LA RENTRÉE DES CLASSES

C'est l'heure de faire entrer tous les cadavres
La sonnerie retentit, fini les cris de joie, les cerceaux
Les traces de craie sur le sol
On quitte l'aire de jeu
En rangs par deux s'il vous plaît les cadavres
Allez on avance, une, deux...

 

J'ai tâté en moi dans le noir
Soudain j'ai mis la main sur une poignée
J'ai pas sourcillé, j'ai ouvert la fenêtre
Appel d'air

 

 

Peinture : Wladislaw Slewinski

 

 

Hier je n'étais pas encore de ce monde
Du moins pas autant que je le suis aujourd'hui
Maintenant j'ai les cimes du ciel quelque part
Dans les yeux qui n'est plus lumière morte

 

PLACE RÉSERVÉE

Ce matin j'ai pris ma voiture je suis allé vivre
Acheter quelques petites choses au supermarché
Pour me ressourcer mille et un plaisirs à portée de mains
C'est merveilleux
Aurais-je bien fait de naître en définitive
Ensuite j'ai voulu rouler vers des lieux inconnus
Vers nulle-part sans trop réfléchir
Puis j'ai découvert dans un endroit perdu
Un parking noir de voitures j'ai voulu trouver ma place libre
Des touristes ça vaut le coup ici me suis-je dit
J'ai tourné en rond des heures, sans doute
Rien de libre, rien, aucune place pour moi
Mais enfin au bout du compte au détour d'une haie d'automobiles
Je trouvais un espace laissé vide et tentais de m'y garer
Mais déjà un agent de la loi se tenait là
Il me faisait signe m'indiquant qu'il était déjà temps de partir
Ce faisant il pointait du doigt un panneau situé droit devant moi
Mais que je n'avais pas vu, trop occupé à crier ma joie
D'avoir enfin trouvé ma place libre dans ce monde
Sur ce panneau on pouvait lire : "réservé au silence"

 

LE ROULEMENT DE TAMBOURS

Tu te demandes si les gens ont le même appétit que les papillons
À s'appesantir devant leur écran comme devant la lumière
Tu tournes un doigt de pied en direction de l'horizon
Par-dessus les nuages ou s'éparpillent les nues
Tu t'assois lourdement sur ton tas de rêves
Et fais signe au soleil de venir

 

 

COUVRE-LIT

Aujourd'hui c'est le bon jour
Tu ne réalises pas ce que tu vas faire
Mais tu te tiens debout devant le port, des cygnes
Nettoient comme ils peuvent leur plumage
Brûlé de soleil et d'essence
Après tout, tu as le sentiment
Qu'un bateau est prêt à partir, peut-être est-ce pour nous
Oh mais personne ne pense comme nous
Et tu replaces l'océan sur toi
Comme une couverture

MACHINES À ÉCRIRE

C'était un jour comme un autre
Oh tu faisais bien partie intégrante
Du manège
Mais tu n'en ressentais plus la force d'attraction
Et la vue à trois cents soixante degrés tu la connaissais par coeur
Tu as mis un pied dehors
Pour regarder les enfants jouer seul
Mal t'en as pris
Maintenant c'est un tout autre manège
De la taille d'une planète

LE SOLDAT INCONNU

Mais j'ai un secret pour toi si tu veux
Oh je n'irai pas jusqu'à dire
Que c'est une étoile qui me l'a soufflé
Je n'irai pas jusqu'à mentir
En te disant
Que c'est une nébuleuse, ou la spirale d'une galaxie
Ou même un quasar
Non, rien de tout ça
J'ai seulement un secret pour toi
Si tu veux

UN RÊVE D'EMPRUNT

Pardon si j'ai crû te voir sur un rocher face à l'azur
Pardon si je t'ai imaginée confondue à l'immensité du ciel
Pardon aussi si je t'ai vu contempler, muette, la respiration des voitures
C'est que je n'avais pas encore deviné que le parfum
Est la seule preuve tangible
De la réalité du monde