il est comme immobile.
Mais je sais, Il attend ! Il attend le silence,
Il est là dans le noir ! Assis dans un coin,
Il attend pour parler que cessent les nuisances.

Il rêve de voir la fin des répétitions
Pour que commence la vie, la seule qui vaille,
Celle qui court, qui va sans poser de questions
Ni laisser derrière elle un brûlis de regrets,
Ni tout un tas de bruits ou de masques de grès.
Les regards obsédés de toutes funérailles
Ne nous verront pas nous enfuir dans la fraîcheur.

La fraîcheur infinie des voyageurs luisants,
Ceux qui s'en vont sans mot dire à travers les ans.
Sentir la vie ! plutôt que de la retenir
Avec des gestes faux ou des mains étourdies.
Eux, ils tiennent toujours grande ouvertes leurs mains,
Ils la laissent fuir et la laissent revenir ;
Ils voyagent, qu'ils soient ici ou même loin,
Gardent à jamais dans un coin leur paradis
Et toutes les traces de leurs doux souvenirs.

 

 

 

 

 

 

 

Écoutez ! Taisez-vous ! Laissez passer le monde,
Il n'ira pas bien loin. Laissez-le, vous verrez ;
Il est minuit ! Il est l'heure de s'égarer.

Éloignons-nous d'ici où l'éternel vacarme
Ne sert qu'à couvrir un immense puits de larmes.

Écoutons-les, comme ils braillent ! Tous ! C'est qu'ils ont
Quitté la vieille source et l'ancienne saison.
Ils sont tombés dans le temps, ils n'auraient pas dû ;
Ils se sont perdu dans un monde trop connu
Et savent vaguement qu'ils sont loin de la vie.
Ils parlent mais sont seuls et cherchent paradis.

 

 

 

 

L'AUTOMATE EFFILOCHÉ


Regardez-donc monsieur, regardez votre tête,
Là comme vous souffrez ! Toujours à s'entêter !
Vous agitez vos doigts à la fenêtre ouverte,
Comme on remue un drap pour enlever les miettes.

Vous agitez vos doigts sans musique, toujours
On n'entend que du bruit ; et tellement de gestes !
Vous faîtes si semblant ! Vous parlez d'un amour...
Vous parlez sans savoir ! Vous n'avez que les restes !

Et vous parlez sans cesse ! À croire que vous êtes
Un pantin épuisé qui n'ose pas toucher
La ficelle qui le retient. Si malhabile,
Jamais debout, jamais assis, toujours débile !
Là comme vous souffrez ! Toujours à s'entêter !

 

 

 

LA DANSE DES MORTS

 

Merci vous qui parlez de m'inonder de mots.
J'écoute vos blablas (et j'en ai pas fini)
Regardez, regardez, comme vous êtes beau
Quand vous travaillez dur, là, repassant les nuits ,
À vous noyer sans fin dans votre dès à coudre.
Donnez-moi votre cœur que je puisse le moudre,
En faire une guirlande ou même un flambeau,

Qu'ils soient tristes ou noirs, mais jamais malheureux !

 

 

 

TRAJET

 

L'expéditive nuit, la sensation volante,
Les visages à l'air, la souterraine amour
Et le cloisonnement, la tendresse enivrante,
Promesse irréfléchie et le tout premier jour.

Les profonds océans, les fleurs, les souvenirs,
La couleur du charbon, la jouissance olfactive ;
Les attentes, le temps, ce qui tarde à venir.
Le soleil sur la peau, la chaleur excessive.

Le point de l'horizon, la distance à l'étoile.
Le passager pressé, les passants alentour,
Les illusions, les sens, le fond bleu de la toile ;
L'humanité, l'été, l'image, les contours.

Les petits doigts d'argent et les cordes tendues,
Le sommeil étendu dans la luxuriance.
Le calme, le lointain et les sons méconnus ;
Les regrets, le trajet. Et puis l'impatience.

 

 

 

 

JE LES DÉTESTE TOUS

 

 

Et j'étais dans mon monde et n'en souffrais jamais.
Maintenant il me faut sortir, aller dehors,
Me brûler à l'air vif où je suis désormais
Comme un prisonnier, sans comprendre mon sort.

Au beau milieu des morts, à espérer la vie,
Ailleurs, bien autre part, loin de tous les enfers,
Des déboires humains, des peurs, des insomnies.
Cette pauvre planète, au bout de l'univers,

Est l'Afrique oubliée du Dieu la mappemonde.
Le nid des miséreux et la foule compacte
Où ronronne l'horreur, où va chanter l'immonde
Sous un soleil joyeux, globe de cataracte.

 

 

 

PRISON AVEC VUE SUR LE CIEL


Je suis un prisonnier qui attend son départ.
Je suis sans mains qui me caressent le visage,
De loin je vois l'amour et tout le paysage.
Parfois je me prends à oublier que la vie
Existe autre part que tout au fond de mon puits.
Mon bonheur je crois, peut venir de nulle part,
Au moment où je m'y attends le moins peut-être.
Un rien suffirait tant... Mais rien, pas même un bruit.
Parfois je le pressens, caressant les remparts,
C'est un lieu qui, je crois, n'est pas très loin d'ici ;
Regrette t-on, le soir, d'avoir essayé d'être.
Mais bon sang, après tout, il n'est pas aussi tard,
Je me tiens prêt alors et je poste mon cœur.
Je poste mon cœur et j'attend à la fenêtre,
Puis je croise mes doigts pour que loin du brouillard
Me brûle mon soleil, d'un million de bonheurs.

 

 

 

L'IMMOBILITÉ DES CHOSES

 

Dans la nuit on s'allonge épuisé, doucement,
Sans plus rien désirer, c'est l'heure bienheureuse ;
On laisse s'approcher la tristesse un moment,
Cette fiancée moite et jamais ennuyeuse.

On la prend dans les bras et ses grands yeux d'enfant
Versent un long caprice, ainsi qu'une amoureuse
Qu'on aurait laissée seule un petit peu longtemps.
Ses larmes attendries me servent de berçeuse ;

Et l'idée du matin, disparue, semble s'être
Évaporée, rangée parmi les souvenirs ;
La vie marche sans nous derrière la fenêtre.

On regarde de loin le monde, sans désir.
Et nous n'attendons rien. S'abandonner, peut-être,
Au simple plaisir de lentement s'endormir.

 

 

 

 

 

L'HEURE SEREINE

 

Et le temps s'avançait, calme comme une aurore
Sans être trop lassant, sans trop faire de bruit.
Nous avions nos deux cœurs et notre amour encore.
Dans la ville aux nuées, dans les périphéries,

La route s'allongeait sans lever nos frayeurs.
La fureur animale allégeait son tapage,
Nous parlions sans rien dire un langage de pleurs.
Nous étions mêlés dans une semblable image.

Et moi je pensais moins, et mes yeux divaguaient ;
Sans rien chercher, je crois, je t'avais découvert.
Pour un peu j'oubliais mon oubli, et j'étais.
Peut-être bien que je me voyais à l'envers.

Ou je ne savais plus alors que j'étais moi,
Je n'étais plus ici. On pouvait voir mon cœur
Dans un de ces endroits splendides mais qu'on doit
Laisser-là sans savoir, pour un autre ailleurs.

 

 

 

 

 

Regarde
Ta nouvelle vie dort ici
Viens la voir
Ne la réveille pas
Pas encore
Mais ouvre ses bras comme si
Tu ouvrais la fenêtre
Ne touche surtout pas
Ses cheveux mouillés
Regarde
On la voit apparaître
Ta vie dort
Sans se réveiller

 

 

 

L'ILLUSION DE VIVRE

 

Je l'ai vu un matin regardant le soleil,
C'était le premier jour, un jour sans blessures.
Il faisait beau ou il pleuvait, c'était pareil ;
J'étais encore sans névrose et sans morsures.

On ne devinait pas alors ce paysage
Inerte, au-dedans de mon jeune et naïf moi,
Puis j'avais tout dans mon cœur et j'étais très sage...
Je n'avais toujours pas vu ce qu'était le froid.

Tout est nouveauté pour un enfant qui voit tout,
On compte un, deux, trois puis on saute dans le vide,
Dans la vie. On voyait de la douceur partout,
Avant de se trouver une nuit tout livide,

A faire dans le noir des signes d'automate.
le temps de se saisir de l'idée qu'on est rien,
On va grimper dans l'arbre ainsi que le primate
A s'attraper des fruits qu'on s'arrache des mains.

Au beau milieu de ce grand cirque, sans espoir,
On crie dans tous les sens à qui voudra l'entendre
Je suis présent, j'existe, au fond de mon trou noir...
Je veux être aimé, moi aussi j'ai un cœur tendre.

Je veux réussir et faire plaisir à maman,
Et puis trouver l'amour et toutes ces choses,
Je n'étais pas très loin d'y croire à un moment,
(Quand on trouve l'amour je crois que ça s'arrose) ;

Mais rien, pas un seul son audible, que du bruit.
Pas une voix humaine au creux de ces vacarmes.
De mon hublot je ne vois rien d'autre, la nuit,
Qu'une vie fantasmée recouverte de larmes.

Maintenant j'ai l'œil en moi captant la détresse
Et la vie est vue du dehors, loin du festin.
Je crois que je suis le spectateur de la pièce
Ou, fatalement, on va crever à la fin.

Quand on pense exister, je crois qu'on fait semblant.
Très bientôt je serai éteint, lâche, froid, nu.
Je me suis rencontré un matin, moi enfant,
Je crois bien que je ne me suis pas reconnu.

 

 

 

 

 

DÉLIVRANCE

 

Je le devine, mais ne peux pas encore te le décrire.
- Quoi ?
C'est comme si... tout me paraissait, à la fois vain, mais beau.
Et triste. Mais sublime
- Je ne comprends pas. Mais de quoi parles-tu ?
- J'ai trouvé le silence.
Ce silence, en plein cœur du cyclone.
La vie, c'était autre chose, le sais-tu ?
- Mais non, la vie, c'est ici, ici-même.
- Je crois que je me suis délivré.
- Délivré, mais de quoi ?
Je ne peux pas encore te le dire...

 

 

 

 

PAGES

 

La lune, le soleil, l'océan, les orages,
Les regards, les appuis, les larmes, le silence,
Les histoires, la nuit. Les doigts entre les pages.
Les pensées qui ne vont vers rien. Et puis l'absence.

La joie, les traversées. Le départ en voyage
Et la lourde industrie. Le sommeil, le refuge,
Les complaintes, la peur, l'étendue du naufrage
Et l'éléctricité, la force centrifuge.

L'émotion, la cadence et tous les sentiments.
Le murmure, l'aveu, toutes les funérailles,
Les débris, le désastre et le jour pleinement.
Puis la timidité, la montée des murailles.

Tumulte du soleil, les mains, la lassitude.
Tumulte du visage, et la lune à-demi ;
L'espoir, et le secret de notre plénitude.
Tout l'éventail des mers. Et la vie endormie.

 

 

 

 

 

EN-DEHORS DU MONDE

 

J'ai perdu tout ça. M'entends-tu ? Je ne l'ai plus
Je l'ai laissé-là, abandonné, à la marge
Comme un vieux principe qu'on oublie
Dans le fond des abîmes
Dans les souvenirs
Qui ne sont même plus des souvenirs
J'ai laissé tout ça dans le ressac
Ça ne m'appartient plus, je n'y ai plus droit
J'avais vu la mort comme un feu indolore qui nous étreint
J'avais touché ce moment
Ce moment où la vie ne serait plus jamais pareille

 

 

 

 

 

MINUIT


Regarde il est minuit,
C'est l'heure où tous se reposent.
Un oiseau me dit si
Nous allions dans la nuit
Sentir l'horreur d'une rose ?
Le jouissance et l'oubli
Se mangent comme un fruit.
Des singes prennent la pose.

Il regardent transis
La monde faire sa glose.
Comme un beau ouistiti
Aux arbres de la nuit,
Je grimpe sur ta névrose
Et ta belle folie !
Regarde il est minuit,
C'est l'heure où ma voix se pose.

Si le beau temps s'enfuit,
S'il est bien trop peu de choses,
Ta voix à moi me dit :
Dormir comme la nuit,
C'est rêver aux belles choses.

 

 

 

 

 

IDIOME

 

Quand je me donnerai à toi
Jusqu'aux limites de ma personnalité
Quand j'atteindrai la leçon
Que tu refuses d'apprendre
J'aurai touché ton soleil

 

Quand je ferai naître la confusion
Jusqu'au fond de ta poitrine
Et que ton coeur, seul et perdu
Accouchera d'un nouveau coeur
Tu commenceras à aimer
J'aurai ranimé ton amour

 

Quand je te servirai de miroir
Et que, effrayé de tes propres paysages
Tu voudras fuir
Je t'aurai ouvert les yeux

 

 

VOEU NOCTURNE

 

Je n'étais pas sûr de savoir à quoi je rêvais
J'avais si soif d'une chose, ou bien d'un être
Qui n'avait ni prénom, ni traits, ni aspérités.
Face à moi je voyais des milliers de fenêtres

À ouvrir. Je m'y attardais, c'était mon voeu.
C'était devant moi dans le ciel un air frais.
Une éternité brune faisait un aveu
Et j'ouvrais la bouche. J'étais assoiffé.

 

 

 

 

C'est là-bas, tout là-haut, où les neiges voltigent,
Comme des brindilles cerclées de tous les vents,
Où, pourprées, toutes les fleurs posées sur leurs tiges,
Caressées comme elles le sont, et s'enivrant

Des douceurs infinies d'un beau ciel sans noirceurs,
Moi je viendrai, heureux, j'inscrirai sur ton cœur :
"C'est là que j'ai connu mon tout premier bonheur !"

 

 

 

LA FORTERESSE BLEUE

Une nuit je m'étais réveillé, je pensais :
"Il y a des traces de joie dessous mon lit".
Et je me suis penché, naïf comme j'étais,
Rêvant d'y découvrir au moins une souris

Qui pourrait m'assigner au chemin du bonheur.
Que je cherche toujours mais sans vraiment chercher.
Peut-être ce n'était pas le moment, d'ailleurs,
La poussière sous mon lit n'a pas répliqué.

 

 

 

Douce pluie lente, pluie sans amour, enivrante ;
Toute première fois, à son cœur tout fraîchi,
Pluie ici, juste sous sa détresse élégante ;
Révélation dans le beau matin. Peau blanchie...

De son cadran débile aux teintes surannées,
Couchée et ordonnée, au réveil sous les anges,
Sa molle couverture en palpant déités,
Croise les petits dieux, rêvassant aux losanges.

Le plaisir simple de mâcher un nuage.

 

 

 

JUSTE À-CÔTÉ DE LA TERRE FERME

La fillette est assise en bas, sur les genoux,
Serrant entre ses doigts des trèfles, des oeillets ;
On la disait souffrante et mince comme un clou,
Frêle et puis maladive, une fleur abîmée...

Elle se disait je suis belle, mais personne
Ne me voit, ne me regarde, ne fais attention
À ce que je porte en moi, à ce qui résonne.
Mais moi je t'avais vu, je sentais des frissons

Venir comme la glace pilée dans le cou.
Et je découvre enfin, dans l'infini désert
Une fille n'étant rien, espère beaucoup ;
De l'humanité camouflée dans la misère.

J'étais un miroir, lui présentais ses trésors,
Ces agates qu'elle n'osait pas voir en elle.
Elle ne savait pas receler autant d'or
À l'intérieur de son sein et de ses prunelles.

 

 

BRÉSIL

Les plaisirs pas centaines, les plaisirs en veilleuse ,
Ces beaux mammifères à ton oreiller captivant
Tiraient des sons de la jungle amoureuse
-Je tremble mais c'est que parfois je parle en rêvant-

Les cacatoès, les perroquets bleus, les toucans
Les papagaios, les asabrancas, les pies
Tous agrippés à tes tresses (ces cordes de vent)
Caquettent ensemble comme les pieds de ton lit.

C'est que tu songes aussi fort qu'un millier d'oiseaux.
Je vois d'ici mon soleil orange te dire
"Viens, rejoins-moi, laisse tout, ne dis plus un mot."
Et tu remues sans cesse un désir de partir .

 


 

 

 

EVERGREEN

Un chemin à trouver, un chemin d'ivresses,
Pour escalader les collines vertébrales,
Il faut à nouveau découvrir ma tristesse.
Pour pousser vers l'avant ces larmes idéales
Il nous faut sonder la caverne des splendeurs :
J'ai planté dans tes yeux mon hameçon à pleurs.

 

 

CARRÉ DE SEL 

 

Jusqu'à ce front dessiné, jusqu'à ses cheveux
Où les batteries se froncent et la vrille veille
De cette boucle je remonte jusqu'aux yeux,
Où le sucre neige (je touche la merveille)

Les tressent, cascades de cascades, brillent,
Battants à découvert ou vers d'autres valses,
Enveloppant tout, alcools, elle distille
Vautrée sur les oreillers (comme une garce)

Je vois grincer, ivre et sourdre tes perles d'or,
Dilatées sous les lobes et le long des vases
Qu'un prince serre et gobe à grands coups d'extases,
Écoute-t-il tes paroles alors que tu dors ?

 

 

TRACE

Extrais de l'émeraude le vert transparent.
De la trajectoire brisée la ligne pure ;
La dévastation de ce grand calme apaisant.
Extrais le cri dissolu au puits du murmure ;

Le clair élément d'une chevelure noire ;
Le silence errant de cet océan sonore.
Trouve cette lumière perdue dans le soir ;
Et dans l'arborescence du parfum, le corps.

Extrais enfin l'animé de l'imperceptible ;
De la richesse l'exécrable pourriture.
Le perméable au fond de ces regards sensibles ;
Et dans le mot amour une étrange torture.

Trouve au milieu des silhouettes une forme.
Extrais les concerts de ces deux lèvres fermées ;
La peine qui pleut de nos ciels uniformes.
Extrais du vacarme cette voix isolée.

 

 

 

NOIRE ET BLANCHE

 

Elle attend la nuit pour mieux imaginer le jour ;
Cherche dans une cloison le vent lointain de l'air libre.
Elle ne mange plus, pour sentir monter la faim,
Devine dans le nuage les prémices d'une consolation ;
Commence par la fin ; ne vit que pour sa beauté naïve .
Elle dort au milieu des poupées de porcelaine,
Embrasse et s'émerveille d'un simple mirage.
Elle raconte sa tristesse, qui n'est jamais le malheur ;
Ne parle de noirceurs que pour mieux annoncer l'éclaircie !

 

 

 

- Tu m'entends ?
- Quoi ?
- Je crois que c'est l'heure.
- L'heure ?

 

 

 

 

Je l'écrirai sur le bois noir des pontons,
Sans signer, je le dessinerai sur les navires en partance,
Sur les aérolithes, les ailes des scaphandres.
Je viendrai te l'écrire sur tout ce qui s'en va,

Sur le décolleté des oiseaux de proie,
Sur le duvet des albatros, aux plumes tendues au ciel,
Sur la peau des mariniers,
Je te l'écrirai sur la mitaine dorée de tes mains.

Je dirai ce mot dans le langage des cygnes
Qui dorment à même le lac gelé des empires,
Je le poserai sur le front des lémuriens,
Cobayes de mon laboratoire.
Je viendrai te l'écrire dans la neige précaire,

Dans les froids métaux de tes yeux diurnes
Et dans les gares aux mille voyageuses.
Je l'écrirai dans le sommeil des marées,
Le frétillement des nuages
Sanglotants de pluie et dans les bruits
Sous ma fenêtre lissée des éléments, dans la rumeur.

 

 

 

FUMÉE NUIT

 

J'ai pris la jouissance un soir je l'ai dépliée
Comme un papier mouchoir je l'ai vu traîner là,
Sur la table à manger il dormait, je croyais
Que tu l'avais laissé pour moi rien que pour moi,

Cet objet traînait-là c'est un cadeau de toi ?
Je me dit mince alors mais l'as-tu oublié
Ou l'as-tu laissé-là, juste-là sous mon toit,
Pensant à moi ? et ce que je veux je ferai

Ce que j'ai envie d'en faire, tu vas en rire,
Elle était là seule et tout en quatre pliée
Je n'ai rien su faire d'autre que de l'ouvrir,
J'ai pris la jouissance un soir, je l'ai dépliée.

 

 

LE PÔLE

 

 

 

NOVEMBRE

 

Je ne veux pas revoir Novembre sur toi quand
Il pleut, mais ça n'a pas tellement d'importance.
On verra d'autres mois, alors que toi tu tends
Tes bras là-bas, au loin, qui attrapent la danse,

La vie auréolée d'un blabla infini.
Mais va t-on prendre l'eau, va t-on prendre le train
Aller loin au-dedans du rêve de la vie,
Comment peut-on aller loin, si tellement loin ?

Quelqu'un t'a crée cette illusion de la neige.
On pousse les petits bateaux aux tuileries,
Comme une main d'enfant qui s'accroche au manège,
Ton plaisir est bien plus magnifique la nuit.

 

 

 

 

 

 

 

À MORT PETIT PRINCE

 

J'ai palpé le sein de la voie lactée pour voir
Si elle porte vraiment du lait, au final.
Je me souviens très bien maintenant. C'était le soir,
Mélange de douceur et de vent hivernal.

J'ai pris le téton d'une étoile entre mes lèvres ;
Au début je crois que ça m'a un peu brûlé.
Puis on s'y habitue et on aime les fièvres
Quand à la douleur se mêle un plaisir salé.

L'aréole avait un goût de sable et de lune,
Peut-être s'était-elle allongée sur la plage,
Le ventre bien au chaud, posé contre la dune,
Avant que j'aille voir si elle était bien sage.

J'ai voulu aller plus en-avant dans le ciel
Et puis de l'astre j'ai touché le clitoris ;
C'est peut-être ici que se situe l'éternel...
J'étais comme un insecte dans un tamaris.

Un tamaris à l'odeur du fauve qui pisse
Et qui n'en peut plus de marquer son territoire,
Conquérir pour toujours l'agréable supplice...
Le chemin frère, adoré du suppositoire.

À ce moment j'étais pris dans son précipice,
Mais persistait dans mon examen visuel ;
J'apercevais sur son ventre, où la peau se plisse,
Des traces. Il est passé avant moi, le cruel.

C'est le petit prince, un salopard prépubère ;
Qui a laissé, hélas, des traces de semelles
Sur chacune des étoiles que je préfère.
Mais l'idiot, il n'avait pas touché aux mamelles.

 

 

 

 

 

DÉPART EN VOYAGE

 

Je t'entends dire ici, c'est là que je veux être,
Ici près du hublot, tout près de ma fenêtre.
Je tangue doucement, et cette voix lointaine
Cette voix du vieux monde, aujourd'hui incertaine,
Roule, et va disparaître ainsi qu'un souvenir.
Nous n'entendons plus les " Que va t-on devenir ? "
Seulement notre joie posée-là comme rien.
Une ancienne détresse endormie dans nos mains.

 

 

 

 


 

 

TRAUERSPIEL

 

Comme moi entends les lointaines hirondelles
S'envoler en nuées pour un ciel bleu-marine
Elles vont vers un monde un peu moins abîmé
Construire un nid près de la féerie marine

À l'abri du calvaire et de l'épilepsie
Vers ce ciel lointain je partirai moi aussi



J'aime la folie qui nous attire en-dehors
Et je cherche dans les bruits du monde un peu d'or.
Qui n'est pas l'argent qu'on se range pelle-mêle


Ils sont même s'ils y mettent tout leur plaisir
Infiniment trop beaux pour être attendrissants
Celle que j'aime infuse un amour dans son sang
De promesses se drogue afin de ne pas mourir
Et déguise ses lèvres et maquille ses yeux
Pour qu'on y voit mieux les désirs qui l'ensorcèlent
Et ses larmes fleurissent à grandes gouttes bleues
Je suis brisé dedans le sais-tu et tu veux
À tout prix me voler mon secret douloureux
Et le prendre pour toi crois-tu aux jours meilleurs
Ce n'est pas un baiser qui fera mon bonheur
Mais je l'ai vu un soir naître dans un aveu
Ma cour intérieure est maintenant une cage
Dans laquelle on ne voit ni splendeurs ni visages
Ni grands oiseaux qui se cramponnent aux balançoires
Ni souris qui s'amusent avec les accessoires
On trouve seulement un vieux fantôme frêle
Qui ne sait plus l'amour qu'il voulait adorer
Ni laquelle de ses absences il pleurait
Mais dans la fraîcheur brune et dans l'aire nouvelle
On peut la voir dans un coin toute frissonnante
Elle rêve en silence aux grandes passerelles
Regarde-là longtemps la femme intemporelle