La pleine lune montre une mine arrondie
Forme une ombre frêle au fond de mon tiroir
J'ai pour tout incendie un foyer obscurci
Mon chemin poétique est celui du trottoir

Mon parfumeur d'ambiance est appelé poème
La dernière Peugeot prend le nom de ma muse
Et la publicité détrousse mon emblème
La poésie est un cadavre qui amuse

 

Point d'interrogation en guise de devise
J'amoncelle les mots dans un livre ossuaire
J'ai pour toute influence une mort qui me grise
Et pour toute lumière un torchon qui m'éclaire

 

La blanche inspiration qui écume la grève
Me parle de la mer aux couleurs d'amarante
Le réel fini là où commence mon rêve
Je lance sous la pluie la fusée éclairante

 

Pour nourrir d'autres nuits comme moi embuées
J'ai pris la poésie comme un sombre jouet

Quand j'écris j'entends clac c'est le bruit du cercueil

Je prépare un soleil au bout de toute ligne

 

Le point d'exclamation vient me sauter dans l'oeil

Un autre horizontal, une croix qui m'aligne

Comme le mouton meurt je vais mourir aussi
Je suis donc le suiveur du troupeau qui m'éreinte

 

À toutes les comptines
Qui ne sont jamais dîtes
Aux engeances marines
Aux ténèbres maudites

 

Crachas sur la lunette et bave sur la page
Je remonte le sud en rêvant de voyages
J'émascule ma bribe avec un beau lustrage
j'ai pressé l'imprimeur de faire cent tirages

 

Je tâte la ruelle y cherchant déployée
Une fée magicienne aux corolles patientes

 

Je suis libre oui, mais libre dans le brouillard

 

Dans le feu crépitant va mourir un brouillon

et je crève en chanson.

 

J'ai causé avec l'encre échangé un regard
Et pour moindre réponse inoculée cent fois

 

Je marche aveugle et sourd, et mon trottoir descend

 

J'attends
Devant la porte dérobée

 

Il était déjà bien tôt

Mais ta vie, à peine commencée

Sentait déjà le roussi

Quelque chose de perdu en route

Tu n'as jamais pu remettre la main dessus

 

À la voûte dévastée

À toutes les démesures

 

Petit poucet perdu continue son travail

 

Bouts de coeur bouts de pain comme des souvenirs

 

Ta langue est passagère est collée à la glace

Comme un grand paquebot prisonnier dans sa neige

 

Regarde le ciel
Te saluer avec sa manche
De clochard

 

L'environnante

 

Peux-tu la voir danser avec sa robe ample

Et tourbillonner comme une libre toupie ?

 

Peux-tu voir son regard qui de loin nous contemple

On entend chuchoter des enfants dans la nuit
Ils refont notre monde

 

Autour de notre monde un collier de soleils

Imbibés du parfum de la lune amoureuse

 

Elle rêve en silence aux grandes passerelles

 

Elle attend la nuit pour mieux imaginer le jour ;

Cherche dans une prison le vent lointain de l'air libre.

 

Trouve au milieu des silhouettes une forme.
Extrais les concerts de ces deux lèvres fermées ;

Extrais du vacarme cette voix isolée.

 

Ni pareils ni semblables,
Mais chacun différents, des soleils sur les toiles

multiplient les étoiles.

 

Regarde il est minuit,
C'est l'heure où tous se reposent.
Un oiseau me dit si
Nous allions dans la nuit
Sentir l'horreur d'une rose ?

 

Si le beau temps s'enfuit,
S'il est bien trop peu de choses,
Ta voix à moi me dit :
Dormir comme la nuit,
C'est rêver aux belles choses.

 

Et l'idée du matin, disparue, semble s'être
Évaporée, rangée parmi les souvenirs ;
La vie marche sans nous derrière la fenêtre.

C'est la nuit.

 

Pour qu'avant de partir, tu puisses deviner

Ce que je suis, ce que vainement j'ai voulu
Devenir, j'ai laissé quelques mots qui parlaient

 

D'éternité, de vie, et d'autres bagatelles ;

 

Dans leur lit de papier, mou comme le nuage,
Aiment dormir mes mots, à-côté de mon cœur

 

Curieuse moitié du monde, un éclair luire.

Dans leur nid de papier nous restent quelques mots.

 

Tu as perdu un morceau de ta lampe
À la luminosité des chambrées
Au poulpe diaphane de l'éventail des mers

Tu as perdu un morceau de ta lampe

 

Aux soufflements des cœurs
Aux jours seuls, séparés
À la reine des frondaisons
À la caresse noire des Kolkhozes
Aux vastes ennuis, aux sensations oubliées

 

Conditionnée très tôt à l'existence légère

Déjà reine en ce monde
Avant de sombrer
Indistincte
Dans le reflux des eaux impropres

 

Au vase-clos des indifférences
À la console inflammable des pâleurs latines

Aux lettrines classiques, aux nuées adultes des corbeaux
À la beauté systématique des passerelles
À tous ces champs brûlés par le soleil

 

Elle est partie un matin sans rien dire
Sans même un mot elle t'a abandonné à ton sort
Elle est partie courir les rues

Elle ne t'a laissé ni argent, ni objets-souvenirs

 

Aux cris sans réponses
Aux monticules désarçonnés, aux prisons magnétiques
Ton visage éclairci par son passage de nuit
À la crevaison des phosphores
Un hymne pour la vaporisation de l'insecte
Tu écris comme tu parles c'est déjà tant
On se rompt la voix sans s'avachir

Incompressible soleil

 

Quelques secondes avant
Juste quelques secondes avant
Il y avait par terre sur le bitume
Des résidus brisés

Comme un coquillage qu'on aurait broyé avec les mains

 

Un secret dormait dormait dans les beaux jours
Où tout est magie, surélevé comme
Sur une plénitude d'enchantements où tout est lumière
Délesté de peines et planants sur les ornements
Des jardins pleins de sueurs, des esclaves portaient
A chaque doigt une douloureuse langueur comme un parapet

 

Assoupi dans un coin, le paradis rêve de moi

 

Sensation, maîtresse du monde

Tu n'es plus qu'un mensonge enfantin, une vieille dérive

 

Est-ce que vous me comprenez madame
Est-ce que vous allez me lire
-Je suis un peu perdue est-ce normal ?-
Vous êtes perdue
Exactement
C'est ce que je cherchais

 

Il y a la naïveté de vos yeux fermés qui regardent le monde sans le voir

C'est là que vos cheveux prennent leur odeur

C'est là que vos désirs se formulent
À cet instant précis ils prennent naissance

Quand vous n'avez pas encore posé tous ces noms sur les choses de la vie
Comme des étiquettes abrutissantes
Quand vous ne savez pas encore exactement qui vous êtes

Quand vous êtes perdu

 

Des milliers d'inconnus rêvaient de la même chose

Et la sirène me disait

Pour me venger du monde je serai silencieuse

 

J'ai filé mon rêve à un voleur

J'ai acheté un appartement pour l'offrir à un navigateur
J'ai laissé des tâches de mon amour nu dans un bordel
J'ai offert un monde de fleurs à la grande Alaska

Une cage d'oiseaux de papier mâché pour un prisonnier du ciel

 

Vas-y
Souris si tu veux
Un vrai sourire
-Je me retourne je ne regarde pas-
Un sourire comme tu n'en as jamais fait
-Personne ne te regarde-

Si tu ne veux pas le faire pour moi
Fais-le pour les porcelaines disposées sur ta table de nuit
Fais-le pour les sachets de spic qui traînent dans tes armoires
Ce que tu veux choisis
-Un deux trois ça y est-
J'ai menti en fait j'ai tout regardé
Et j'ai adoré.

 

Condamnées aux flux et reflux

Des grains de sel sous ta paupière
Souvenir d'une vie antérieure
Ou tu étais Raie noire, peut-être
Ô belle marée, ne reviens pas en arrière

 

Si tu ne sais plus qui tu es, regarde-moi ton miroir
Comme une image amoureuse te réfléchir

 

Nous vivons de cela, quelque chose
De pourpre et de noir

 

il est l'heure, l'heure de penser à autre chose
Et de changer la couleur du jour et des mains
Pour d'autres mains, regarde le jour est déjà là
Qui vient te soulever dans ses bras de nuit

Tu ne l'attendais plus rêvasseuse

 

Le tropique a fait tourner la Terre comme une toupie
Sans le savoir et toi tu as fait le tour du soleil

En moins de temps qu'il n'en fallait pour en rire

 

Ô promesse déclose
Le jour se lève le vois-tu, l'instant n'est pas vain

Enfant tourmentée, qui ne sait plus traverser l'orage
Qui ne sait plus s'il faut aller
Tordre le cou au vent où le laisser courir

 

C'est ici que l'encre s'est abandonnée
Et prolonge la seconde en la déposant

Dans le pli de la vague

 

Sur l'infini variété des enchantements

Sur l'infini des lumières

Flux et reflux des ivresses et des mélancolies

 

Illuminée par le scintillement du soleil

Sur le front de la vie un baiser plus doux que la chair
Cours après toi

 

C'est une aurore
Qui n'en fini jamais de s'élever au-dessus de ta nuit

Je voudrais
Retrouver sur tes doigts le magnétisme des anges

ô mélodie clandestine

 

Quand tu respires
C'est un bonheur supplémentaire, peut-être.