RÉGENCE

 

SANITÉ
RÉGENCE
LÉZARD NOIR
NE LE NIE PAS LORSQUE TU DORS
LE PALAIS
MIMIQUE
RÉGENCE
AMALGAME
CACHÉ
TEMPS CLAIR
NUIT
LA RENTRÉE DES CLASSES
HABITACLE
LE PARADIS DES RATS
UNSICHTBARE SONNE
À LA FAVEUR DU DÉSORDRE
L'OR DES MINUTES
LE DÉCOMPTE DES JOURS
LE TENEUR EN SEL
SI TU ME VOIS
LIGNE DROITE
BASCULE
LA PART INFIME
PURE INVENTION
LE TEMPS (RUE DES BARRÉS)
свобода
CHARBON
ÉQUINOXES
SOUS LE MEUBLE
À QUAI
DESCENDANCES
ÉPILOGUE

 

 

SANITÉ

 

J'ai croisé des artistes peintres et des souffleurs de vers
Des joggers, des mannequins, des photographes
De grands amoureux, des transis
Des porteurs de lueurs, des coloristes
Des chasseurs de quand dira-t-on, des écrivains
Des traceurs de silhouettes, des briseurs de chutes
Des étinceleurs, des essayistes, des poètes
Des pleins de gloire, des médecins, des chanteurs d'opéra
Des acteurs et des tricoteurs d'étoiles
Ils ont tous un talent infini
Quant à moi
Rien de tout cela
Je m'allonge, je regarde les étoiles
Et je souris

 

RÉGENCE

 

Je ne suis pas aveugle
Je ne suis pas fou
Je n'ai pas de hontes
Je n'ai pas de rancoeurs
Je sais que parfois le funambule n'a pas tenu l'équilibre
Mais j'ai gardé le cap
Je suis toujours là
Je suis peut-être seul, et triste
Éreinté, blessé
Mais sous la couche épaisse des jours
Vivant
Je suis toujours vivant

 

LÉZARD NOIR

 

L'amour mon amie est une danse en enfer
Avec les guirlandes et les lampions loués au paradis
Pour l'occasion
C'est le beau présage sur l'aile de l'oiseau
La préciosité des astres et des diamants, la nova
Partir et laisser sur le quai sa raison
Pour un frisson inconnu, une chanson où s'y perdre
Où s'y effrayer, perdre l'heure et le cours du temps
C'est la nuit qui ment pour notre bien
Le jour tombé à point nommé
L'eau du mirage plus fraîche que la vie
C'est l'hirondelle qui a touché terre
La vie terrestre plus profonde que le rêve
La solution, l'éternité concentrée
Dans la minute qui demeure

 

NE LE NIE PAS LORSQUE TU DORS


Mais la mort c'est aussi le ciel clair
La couverture remontée sur les épaules
Une chute de petites pierres dans le jardin
Ce sont deux silences qui dialoguent entre eux
Le matin et le soir
Le rouge et le blanc
Le trou béant et l'eau du corps qui s'en va
Une blancheur qui n'en finit pas
C'est le passant qui glisse sur un trottoir un peu bas
La dernière marche du palais un peu trop haute
Le livre enfin refermé
C'est laisser la place à l'oiseau, sur le marbre
Laisser son manteau dans le vestibule
Aller pieds nus visiter l'autre horizon
Laisser un peu de nuit dans la main des enfants
Mêlée de cuivre et d'argent, laisser du vent
C'est la fin du conte
La surprise du chef
Le plat du dernier jour
Sur lequel on a versé trop de sel
C'est aller faire comme les autres
Finir un rêve pour en commencer un autre
Se muer en souvenirs
Laisser dans le vestiaire
Sa peau et son odeur, ne plus poser ses doigts sur le piano
Ni enfiler son pantalon
Ni se piquer sur le cactus
La mélodie fantôme
La montre cassée
Le chat qui n'aura plus son lait à la même heure
Qui n'aura plus les mêmes caresses
C'est le canapé trop confortable
La dernière vendange, la dernière canne à sucre coupée
C'est notre chambre qui n'est plus la nôtre
C'est l'explication sereine
Le manège en panne
Les jouets vendus dans les vide-greniers
Le soleil qui brille pour d'autres
C'est aller voir du côté des étoiles
Ce qui se raconte
C'est le téléphone qui sonne pour rien
La messagerie pleine
Terminer son histoire dans le coffre aux objets perdus
Laisser son empreinte aux voleurs
Rouler pour l'invisible
Faire affaire avec le ciel
Laisser au vent le dernier mot
Le ventre pâli
Ce sont les yeux et les mains qui partent pour un autre voyage
Le baiser mouillé perdu
La buée sur la vitre du temps
C'est échanger un vertige pour un vestige
Une voix pour un secret
Un mot pour un rien
C'est finir dans la sève d'un arbre
Dans un vase de fleurs
Bricoler son tipi comme on peut
Et son paradis
Prendre une mer inconnue
C'est un grand oiseau noir et calme
Qui se pose sur les choses et les êtres
Et les emporte
Avec le vent, le pollen et les souvenirs

 

LE PALAIS


Quelqu'un aurait dit
" Ta langue ce poisson rouge dans le bocal de ta voix "
Se cogne aux parois en émail de mes mots et contre tes dents, disant
Je ne suis pas poisson, je ne suis pas poisson
Qui tourne en rond dans son bocal de verre
Je ne suis pas plus langue qui fait mine d'écrire
Que son de voix
Pas plus poisson qui fait mine d'éclore
Se tortillant dans son palais de vers
Que papier de soi
Quelqu'un aurait dit
Je vois ma bouche se clore
Comme écriture sur papier de verre
Et dans l'eau de chlore
Je ne suis pas poisson, je ne suis pas poisson
Je ne suis pas plus langue que poisson rouge
Dans le son de ta voix

 

RÉGENCE

 

Faire tenir la minute
Sur le fil tendu par le soleil
Faire d'une langue un poisson rouge
Poser le corail sur la cheminée de marbre
Détourner les yeux
Regarder sous le tapis, sous la glycine
Aller pieds nus dans le labyrinthe inachevé
Mimer l'opéra les lèvres closes

 

AMALGAME


Je ferme les yeux et j'entends des milliers de voix
Comme la tienne, qui s'élèvent de la nuit
J'entends mille pleurs, mille gémissements
Monter en nuées vers la voûte
Tous tressés, sculptés dans le même vertige
Toile d'araignée immense au-dessus des toits de la ville
Autant de cris poussés par les hommes
Je m'assois sur mon nuage
Je déroule ma ligne, avec l'hameçon au bout
Et j'attends que ta voix morde à l'appât

 

CACHÉ


 
Je me suis caché derrière les averses
Les voiles des navires et les paravents
Derrière les écrans de fumée, la sieste des somnambules
Caché derrière les lignes, les éventails et la musique
Les brouillards, les marées, les passages cloutés
Caché derrière les étoiles les brumes bleues du matin
Les mers salées, les mers sans sel et les vertiges divers
Et puis un peu derrière mon égoïsme
Je me suis caché derrière la porte dérobée
Dans les ombres qui montent, au-delà des grillages
Les saisons et les jours
Je me suis caché derrière tout ça
Et pourtant tu me vois

 

TEMPS CLAIR

 

Je suis venu te donner de mes nouvelles
Dans une lettre muette
Sans passer par les mains étrangères du facteur
J'ai glissé l'enveloppe
Pendant que tu rêvais éveillée
Pendant que tu franchissais la frontière
Dans la seconde de silence qui suit la sonnerie
La foule indéfinie de tes pensées
Je suis venu te donner de mes nouvelles
Pendant que tu remplissais le vase aux fleurs
Dans une lettre muette

 

NUIT


Entends-tu toi aussi cette nuit qui s'installe ?
Un fantôme d'ébène obscurcit la ruelle,
Pose un voile sur nous, dans le ciel une étoile
Et sur toute autre chose une noirceur cruelle.

Et la nuit s'avançant, à pas longs, ordonnés,
Vient me dicter ma route et la voie très discrète
Qu'empruntent les errants, les pauvres oubliés.
Je poursuis en esprit cette route secrète.

 

LA RENTRÉE DES CLASSES


C'est l'heure de faire entrer tous les cadavres
Fini les cris de joie, les cerceaux
Les traces de craie sur le sol
On quitte l'aire de jeu
En rangs par deux s'il vous plaît les cadavres
Allez on avance, une, deux...

 

HABITACLE


Une vie d'emprunt s'éteint
Une autre se ranime plus colorée, mieux habitée
Un sentiment de paix passe le seuil de mon foyer
Le monde qui m'était étranger change de couleurs
Il devient plus vivant
Je loge un lieu saint, un interstice
Où règnent la mémoire des choses futiles
Et la réinvention de l'univers

 

LE PARADIS DES RATS

 

Je n'ai plus envie ni de richesses ni de bonheur
Ni de voyages, ni de paradis luxueux
Je n'ai envie ni de nouvelles vies ni de croyances
Ni d'une quelconque reconnaissance, ni de néant
Ni de littérature ni de sorties ciné, ni d'amour, ni d'anarchie
Ni de courses dans les grands magasins, ni de parties de tennis
Et je regarde fixement les volutes de ma cigarette
Comme si avec elles se dissipait le manège du monde

 

UNSICHTBARE SONNE

 

Rien ne me fait plus rêver, ni la nuit ni les étoiles
Ni les sourires, ni les amoureux ni les paysages
Ni les soleils ni l'écriture, ni la réussite ni l'argent, ni les espoirs
Ni les rêves, ni les lubies, ni les chimères, ni les fantasmes, ni les élucubrations
Ni le cinéma, ni les chemins de traverse, ni les promesses closes, ni les comptoirs à silence
Ni les talents, ni les élancements du coeur, ni les coffres à trésors, ni les jeux infinis
Ni les orages, ni les mines fraîchies, ni les musiques, ni les temps délabrés, ni les pièces de tissu raccommodées
Ni les mangroves parfumées, ni les odeurs inconnues, ni les voyages sur la mer, ni les mystères irrésolus
Ni les élévations magiques, ni les féeries, ni les paradis éphémères, ni les mains endolories
Ni les saisons, ni les sels de la nuit, ni les chorus résonnants au sein des églises, ni les idées passagères
Ni les passions, ni les battements du coeur, ni les jours à venir, ni les crépuscules
Ni les craintes d'une nuit différente de toutes les autres, ni les joies, ni les chants
Ni les oiseaux, ni les couleurs, ni les oreillers, ni l'astronomie, ni les vers, ni les cris des enfants
Ni le bonheur ni la mort, ni les ballades nocturnes, ni les peintures, ni les dons du coeur, ni la tristesse
Ni le malheur, ni l'alcool, ni la bourse, ni la mélancolie, ni les livres, ni les framboises, ni les technologies, ni les émotions

 

À LA FAVEUR DU DÉSORDRE
 
 

Je suis le différent. L'élucubré. L'idiot.
Celui qu'on voit. Celui qui passe. Somnole.
Le bizarre, le fermé. L'obsessionnel. L'incandescent.
Le lugubre étincelant. Le doux maniaque, le craintif.
L'apprivoisé. Le désabusé. L'aveugle transi.
Le porteur occasionnel. Le pris au piège. L'ignorant.
Je suis tenu en laisse. Le rêveur, l'affalé.
Déployeur de libertés factices. L'attitré.
Je suis ce chien. Celui qu'on quitte. L'oléoduc.
Le fumeur, le fantôme. Le crocheteur de tragédies.
Je suis le garde du zoo. Le timbré.
L'invisible et l'impénétrable. Le nébuleux.
La grande ours dans un ciel d'été. Le météore sur la photo.
Je suis le nuage, le malade. L'incohérent.
Le désarticulé, l'oisif infécond. L'animal.
Le fabricant de bagatelles. La plage esseulée.
Le verrou du coffre. L'esclave du vent. Le lâche.
Le charbon sur le sable blanc. L'orage lointain.
Le même refrain, le soleil radieux. La fenêtre sur cour intérieure.
Le paresseux qui ne dit rien. Le raté. L'inconditionnel.
Le décevant. Le vieillissant, la belle phrase raturée.
Le poème incendié. Je suis le calme de l'ennui, l'eau immobile.
La pluie, berceuse des étoiles. Celui qui n'est jamais là.
La féerie obsolète, la ruine sauvage. La secousse sur l'île déserte.
Je suis le râleur et le mimétique. La fée de l'hiver.
Le coeur froid, le traceur de luminaires. Le marcheur des décombres.
La vanité et le tournesol gris. La folie. L'ombre, la poussière.
Je suis sans raisons. Le bagage perdu. L'émeute intime.
L'égaré au paradis. Le tricoteur des boulevards. L'étranger.
Et tutti quanti
Depuis longtemps
J'ai fait don de tout cela
Aux hospices de la nuit.

 

L'OR DES MINUTES

 

L'élan dans les veines chaque soir tambourinait plus fortement
Les secondes je les savais fortes au fond de mon coeur, je les gardais bien au chaud
Je ne perdais pas de temps je divaguais loin des choses et des gens
Et les heures me donnaient raison je n'avais pas à chercher bien loin
Les voeux que je formulais à voix basse parfois, je me disais mon dieu
Je me disais non, les choses sont coordonnées, précises comme les mouvements circulaires des aiguilles
Le va et vient des flots, des tristesses et des féeries, le manège était beau
Il était fait pour durer, je l'avais construit mon château de sable sec, auprès de quelques élégants oiseaux
Je regardais les scènes de la vie les discussions, les passants
J'aurais sans doute quelques petites choses à lui donner qui pourraient lui être utile
Je fouillais alors dans mes poches elles étaient pleines de choses qui avaient de la valeur pour moi
Des petits papiers avec quelques mots griffonnés ça et là, quelques additions de restaurants des lendemains de fêtes
Et des envies d'aller au cinéma. Je me disais elle ne regarde pas au bon endroit
La vie ce n'était pas uniquement le générique de fin c'était l'invention de la couleur
Les jours et les nuits ne sont pas sans magie malgré ce qu'on en dit parfois
Il suffit parfois qu'un poète raté lui dise quelques mots
L'univers n'est pas silhouette au fond de sa bouche je lui disais il faut être vivant tant qu'il nous reste un peu de temps
L'or des minutes, je continuais alors à fabriquer du mirage avec mes mains pour en faire une maison de paille où se retrouver les soirs d'hiver
Je disais ces mots ce qu'il fallait c'était la réalité des choses et des êtres et la fin de la pièce déjà
Le jour tournait court je le savais bien, je marchais je marchais loin sans doute le téléphone a t-il sonné
Le temps est passé plus vite à ce moment-là je n'étais déjà plus qu'un fantôme une illusion dans un coin de la mémoire
Un élan pour combler la solitude un espace vide au-dedans du coeur un cimetière, une trace
Mais j'étais déterminé je me disais le temps me donnera ma chance, je déposais alors quelques pensées dénuées
Comme un millier de ballons vers le ciel sans préciser l'heure et le jour pour ne pas briser le filigrane et la frêle opacité de mes mots
Je laissais libre cours à l'enchantement tandis que déjà les pensées devenaient plus vivantes

 

LE DÉCOMPTE DES JOURS


I

Si un jour tu te souviens
Au détour d'une journée comme les autres
D'une phrase, d'une ligne, sortie de sa nuit soudainement
Étincelle
Peut-être te souviendras-tu de moi
Qui suis passé dans ta vie comme une étoile filante
 
Si un jour un sourire te fait défaut, un manque se fait ressentir
Froissement de cœur au fond de la poitrine
Si un jour la musique est là mais l'âme en est absente
Peut-être penseras-tu à moi
Qui n'ai fait que passer près de toi
Pendant que tu marchais rigoureusement le long de ton existence choisie
Peut-être serai-je mort déjà quand tu regretteras
L'immense amour que je nourrissais pour toi
Et que tu n'as pas connu
Assoupie sur un tapis d'herbes, les hyacinthes proches
Et le son d'une rivière te rappelleront le temps qui a passé
Je serai mort et le soleil se lèvera sans moi
Je ne connaîtrai plus ni le vent ni la musique
Comme j'ai connu en toi tout ce qu'il y a d'inconnu

II
 

Si un jour tu lis quelques poèmes de moi
À la poursuite de tes souvenirs, tu te rappelleras les mots que j'ai dressé
Qui te diront ne sois pas si triste et vis
Vie comme tu le fais depuis toujours
Avec les jours qui se suivent et les averses et les rues que tu emprunteras
Pendant que je serai absent
Vis et mène une vie très longue et très calme
Loin de mes tourmentes et de mes douleurs

Tu te rappelleras alors comme j'ai vécu
Les hirondelles
Les chiens errants
Tout ce qui court
Tout ce qui chante
Tout ce qui rit
Se rappellera encore de mon sourire et mes larmes seront peut-être
Quelque part cachées sous les yeux de la lune

III

Si une âme te manque
Si une présence perdue paraît comme un regret sourd
Dans un coin ensoleillé de ton cœur garde moi une place même légère même minuscule
Pour que je puisse y ranger quelques affaires et quelques poèmes
Si je n'ai pas existé dans ce monde peut-être
Trouverais-je un lieu de vie dans ton sein et dans ta mémoire
Pour y déposer mes mains et mon odeur
Peut-être prendrai-je la forme d'un rêve une évanescence
Quelque chose de très versatile
Une étoffe
Peut-être de la dentelle
Pour y décorer ton monde intérieur
Y déposer toutes luxuriances et splendeurs passées et à venir
Paradis précieux de ton jardin secret, de moi seul connu
Seule prétention de mon voyage,
Seule et unique possession de ma vie
Au plafond constellé d'étoiles et recouvert
De lierres et de lueurs

 IV
 
Tu te souviendras de moi un instant
Puis le vent soudain se fera plus fort, et plus froid
Un morceau du ciel au loin s'obscurcira, un réveil sonnera près de toi
Un camion de pompier passera sous ta fenêtre où la lumière
Qui se sera frayée un passage par la fente des volets
Pour atteindre tes yeux alourdis par le rêve et le sommeil
Tu te souviendras de moi un instant
Puis la vie à nouveau viendra te reprendre
Et te rapprocher de la superficielle et non moins belle apparence des choses

 V

Je serai alors le souvenir oublié parmi tous les autres souvenirs
Le corps absent parmi tous les corps absents, ce cadavre au fond de ce cimetière
Qu'on appelle mémoire
Et orgueilleux
Et jaloux
De n'être pas seul en ton cœur je partirai peut-être de ma demeure automnale
Pour aller consumer ma nuit au loin sous la forme d'une étoile
Peut-être

Je compterai les secondes et les minutes, les jours sans lumière près de moi
Je rêverai de toi même lorsque d'autres bras serreront ton corps
D'autres bouches se poseront sur ta bouche
Même si je n'ai plus ton odeur ton visage
Ne sera pas en moi comme un pauvre linceul
Un simple souvenir noirci par le temps
Mais bien plus il sera un diamant
Un morceau de paradis perdu
Un vase de larmes claires
Tu seras en moi comme une pensée vivante

VI

Les pensées par milliers
Prendront leur envol vers un infini qui n'aura pas de nom
J'oublierai les pays
Les gens
J'oublierai ma vie
Ma mort
Le temps que durera le parfum de ta peau
La chaleur de tes mains autour de mon visage
Avec la solitude effacée
Je perdrai les lieux
Et le décompte des jours
Par une mécanique magique
Pour une merveille perpétuelle
Les milliers d'heures alourdies par la tristesse et la mélancolie
Seront bien vite oubliées
Perdues loin de la terre
Et je serai plus près du soleil encore

 

LA TENEUR EN SEL


 

Dans cent ans, dans mille ans, quand nous ne seront plus
Que des cadavres nus, au soleil dépourvu,
Quand le dernier rayon paraîtra au balcon
Sous la forme de cendre et de tristes flocons ;

Quand la vie ce mirage, aura fini l'histoire,
Terminera sa nuit au fond de ton armoire,
Tu fermeras le conte et le dernier rideau
De la pièce magique et des mille flambeaux.

Tu traceras à la pointe de ton navire
Immobile, la ligne éphémère du rire,
Tu prendras ton linceul contre tes yeux mouillés,
Contre ton blanc visage et tes joues barbouillées ;

Et tu dessineras, la craie sur le tombeau
L'esquisse de ton ciel. Sur ce sombre tableau,
L'horizon de la mer et ton immense été,
L'image colorée d'une vie désertée.

La parfum de ta peau disparaîtra du monde,
Et le son de ta voix et ta moue moribonde,
Le bruit de tes pas sur la voûte circulaire,
Tout ce qui était toi replié dans la terre.

Sous le grand paravent, sous le brise-soleils
Un souvenir peut-être attend dans son sommeil.
Si le piano se tait, si la muse n'est plus
Qu'une femme fantôme au silence tenue ;

Si, au printemps promis, l'aurore fatiguée
Ne dresse plus sa robe, à la nuit reléguée ;
Si, loin de ce qui nous faisaient, loin de ma peau
Tu couvres d'un silence un éternel repos ;

Si, du fond de ta nuit, tu rêves de goûter
À nouveau ce soleil, à nouveau les étés.
Si l'horloge brisée ne t'indique plus l'heure,
Repense à moi qui ne dis mot mais qui demeure.

 

SI TU ME VOIS


Je ne crains pas les éclairs ni les tourmentes, ni les aveuglements
Ni les clairons du départ. Ni les instruments désaccordés, ni les fruits mûrs
Ni les fantômes ni les longues absences. Ni l'amour ni les heures affluences, ni la solitude
Ni le vacarme environnant, ni les fous. Ni les klaxons des chauffards
Je ne crains pas le courant chaud des tropiques, ni les moustiques, ni le lait caillé
Ni les ascenseurs en panne, ni les animaux sauvages. Je ne crains pas la nourriture en boîte
Ni la hauteur des buildings, ni les rencontres ratées. Ni les coffre-forts
Je ne crains pas de n'avoir plus de cigarettes ni d'alcool, ni de finir marin-pêcheur
Ni le noir, ni les poches vides. Ni les maladies, ni les nuits froides ni les confettis. Ni l'aventure
Ni le vide ni la tristesse, ni le silence, ni d'aller vivre en Alaska. Ni de perdre mes clefs. Ni les coeurs éteints
Je ne crains pas d'être un étranger ni de me noyer, ni d'être chômeur longue durée, ni de perdre mes cheveux
Ni les mauvais films. Ni de perdre le goût de la vie.Ni les perditions ni les enchantements
Ni les infortunes. Ni les mirages. Mais il y a une chose que je crains, une seule
C'est l'oubli

 

LIGNE DROITE


Ma mémoire contient les lieux et les jours
Les résolutions les flétrissures, les dieux, les indolences
Les soleils d'été et les amis. Elle contient les jeux innocents et la mort
Les portraits froids, la pluie, les enchantements
Cette voix quelques bouts de tissus froissés, des papiers ornés de dessins
Et de vers, des châteaux d'eau des musiques de chambre, des tasses de thé
Des paroles de prisonniers, des pensées dédiées au ciel, à ce que nous étions
À ce que nous sommes plus
Elle contient les étoiles et l'avenir

 

BASCULE


 

J'ai perdu mon arrête. Le coche et puis l'horizon.
L'estramaçon et la languette de la pochette surprise.
J'ai perdu le candélabre et le château terne.
Les chaussons de flanelle, la couverture polaire.
Les piles de la télécommande, le bouton de la radio.
J'ai perdu le coeur et le frontispice. Le balcon aux oiseaux.
Mes clefs, le fil du temps et d'ariane. Les étoiles.
J'ai perdu les raisons et le sens des paroles. Mon couteau de cuisine.
Les féeries. Les nappes bariolées des restaurants.
Mon chemisier brun et mon jeans noir. Le dos de la lisière.
Et comme si c'était tout
J'ai perdu les jetons du manège. La direction du vent.
La source lointaine. La musique et l'hiver caduc.
J'ai perdu le jour et tout ce qui va avec. L'amour.
Le goût des noisettes, le poème. L'envie.
Le jardin enrichi de mon oncle et ma révolte.
La corde de la guitare, l'élasticité des réticences. Ma chance.
Le rire. L'odeur et la variété des fleurs.
J'ai perdu le col de la montagne et les cachotteries. Les lieux.
Les réminiscences. Les piqûres de moustiques. Le tabac et l'habitude.
J'ai perdu le couvercle. Les territoires et puis l'opéra.
Le rayon de lune. La liberté. Le chaos nu des égarements.
L'antérieur et l'intérieur. L'éclosion des collines.
L'à-venir, le décor du théâtre. Le plaisir et le colorant du ciel. Le printemps.
Mais il me reste encore une chose, je crois
C'est fermer les yeux

 

LA PART INFIME

 

Le temps passe sans bruit entre les pages de ton livre
Il passe dans les plis de tes nappes, dans l'immobilité
De ton singe chinois de faïence, dans l'imperceptible
Courant d'air sous ta fenêtre, sous les bouchons de liège
Le temps passe dans l'eau de ton corps il attend devant la grille du jardin
Il suit tes empreintes sur les flacons ivres
Jusque dans ta cache secrète, il passe à mille lieux d'ici
Où va survenir le vent de l'estuaire, sous les marges laissées blanches
Sous les yeux du soldat posté sur le pas de ta demeure
Et de ta forteresse intérieure, sous les notes du piano
Sous tout ce qui crépite, ce qui nous environne, derrière les saisons
Dans la salle du bal, il passe sur le fil de nos réjouissances
Dans le phare qui brille au-dessus de la mer, sous les territoires coloriés
Des craies d'enfants, devant la porte des restaurants
Avant de remettre le couvert, avant que l'étranger n'intervienne
Il passe sur la taie de l'oreiller, dans la minute inattendue
Qui viendra nous réveiller, sous les plafonds de l'opéra
D'un bout à l'autre au creux de cette vie ordinaire
Le temps passe et compose à ton insu la mélodie du monde
Jusqu'à ce que tu l'interpelles dans sa course
Avec ta voix, avec ton mot merveilleux
Alors il s'arrête, ébloui

 

PURE INVENTION

 

L'Homme inventa le médicament la veilleuse électrique
La mécanique quantique les oreillers en plumes d'oie
Les écrans fins comme du papier les secondes vies
Les aéroplanes les parfums de synthèse
Les réseaux infinis les détecteurs de mensonges les essuie-glaces
Les chasses-neige la musique portative les diamants factices
La cinématographie les cathédrales les télescopes immenses
Les champs de coton les marbres sculptés les toilettes auto-nettoyantes
Les anti-dépresseurs les constitutions le pouvoir l'énergie du soleil
La philosophie les machines à coudre les auto-tamponneuses
Les préservatifs les instruments de guerre la drogue le théâtre le génie
Les révolutions le cognac les coffres à bijoux les roses blanches
Les religions les feux d'artifices les micro-ondes les miroirs teintés
Les bougies parfumées les trains à vapeur les cités scintillantes
Les magasins les jouets en plastique l'intelligence artificielle
Le bilboquet la grande roue les mitaines les sardines en boîtes
L'encre fluorescente le commerce les radio-réveils la théorie du chaos
Les univers parallèles la résonance magnétique le maquillage les chats empaillés
Quant à moi
J'aurais contribué à ma façon
J'aurais percé
Le secret pour te faire rire

 

LE TEMPS (RUE DES BARRÉS)


 
Quand on cherche un jeton dans la poche trouée,
Pour un tour de manège, un tour de voiturettes ;
Quand on cherche à la fête un espace peuplé,
Pour combler maladroit un espoir en miettes.

Quand on va sous la pluie se sentant nulle part,
On se dit c'est la vie qui pousse dans la houle
Tous ces gens occupés, tous ces hommes hagards.
Et mon coeur ce navire amarré à la foule.

La présence de toi fait mine d'apparaître.
Ce n'est qu'une passante, une femme entre toutes ;
Je m'endors en crevant le front à la fenêtre.
Regarder tous ces gens qui vont tracer leurs routes.

La minute adorable a sombré sous les heures,
Comme le temps qui passe et ne dit rien du tout,
Nous prend au dépourvu, nous adresse ses leurres,
Pendant que par derrière il prépare un grand coup.

J'ai devant moi ces jours qui ne me disent rien,
Je n'ai plus qu'un grand vide à couvrir de sommeils
Et le temps que j'oublie, ton souvenir revient.
Je cuis au désespoir, comme d'autres au soleil.

 

свобода

 

Libre dans les cages versatiles
Libre dans le phosphore des rues incandescentes
Dans les injustices les décadences
Libre sur les tables désertées, dans les moiteurs suprêmes
Libre dans la crainte nue des réservoirs livides
Libre pendant les entractes souveraines
Libre dans les cycles répétés, dans les traces incertaines
Et sous l'emprise des horizons factices
Libre dans la douleur, dans le cloaque
Dans les visions vespérales
Libre dans les sillons d'éternité
Libre dans la mendicité
Et dans les voix crépusculaires
Libre dans la pérennité, dans le sang des sirènes
Libre dans les machines scintillantes, sur les parois fertiles
Dans les commotions, sous les drapeaux noirs
Libre dans les lignes désaxées qu'une muse chagrine ensorcelle
Dans les plénitudes et les enchantements
Libre dans l'enfance qu'une main torpille
Libre dans la nuée des émotions fécondes
Et dans l'éparpillement des désastres
Libre pour mille ans

 

CHARBON


Je rêve de coeurs et d'autres par-dessus la mer
Une pelote de laine laissée sous le fauteuil
Je m'enroule à l'abri, je n'ai rien d'autre qu'un peu d'émotions à donner
Aux premiers venus, venez, mais je ne parlerai pas beaucoup
Je rêve d'une amante à prendre pour soeur, sans malaises
Avec le calme de l'eau douce sans doute, rien d'autre
Une confiance infinie, sans attaches prisonnières
Rien qu'un peu d'émotion à offrir aux cheveux roulant sur le traversin
Pas grand chose
Fini les tempêtes, les silences, je cherche la voix consolante
Car je suis en manque de toutes ces choses
Je n'ai rien d'autre à donner dans ma solitude
Pensez à moi, car je n'aurais rien eu de ce que j'espérais
Prenez ce qu'il me reste dans les doigts
Pas grand chose, juste un peu d'émotions à étaler sur les traversins
Comme une trace de moi

 

ÉQUINOXES

 

Repense à l'heure heureuse
Ressac, flux et reflux
Expansion des choses marines comme l'amour
C'est un navire qui erre d'abysses en abysses
Qui ne sait jeter l'ancre nulle part
Tu as de l'encre sur les doigts
Pour décrire mille et un chagrins et les changer en lumière
Mais tu ne vois plus les phares
Volatilisés dans la nuit, avec les oiseaux de proie
Aussi mille promesses s'affranchissent de tes yeux tristes
Terre d'éden ou les glaciers éparpillés dans tes pupilles
N'en finissent plus de fondre et de lancer des milliers de fleuves vers tes lèvres, équinoxes
Et quand tu respires c'est un bonheur supplémentaire
C'est ici la terre promise, grains de sel sous ta paupière
Souvenir d'une vie antérieure
Où tu étais raie noire, peut-être
Il est l'heure. L'heure de penser à autre chose
Et de changer la couleur du jour
Le tropique a fait tourner la terre comme une toupie
Sans le savoir et toi tu as fait le tour du soleil
En moins de temps qu'il n'en fallait pour en rire
Aveugle à tout, sauf au désespoir
Tes yeux fermés n'effaceront pas le monde
Le jour se lève, le vois-tu
L'instant n'est pas vain
Il est peut-être l'heure de s'affranchir
Sur l'infini variété des enchantements, le magnifique
Flux et reflux des ivresses et des mélancolies
Illuminées par le scintillement du soleil
Sur le front de la vie un baiser plus doux que la chair
Cours après toi
Comme je rêve de te voir plus heureuse qu'un chat
Qui contemplerait la lune pour la première fois, c'est une aurore
Qui n'en fini jamais de s'élever au-dessus de ta nuit, je souhaiterais
Retrouver sur tes doigts le magnétisme qu'ont les anges
Lorsqu'ils voient leur paradis perdu enfin retrouvé, ô mélodie clandestine

 

SOUS LE MEUBLE


Je suis sous le meuble
Je suis au fond d'un tiroir oublié
Dans la salle à manger, je suis caché quelque part
Parmi les herbes du jardin, je suis là près du feu rouge
Sur le passage clouté. Je suis sur ce bout de papier griffonné
Sur la table de nuit, je suis ce vieux disque qui termine sa vie sur une étagère
Ce livre parmi les autres livres qui rêve d'être lu à son tour
Ce poème désuet qui a roulé sous le printemps
Je suis dans le jardin de la maison familiale
L'étincelle qui enveloppe les plus clairs moments
La bague égarée sous le tapis, ce goût de fraise des bois
Le silence qui précède la musique
Cette odeur de poussière fine dans les maisons abandonnées

 

À QUAI


Le temps passera
Je serai vieux je lancerai des cartes à jouer dans les chapeaux melons
La radio allumée tout le jour, la fenêtre grande ouverte pour leurrer ma solitude
Je regarderai passer les gens et la vie dans la fumée de mon cigare, je dormirai
Sous le saule du jardin, je traînerai mes fantômes comme d'autres traînent des chiens
Fantôme de mon amour
Déjà mon cerveau défigure ta mémoire, déjà les photos pâlissent
Les jours dispersent tes souvenirs sur la fenêtre du temps
Déjà mon esprit me joue des tours
Je ne me sous plus les inflexions de ta voix
Les lignes de tes poignets, je ne me souviens plus très bien du parfum, des montagnes et du paysage
Déjà je m'efface du monde, persistance rétinienne précaire
Déjà ma voix s'éreinte, les toiles d'araignées remplacent les étoiles, les draps sales remplacent les voilures
Les heures s'allongent indéfiniment sur le velours confortable des minutes égrainées
Je place un manteau sur les épaules de l'hiver avec pour seul été de fugaces souvenirs
Comme un patineur après une journée sur la glace, comme un voleur
Qui a raté sa soirée se heurtant à des portes trop bien verrouillées, comme un traînard
Banni de toutes les chambres closes je rêve doucement du paradis interdit
Tandis que la pluie sur ma fenêtre s'abat

 

DESCENDANCES

 

Ce vieux mot qui a coulé avec la bouteille
Le confus, l'éphémère, évaporé. La proie du temps, des moineaux et des hirondelles
De tout ce qui roule et de tout ce qui piaille
La voix assourdie
Sous le poids des gens et des choses
Le poids des jours
Ce chant des rues masqué par la sirène des pompiers
La lettre dont l'adresse est illisible et qu'on a jeté
Parmi toutes les lettres illisibles du monde
Je serai cet auto-stoppeur qu'on a laissé crever
Sur le bas-côté, la minute égrenée
À demi-mots les soirs où le chagrin prend une teinte bleue noire
Où le lustre ne suffit plus à éclairer la chambrée
Où les heures forment un roulis incompressible, où les os font un bruit inquiétant
Je serai cet amour qui n'en est plus un
Le chemin de montagne effacé, faute de promeneurs
Autrefois emprunté par tous les rêveurs
Tous les mariniers, les percepteurs
Et les cambrioleurs

 

L'OMBRELLE

 
Ta main caresse la vitrine de ta mémoire
Constellée de mannequins immobiles et magnifiques
De bijoux, de perles rares, de vieux livres poussiéreux
Tu fouilles, sans cesse en toi, à la recherche d'une substance jusqu'alors inconnue
Tu prends les mirages dans tes bras
Devant la rue commerçante de la vie, la vie nonchalante
Je te voyais regarder les bibelots de tes petits commerces d'intérieur
Une boîte de médicaments, tout un tas de choses...
La boutiquière de ta mémoire venait arranger les poupées
Aérer les cheveux, fabriqués à partir d'une authentique crinière de cheval
La boutiquière minutieuse de ta mémoire venait ordonner la vitrine
Pour son unique client de la journée, toi, qui passeras des heures à contempler la nature morte
À lui donner vie par le mécanisme mystérieux de ton imagination
On aperçoit un coffre diaphane, où gisent des personnages que tu n'as pas connu
Penchée au-dessus de lui, une ombrelle miniature, à la chinoise
De la même sorte que celles qu'on plante parfois dans les glaces luxueuses
Ces glaces pleines de neige. Elle semble protéger quelque chose
Elle n'est certainement pas là pour faire de l'ombre
Ni même pour enjoliver un paysage déjà tant enrichi
La petite ombrelle était plantée là comme un drapeau
Pour marquer son territoire
Et au-dessus d'elle, en caractères d'industrie, on peut lire
Comme une plume ou un insecte si léger qu'on le penserait sans cesse en instance de s'évader dans les airs
"Je ferme les yeux" et la crainte de le voir s'échapper nous rend sa présence plus vive encore

 

ÉPILOGUE

 

J'ai rêvé les mélodies entraînantes
Les pianos luxueux, pas très bien accordés
Mais qui jouaient malgré tout divinement bien, cet air du jour et de la nuit
Comme les cordes qu'on a dans le coeur
On ira voir le désert demain, si tu veux
Ou tout autre paysage
Puis nous irons retrouver des morceaux de joie de vivre éparpillés
Derrière nous sur le chemin
Pour les amonceler comme un trésor
Sous un nouveau jour
Regarde, les heures tournent et le cirque du monde continue

 

 

 

zeio — François L. 2008