Et de toutes les heures du monde elle n'en a pas gobé une seule
Blaise Cendrars

 

 

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES :

 

PREMIER CHAPITRE

 

  • ENCORE UN JOUR
    I - Un Monde en Plastique
    II - Là-bas
    III - Le départ
    IV - Encore un jour
    V - Ventre d'aile
    VI - Maison d'eau
    VII - Sucre d'orge
    VIII - Petite étoile noire
    IX - Taciturne
    X - Détails
    XI - Fictions
    XII - La sirène
    XIII - Perpétuelle
    XIV - Explication
    XV - Le Soleil Invisible des Anges
  • EST-CE ÉTRANGE
    I - Made in USSR
    II - Je danserai jusqu'à la tombe
    III - Ambulance
    IV - Est-ce Étrange
    V - Le prisonnier
    VI - L'âge d'or
    VII - Dépouillement
    VIII - Révolution
  • LE JOUR PARFAIT
    I - Le Jour Parfait
    II - Aviation
    III - Islande
    IV - Streichhölzer
    V - Près du pôle
    VI - Fiction
    VII - Tour à tour
  • L'HEURE DITE
    I - Toujours
    II - Inconnu
    III - Là-haut
    IV - L'heure dite
    V - La porte
  • RUINES
    I - Die Nacht
    II - Ruines
    III - Vestige
    IV - Fiction
    V - Correspondances

 

CHAPITRE II

 

  • BIENTÔT PEUT-ÊTRE
    I - Momentum
    II - Un monde orange
    III - Évaporation
    IV - Sans fin
    V - Battements
    VI - Battements
    VII - Battements
    VIII - BIentôt peut-être
    IX - Plongeoir
    X - Petite teigne
    XI - Les autres
    XII - Temporaire
    XIII - Esprit moderne
    XIV - Terre Adélie
  • SI SILENCE SI
    I - Évocation
    II - Ca va peut-être brûler
    III - Matin
    IV - Arme de guerre
    V - C'était quand
    VI - Rendez-moi vous
    VII - Si silence si
    VIII - Quelque part dans Londres (Adoration)
    IX - Un sourire
  • PORCELAINE
    I - Porcelaine
    II - De travers
    III - Un secret dissimulé
    IV - La chambre du solitaire
    V - L'attente
    VI - Manque
    VII - Sous la langue

 

 


 

 

ENCORE UN JOUR

 

I

UN MONDE EN PLASTIQUE

Regarde mes doigts sont en plastique
Mes cheveux aussi
Mes jambes, mon cou
Mes pensées sont en plastique
Mon cœur
Mon âme
Mes gestes aussi
Mes paroles
Toute ma tristesse
Les poils sur ma poitrine
Quand je regarde vers le ciel
Les nuages
Les astres
Tout est en plastique
Mais regarde-moi
Je fonds.

II

LÀ-BAS

Je suis là-bas
J'ai toujours été là-bas
Je n'ai jamais été ici
Je suis toujours allé vers elle
Région de mes origines
Neiges, immenses plaines et vent polaire
Les filles à la mode du Saskïa
Je pleure vraiment, en y pensant
Mon pauvre cœur brisé
J'ai tout quitté
Tout

Mais pour toi
Pour toi, seule
Pour te rendre hommage
Pour leur dire à quel point je t'adore
Je deviendrai un de ces pauvres écrivains.

III

LE DÉPART

Le train part
Je hais les locomotives d'aujourd'hui
Elles sont trop silencieuses
Elles ne tremblent pas suffisamment
On ne sent pas qu'on s'en va
On est enfermé dans les voitures
Les gens d'en face me gênent
Je n'aime pas qu'on me regarde fixement
Mais je suis différent
Les gens me regardent
Mon voyage est extraordinaire
Mais je n'ai pas le temps de voir les paysages
C'est trop rapide
Tout est beaucoup trop rapide

Moi je ne suis pas pressé d'arriver
Je n'ai pas d'ordinateur portable
Ni de journal
Ni de livres
Ni rien d'autre
J'ai tout juste mon pauvre corps
Je suis trop pauvre
Par contre il me reste
Un peu de neige fondue
De ma Sibérie natale.

IV

ENCORE UN JOUR

Encore un nouveau jour
Très loin de mon lieu d'origine
Mais je ne vais pas me plaindre comme les autres
De ma terre perdue
Au contraire
Je vais les prendre à pleines mains
Les nouveaux pays
Les nouvelles coutumes
Les nouveaux regards
Les tons de voix inconnus
Et toutes les couleurs aussi
Je vais être heureux de n'être pas ici
Pas là où je devrais me trouver
Et continuer, sans jamais cesser
Non, sans jamais cesser
De dire les plus grandes intuitions
De ceux qui ont mal quelque part
Sans jamais savoir où.

V

VENTRE D'AILE

Je te regarde attentivement
Je contemple consciencieusement les détails
Tu écoutes la piste cinq du disque
Celle qui te rend nostalgique
Tu souris un peu, je sens bien
Qu'au fond cette chanson
Te rappelle à de nombreux souvenirs
Entre nous deux
Alors
Tu veux être appartenue
Tu m'appartiendras.

VI

MAISON D'EAU

Si jamais, malencontreusement une fuite d'eau douce
Se produisait, si jamais une secousse avait lieu
Ce qu'il faudrait c'est le feu l'incendie criminel
Pour en faire quelque chose de ton océan
Pour avoir ce quelque chose à noyer
Voici ma peur mon abîme ma maison d'eau
À remplir à combler à anéantir par centaines
En tremblant.

VII

SUCRE D'ORGE

Sur la langue pétille souvent
Sans que personne ne s'en rende compte
Un grand feu d'artifices rouge et noir
Le noir est d'ailleurs la couleur préférée des artificiers
C'est elle qui se confond le mieux avec le ciel juste derrière.

Dans les différents yeux tout humides des enfants plongés dans l'extase
On voyait bien distinctement de nombreuses petites chenilles
Qui grimpaient les trousseaux de clefs des portes à ouvrir.
En fondant elles répandaient sur le fer une matière verte-grise
Un peu comme du bronze abîmé par la pluie
Sur les statues dans les vieux cimetières.

Sitôt que le spectacle touchait à sa fin
On devinait bien les mouvements de la foule qui allait et venait
Dans les traverses ou dans les différentes embarcations.

Dans les promontoires
En voyant flotter tous les vaisseaux
Avec leurs capitaines d'artillerie de marine
On les reconnaissait car ils portaient tous
Attachée dans la peau tendue
Entre l'index et le pouce une perle jaune
Avec gravé dessus : "SUCRE D'ORGE".

VIII

PETITE ÉTOILE NOIRE

Des comètes tombent
Cette nuit
Pareille à des milliers d'autres
Des murs de rubis s'écroulent
-Vous ne voyez rien ?-
Des flocons de neige sur les cils
De la neige aussi sur tous les toits
Mon amour perdu au fond du bordel
Plus triste et bien plus beau aussi
Son visage immaculé au fond de mon cœur
-Vous êtes aveugles ?-

Ton or
Pour nourrir un monde d'animaux.

IX

TACITURNE

Je n'ai pas de nom
Ça compte pas tellement de le savoir
Je m'en fiche
Tu devines bien que si je fais mal
C'est que je suis innocent
Je te suis du regard
Et ta beauté constelle mes yeux

X

DÉTAILS

Tu ne viendras pas
Sans doute jamais
Poser ta brosse à dents à côté de la mienne
Tu te moques bien de ces petites choses n'est-ce pas
Ces détails ridicules
Le matin quand tu choisis quels bijoux tu vas porter
La marque du café
Le premier mot de la toute première journée
Le bruit des clefs dans tes mains
Ton écharpe bariolée
Le nom des rues que tu vas traverser
Tes grognements quand je t'ennuie
Avec toutes ces choses
Pourtant tu sais un peu au fond
Que jamais personne d'autre n'y fera attention
Tous ces petits détails
Ça nous empêche de vieillir.

XI

FICTION

Oublie une heure tes inquiétudes
Ta jeunesse est ta petite fleur
Ne la perd pas.

XII

LA SIRÈNE

DES VAGUES DES GRANDES MERS
DES BASSINS REMPLIS DE STICKS DE ROUGE À LÈVRES
DES TRESSES TRÈS SERRÉES ET PUIS
TA LUMIÈRE MON AMOUR

DES PLEURS
JE TE LE JURE
LES MÊMES PLEURS QU'AVANT
PAS UN SEUL JOUR SANS TA PENSÉE QUI REMONTE
C'EST TOI SI JE NE GRANDIS PLUS
TA LUMIÈRE MON AMOUR

DES VAGUES DES GRANDES MERS
ET MOI
LA COQUE DE MON NAVIRE PIRATE
CARESSÉE PAR LA QUEUE D'UNE PETITE SIRÈNE
TA LUMIÈRE MON AMOUR

XIII

PERPÉTUELLE

L'haleine difficile que tu as parfois le matin
La poussière agglomérée dans les touffes de tes cheveux
Les ongles mal coupés de tes doigts de pieds
Tes sales manies
Comme tu ne penses qu'à ton chat
Quand tu es plate et idiote le soir
Et que tu n'as plus d'imagination
Tout ça, je nage dedans
Tout ça fait que je t'adore.

XIV

EXPLICATION

Je veux te voir hurler, gronder
Continue, brise toute la vaisselle
De ma chambre
Pleure si tu veux
Blesse-moi au propre, au figuré
Plante des aiguilles dans mes mains
Brûle mes ongles
Arrache les petites toiles à cinq francs
Qui tapissent mes murs
Détruis mes meilleurs disques
Quand tu auras fini
Tu pourras partir
Ne plus répondre, cracher sur mes excuses
Te taire
Me raccrocher au nez
Tu peux faire semblant de rire et danser
Là où je ne suis plus
Comme ça je t'adore un peu plus
Hystérique, prostrée, hurlante, silencieuse
Mais jamais indifférente.

XV

LE SOLEIL INVISIBLE DES ANGES

Toi aussi est-ce que tu en as marre de ces choses mal écrites
Tu voudrais t'enfuir
Avec un vent très frais plein de vitalité
Tu sais toujours tous les paysages
Tu voudrais les changer
Du bleu à la place du vert
Tu délires
Tes petits doigts magiques
Les tronçons de chaque train
Tu veux que je te raconte des histoires
Des histoires vertigineuses

 

Il fait moins froid ici as-tu remarqué
On entend des enfants faire de l'amour
Suis la route
Seras-tu enfin libérée
La route est ainsi faite elle est longue.

 

 

EST-CE ETRANGE

 

 

I

MADE IN USSR

Je vais écrire un poème tous les soirs
Je vais t'inonder
Je vais les accrocher partout sur les murs
Ils vont pleuvoir, ils vont neiger
Je vais même recouvrir ta porte
Tu ne pourras plus l'ouvrir
Tu seras dans mon monde qui est le tien
Après quand tu m'auras goûté
Quand tu m'auras bien mâché
Recrache-moi
Et je les arracherai de ta cloison
Le monde dehors aura changé.

II

JE DANSERAI JUSQU'À LA TOMBE

Je danse avec moi-même
Est-ce étrange
J'ai commencé à 6 ans
C'était bien trop tôt
Je m'en souviens très bien
Je faisais le tour de l'astre
Est-ce étrange
Je dansais
J'étais bien le prince du monde
Très insouciant
Il n'y avait plus de limite
J'allais partout.

III

AMBULANCE

Une phrase t'excite un peu
Et tu t'envoles
Regarde l'amour arrive il faut partir
Tu m'as regardé
Intensément
Comme toutes les filles qui veulent être amoureuses.

IV

EST-CE ÉTRANGE

Le volcanologue explorait tes oreilles
Il ne trouvait pas grand-chose
Le chimiste étudiait tes selles
L'explorateur visitait tes grands yeux
Les chercheurs d'or, les mineurs
Escaladaient tes épaules
Des japonais, des mexicains, des indiens
Des apatrides aussi
On avait mis au point un engin minuscule
Pour voyager dans ton sang

Même le pape a voulu savoir s'il fallait te bénir
Personne n'a pu mettre la main sur tes secrets
Mais moi je t'ai regardée une seconde
Et j'ai ramassé ta pépite
Je t'ai inventée

Est-ce que c'est dur à comprendre

V

LE PRISONNIER

Tu t'es réveillé en pleine nuit
Où étais-tu est-ce que tu étais loin
Attends je vais allumer le néon rouge
Quel était ce rêve dis-moi
Étais-tu loin d'ici ?

VI

L'ÂGE D'OR

La moitié de ton âge
La moitié de l'âge d'une autre
Le début la fin d'un éclair
Ta petite chandelle mon incendie
Je m'en fous de ton âge si tu savais
J'ai ce que tu as perdu en route
Et toi ton cœur mûr
Mûr comme une groseille une cerise une mangue
Je mords dedans
Un peu de ton jus merveilleux coule de ma lèvre.

-Un peu d'or que je me sauve-

VII

DÉPOUILLEMENT

Un millier de foulards
Un millier de sensations sans un seul mot
Ils tournaient la tête d'un côté puis de l'autre
On les reconnaissait instantanément
C'est eux qui refont le monde
C'est eux qui anéantissent sa violence
L'un feignait de mourir
L'autre embrassait son trésor invisible
Et puis lui l'anglais au centre
Rayonnait

Autant de richesses
À l'intérieur d'un pauvre homme
Le spectacle commence.

VIII

RÉVOLUTION

Lève-toi très tôt ce matin
Tu ne vas jamais me croire
Tu ne sais pas ce qu'il se passe
Juste derrière ta fenêtre
Quelque chose de réellement incroyable
Prépare-toi vite
Je sais le jour se lève à peine
Mais il faut aller voir
Viens
Aucune voiture dans les rues de la ville
On a décollé les affiches
Les télévisions sont éteintes
On n'entend aucun bruit
Seulement les gens ils sont tous dehors
Un poète a pris le pouvoir.

 

 

LE JOUR PARFAIT

 

 

I

LE JOUR PARFAIT

Tu l'as tu ne l'as pas
Tu ne sais pas, tu ne sais rien
Tu hésites une seconde
Puis tu t'envoles.

II

AVIATION

Écoute-la avec ses bruits
On croirait qu'elle marmonne un truc
Elle parle je ne l'écoute pas
Je regarde bien sa bouche
Elle se tord, elle se déforme
Pour produire tous ces sons là-dedans
Ses U ses R ses S ses S
-Si si j'écoute j'écoute-
Tu continues de parler
Je pense à autre chose
Je pense à ce que tu ne dis pas.

 

-Tu cherches tes ailes-

III

ISLANDE

Là-bas dans ce froid-là
On n'a pas le temps de traîner
Des petites maisons des vies
Bariolées
Puis après
Plus rien

Viens et ne regarde pas derrière
À aucun moment
Ne te soumets pas
Non plus
Suis-la comme la trace dans une neige.

IV

STREICHHÖLZER

Je l'ai découverte ainsi
Sur la terre, morte d'épuisement
Au milieu des autres amantes
Esseulée et froide
Je lui demandai ce qu'elle avait perdu
Elle avait donné tout ce qu'elle était à un monstre
Elle avait visité à peu près tout
Elle n'avait rien trouvé
Aucune médecine aucune délivrance
Aucun signe
Foudroyée
Cramée
Cent avalanches sur sa pauvre fragilité.

 

-Je la soulevai je lui montrai la direction du nord-

V

PRÈS DU PÔLE

C'est que je sens un peu de cette lumière
Plus près toute proche
Un passage une ouverture
Ca brûle là-dedans
Ca frissonne
Je me demande bien ce qu'il se passe dans ton petit corps
En ce moment
Je colle mon oreille
Des petits seins plus près du cœur.

VI

FICTION

Tu rougis un peu
Est-ce que c'est le vin
Le vinaigre
L'amour

VII

TOUR À TOUR

Or tu t'assois un moment pour y penser
Tu laisses un peu le temps avancer sans toi
Tu as des poils de chat parsemés sur ta chemise
Parfois tu te dis que tout ça ce n'est rien
Rien du tout
Ou pas grand-chose
Que ça passe tu l'as vécu plus d'une fois n'est-ce pas
Ce n'est pas vraiment sérieux
Il faut en passer par là aussi
Ce malaise ta tristesse
Parfois tu te sens si minuscule
À côté de ce que tu essayais d'être.

 

 

L'HEURE DITE

 

 

I

TOUJOURS

Tu attendais un beau livre
Tu voulais tout pouvoir y trouver
Des remèdes des merveilles
Des histoires courtes et touchantes
Des blessures des cœurs à feu et à sang
Parfois tu espérais qu'il réveille en toi des choses éteintes
Pourquoi pas
Tu attendais même qu'il ressuscite un peu ton monde
Peut-être.

II

INCONNU

Tu avances à reculons
Tu fermes les deux yeux
Tu attends
Une heure
Peut-être même plus
Tu fais un pas
Soudain une voix te dit
" Viens vite ! "
Alors tu te retournes
Tu te mets à chercher

Tu cherches
Tu cherches indéfiniment
Enfin tu devines quelque chose
Loin très loin
Tu ne pensais pas n'est-ce pas
Que la route serait aussi longue
Rien ne t'oblige à partir
-À quoi bon-
Pourtant
Tu jettes un regard en direction du lointain
Et tu t'en vas.

III

LÀ-HAUT

Un peu plus haut
Juste à peine
Sûrement
C'est tout là-haut que ça se passe
Sur le toit d'un building à Manhattan
À la pointe des tours prodigieuses de Shanghai
-Où est-ce-
Tu ne t'es jamais senti aussi dérisoire
Un fil dépasse
Est-ce que tu ne t'arrêteras jamais
Tu montes tellement haut
Tu tires fort dessus
Tu découvres un nouveau trésor.

IV

L'HEURE DITE

J'ai dormi sur ton pallier
Tu n'étais pas encore là
Le lendemain j'ai organisé le rendez-vous
-Tu penses-
Des mois d'attente pour aboutir à cette journée merveilleuse
J'ai tout bien préparé
J'ai parcouru les rues de la ville
Toutes les vitrines
Les magasins illimités
Après avoir acheté le meilleur
J'ai préparé la table
Avec les bougies parfumées que tu adores
-Tu penses-
C'était tellement beau
J'étais si impatient
Tout était si parfait
Mais la perfection ne vient jamais à l'heure dite
Tu n'es pas venue du tout d'ailleurs
En fait je n'ai rien fait d'autre qu'attendre.

-Je me demande encore si tu existes-

V

LA PORTE

Nous en verrons quelques-unes encore de ces nuits-là

Elles ressemblent beaucoup aux lendemains d'ivresse

C'est comme si tout au fond quelque chose s'éteint

D'où venait l'air vif du dehors et cet appétit monstre

Où es-tu donc tu forces mais la porte ne veut pas s'ouvrir

Tu cherches partout dans ta poche il ne reste plus de clef

Tu fouilles désespérément dans cette jungle immense

Tu ne peux rien y faire c'est le lot de tout le monde

Il y a des carrefours qui ne continuent pas

Des murs invisibles qui bloquent chacune de tes rues

Aussi quand cette heure vient il faut penser à autre chose

Tu ne sais pas vraiment tu tends quand même une main peureuse

Au lieu de tout tirer vers toi tu t'abandonnes tout à coup

Moi par exemple je ne t'ai pas oubliée est-ce que tu t'en souviens

Je n'oublie jamais rien pour mon malheur comme pour mes merveilles

Juste dans le creux de quelques tristesses on peut trouver un peu d'or

Peut-être fait-il froid est-ce que tu veux ma veste

Tu regardes dans tes nouvelles poches elles sont pleines de clefs.

 

 

RUINES

 

 

I

DIE NACHT

Nous nous débattrons dans les ruines
Et nous serons en manque
De sel
De beauté
De grains de café
De plein d'autres choses
Avec juste quelques yeux très noirs
Exactement comme nous les aimons
Un peu absents
Un peu abandonnés
Dans le fond de la tasse
Pour nous seuls
Rien de plus.

II

RUINES

Dis-moi est-ce que tu crois que tout est perdu
Est-ce que ça ne sert plus à rien
Pourquoi te lèves-tu ce matin
Que vas-tu faire
Comme d'habitude
Tu vas replier la couette avec ta main gauche
Et poser les deux pieds précisément en même temps
Pour ta superstition
Tu vas cogner tes ongles contre la tasse
Deux fois
Puis tu vas la porter à tes lèvres
Machinalement
En regardant le grand abat-jour rouge

Il t'en reste encore beaucoup de ces rites

Preuve que tu es encore bien vivant
Autant qu'hier
Autant que demain
Tout est à sa place
Rien n'a changé
Tu tournes en boucle
Chaque matin à moitié encore dans ton rêve
Tout ça est bien inutile n'est-ce pas
-Dis-m'en plus-
Je sais bien que je ne perds pas mon temps
À contempler ton élégance
Au beau milieu des ruines.

III

VESTIGE

Nous nous sommes approchés une fois très près du soleil
Peut-être même avons-nous touché le centre
C'étaient les tous débuts
Tout à prendre, rien à perdre
Nous buvions l'eau de la mer et nous aimions ça

Le moment était tellement beau
Nous voulions nous jeter de la falaise
Au fond nous savions bien
Que ces heures-là ne sont pas faites pour durer
Elles partent et ne reviennent plus
On avait tellement raison
Les journées maintenant
Sont des échos de plus en plus fragiles
Et plus on veut les serrer plus elles glissent de nos doigts.

 

-Te souviens-tu de ces heures qui duraient des secondes-

IV

FICTION

Qu'est-ce qu'on peut bien se dire
De quoi peut-on bien parler
Quelle importance au fond des yeux

V

CORRESPONDANCES

Une lettre
Puis deux
J'en ai écrit plein
Exactement comme tu voulais qu'elles soient
Touchantes mais pas trop idiotes
Avec les ratures, avec les fautes
Tristes sans être douloureuses
Parfaites
Quand je pense qu'elles vont parcourir tout ce chemin sans moi
Vers là-bas jusqu'à ma Sibérie natale
Natale comme ma langue
Inconnue par ici

Je n'en vois pas la fin
Elles tombent de mes doigts
Pour atterrir sous tes yeux
Pour toucher terre
Chacune plus actuelle que l'autre
Chacune plus soignée
Je n'ai pas dit une seule fois je t'aime
Trop commun, trop mécanique.

 

 

 

 

 

 

BIENTÔT PEUT-ÊTRE

 

 

I

MOMENTUM

Est-ce que c'est ta première nuit d'écriture ?
-Oui-
Que vas-tu faire
Comment vas-tu t'y prendre ?
-Je ne sais pas je ne sais rien-
À quoi vas-tu penser
À une seule chose ?
Que fais-tu ?
-Je croise les doigts-

II

UN MONDE ORANGE

Tu me dis parfois que le monde est une orange immense

Qui nous berce chaudement dans ses mouvements de va et vient

Qu'on peut le mordre mais qu'il a un goût acide

Pourtant on y prend goût comme un alcool

Comme une drogue étincelante

Tu me dis aussi que la vie est un cadeau des dieux

Qu'il ne faut pas en perdre la moindre goutte sucrée

Est-ce que c'est vrai ?

Réponds-moi vite ou je perdrais mes illusions.

III

ÉVAPORATION

Or l'apesanteur disparaît
C'est une surprise je ne m'y attendais pas
Moi qui avait fait la table
Les couverts se décollent de la nappe
Mes roses se sont échappées du pot de fleurs
Les jouets oubliés cachés sous le lit
Font leur réapparition
C'est un feu d'artifices
Je pose les pieds sur mon plafond
C'est merveilleux
J'en veux encore plus
Je n'ai pas de temps à perdre
J'attrape la fenêtre je l'ouvre et je sors
Je tombe dans le ciel.

IV

SANS FIN

Alors tu viens tâter le goût du ciel
Un petit peu d'absence
Tu vois des euphories volantes partout dans les airs
Ca te rassure un brin
Des nuages comme du papier mâché
Un bouchon de liège flotte dans la voûte
Un nageur papillonne dans l'eau de ton bain
Un peu sale

-Un trou d'air qu'est-ce qui t'arrive-
Tu te sens seule tout à coup
Tu ne sais plus quoi t'inventer comme élixir
Et ta pauvre âme
Toute pliée comme un origami
Dans cette heure
L'heure la plus sombre
Celle qui précède l'aurore
Tu pousses la détresse à sa limite
Tu t'effondrerais tu n'as plus de force
Il n'y a rien d'autre à faire
Tu retournes sur un sol moelleux
Tu tâtes avec la main
Et tu rencontres une toute petite clef
La clef des champs.

V

BATTEMENTS

Dehors ça s'endort
En moi ça s'anime
Je vois des fenêtres j'aimerais y entrer
Je vois des volets fermés en plein jour j'aimerais les ouvrir
Des gens inconnus
Des petites vies enluminées
Je ne sais plus parler
On ne sait jamais ce qui pourrait sortir de ma bouche.

VI

BATTEMENTS

Je risquerais de dire des bêtises
De ne pas être à la hauteur
À la hauteur de quoi
De rien du tout
Je me perds sur la vitre
Je regarde les gens aller et venir
Ca grouille ça fourmille
Ca gesticule ça se bouscule
Ca va ça vient régulièrement
Le battement du monde entier comme un spectacle
Insectes, libellules, cloportes, coccinelles
Ou peut-être des anges à leur manière.

VII

BATTEMENTS

Qui sait
Il est dix heures
Une voiture
Une parmi des centaines d'autres
Quelques vies enfermées dans un véhicule
Ça s'agite à travers
Ça dessine des tableaux d'existences
Quelle vie peuvent-ils bien mener
Quels sont leur chagrins
À quoi pensent-ils
Un rien
Un rien du tout
Des petites choses éternelles.

VIII

BIENTÔT PEUT-ÊTRE

Ta pensée
N'est-elle pas suffisamment belle
Le pays rêvé n'est-il pas déjà très beau
Tu ne peux pas tout avoir
Tu fais semblant
Ce n'est déjà pas si mal
Tu te contentes de promesses

Alors moi je te lance des promesses
Avec la paume des yeux
Et toi
Tu tends les bras tu les attrapes
Tu te cramponnes
Tu ne lâches rien
Puis tu regardes le résultat de ta pêche miraculeuse
Tu écartes tes phalanges tu y vois de la poudre d'or
Un peu comme la poudre des papillons
Tu sais
Tu ne sais pas encore
Bientôt peut-être.

-La constellation du poisson indique la direction de l'océan-

IX

PLONGEOIR

ELLE ESSUIE SON ROUGE À LÈVRES AVEC LE DOS DE LA MAIN
ELLE POSE SA MAIN SUR LES MIROIRS
ELLE COURT ET RACLE SON POING SUR LES ROCHERS

ELLE PENSE QU'UN PEU AU-DESSUS IL Y A QUELQUE CHOSE
ELLE PINCE AVEC LES DENTS LES AILES DES PAPILLONS
ELLE RÈGNE PRINCESSE DANS SON CHATEAU DE SABLE

ELLE LAISSE RETOMBER SON FOULARD À PEINE RECOUSU
ELLE OUVRE SES YEUX DANS LA PISCINE PLEINE DE CHLORE
ELLE ATTEND PENCHÉE QUE LE CORAIL S'ÉCHAPPE DE SA CRINIÈRE

X

PETITE TEIGNE

Ne parle pas
Tu n'as pas besoin de mots
Non
Je m'étonne déjà de te regarder
Comme je t'ai découverte
Innocente et frêle
Ta fragilité
Et cette force tout au fond de ton cœur
Tes coups de colère
Ça donnait chez toi quelque chose de magnifique
Un charme à peu près divin
Tu lances des aiguilles dans les yeux qui t'observent
On ne te touche pas tu es brûlante
Tu es sensitive comme un coquillage
Tu es sensitive comme certaines fleurs sauvages.

XI

LES AUTRES

Les autres rient et dansent
Les autres on s'en fout
Certains s'allongent épuisés
D'autres se tirent dessus
Des gens s'enfuient
Ou traversent les rues dans tous les sens
Ils sont heureux ils sont malheureux on ne sait pas
Les autres on s'en fout.

XII

TEMPORAIRE

Et nous
Nous sommes un orage
Nous sommes des bruits
Une trace nouée comme une sangle
Autour de quelques raretés
Une incandescence sous la pluie furieuse
Un bonbon rose collé sous la chaussure
Cramé par toute une vie
Un tas de cendres au fond du cendrier
À peine nés que déjà tout s'arrête
Nous sommes minuscules et éphémères
Pourtant
Dans ce fragile état des choses
Ce qui palpite encore
Une fraction de seconde
Comme un éclair.

 

 

-Dire qu'il y a peu encore tu avais peur du noir-

XIII

ESPRIT MODERNE

Je m'entends m'entendre
Je me vois me voir
J'adore
Je m'admire
Je sens que je ne sens rien
Je n'ai pas d'envergure
Je n'ai rien qui me distingue
Je suis la copie conforme
Édulcorée
Je calcule
Ma vie est plus longue
Tout est parfait
Mais qu'est-ce qui existe
Dans mon être préfabriqué.

XIV

TERRE ADÉLIE

Dans ces horizons on ne voit que du blanc
Quelques rares cargos viennent fendre la glace
Des sous-marins quadrillent les fonds
Des nuits ensoleillées
Des mammouths emprisonnés dans la neige
-Même ici nous ne sommes pas seuls-
Puis des aurores magnifiques
L'infini
À perte de vue
Comme si on y était.

 

 

SI SILENCE SI

 

 

I

ÉVOCATION

Corps nu appuyé dos contre mur
Sur fond blanc,
mains perdues ouvertes
Ampoule allumée puis non éteinte
doigts couchés
Traverses cheveux noirs presque roses
Sur fond blanc,
ciel non plafond
Néon comme jaune un murmure
puis rien à peine une seconde
ailleurs lumière grise cousue dans le corps nu
Fouillis de traces tête penchée
Yeux sur le sol non vers le néon brut
Presque inachevé plénitude
Murmures presque mains ouvertes
Sur fond blanc,
marcher le long dos contre mur
Yeux pris dans le fond pieds plantes contre sol nu
Silence décousu à peine une seconde
Presque inachevé plénitude

II

CA VA PEUT-ÊTRE BRÛLER

Peut-être que ça peut venir
Qu'attends-tu
-Je ne sais pas-
Il est 7 heures il faut aller vivre
-Je ne saurai peut-être jamais-
Viens
C'est bien c'est comme ça qu'il faut s'y prendre
Ca part d'un brouillon
Ca part toujours un peu déréglé
Ca finit en œuvre
Tout va commencer ce matin tu vas voir.

III

MATIN

Mais que dis-tu de ces choses
Est-ce que les phrases te parlent
Est-ce qu'elles vont te servir pour te lever ce matin
Sinon jette-les
Un café très chaud à servir sur la couette
Tu aimes beaucoup les transitions lentes
La vitesse du monde entier te dépasse
Alors tu te replies sur toi
Et tu préfères les histoires rouges et vertes.

IV

ARME DE GUERRE

La poésie pour soulever ton petit cœur
Pour consoler ton âme
Pour la vitalité de tes souvenirs
Quand tu t'ennuies
Quand tu n'as rien d'autre à faire
Tu veux comprendre pourquoi tes amours sont des échecs
La médecine dans un livre
La solution dans une métaphore une beauté apprivoisée
Dans un aveuglement
Mais non tu te trompes
Cette poésie-là c'est pour régaler les morts.

V

C'ÉTAIT QUAND

C'était ceci avec elle dans le noir
Ceci peine perdue
Tout compte fait non
Si je me souviens maintenant
Dans la fable dissimulée sous ses pieds
C'était dans une rue dix mètres de large
Elle se portait merveilleusement
Avec l'ange qui se baladait dans son col
Elle avait noué ses cheveux derrière
Pour déclencher le désir des autres
Exactement
C'était pour trouver l'amour qu'elle courait les rues
C'était ça c'était ce moment
C'est arrivé à ce moment-là
C'était quand

VI

RENDEZ-MOI VOUS

Tu vouvoies
Quand elle a des vues
Mais de ses vues
Nous
Qu'avons-nous vu ?
Si nous devinions
Sinon
Dans un peu d'aveu
Au moins de voir
Si toujours elle se perd à vous…

Tu l'avoues
Qu'il nous fallait une entrevue
Pour voir
Si vous l'auriez voulu
S'il fallait l'avoir
C'était imprévu
Que voulez-vous…
M'en voulez-moi ?
Pourvu qu'on soit vu
Dans les rendez-moi vous.

 

-Si seulement si seulement si seulement-

VII

SI SILENCE SI

Tu avances lentement

Tu ne fais aucun bruit

Est-ce que tu portes des ballerines

On entend à peine

Un tissu qui frotte le carrelage peut-être

Même pas à peine

Mais est-ce que tu n'as pas de poids pourquoi te fais-tu si discrète

Pas un de tes cheveux détaché n'oserait faire un son touchant le sol

Seulement le calme parfait

Tu avances sans dire un mot

C'est comme ça que tu évolues dans ta petite vie minutieuse

L'index posé sur les lèvres chut

Sans rien dire sans un sillage laissé derrière

Pas un mouvement d'air rien

Mais le sais-tu moi je suis prêt à t'entendre si tu le veux

Pourquoi ne fais-tu pas de bruit il y aurait tant à dire

Tu peux si tu le veux commencer d'ouvrir un peu ta bouche

Je suis prêt à t'écouter maintenant je suis vraiment prêt

Mais pas des paroles brutales pas toutes ces choses

Quelque chose de bien plus fort quelque chose d'humain

Tu verras ça fait toujours ça au début

La première fois qu'on délivre un aveu un vrai

On croit déclencher une catastrophe

On croit voir venir la fin du monde

On ne réveille même pas un oiseau.

VIII

QUELQUE PART DANS LONDRES (ADORATION)

Cette fois tu te mets à courir

Partout et dans tous les sens

Que fuis-tu

Tu sillonnes entre les voitures et les passages cloutés

Mais dans ta course folle

Ce n'est pas un bouton de ton manteau que tu as perdu

C'était bien plus que ça

Qu'est-ce que c'était je ne sais pas moi

C'est allé tellement vite

Je t'ai suivie du regard je l'ai vu tomber alors que tu galopais

J'ai cligné des yeux au mauvais moment je crois

C'est allé si vite

Je ne sais pas ce que c'était

Peut-être une pièce ça brillait un peu

-Non quoi d'autre-

Une barrette une bague ça se tient oui

Non c'est tombé de ton sac à main c'est sûr

-Je ne sais pas-

Toujours est-il qu'un autre est passé juste après toi

Il s'est baissé il a ramassé l'objet

Je l'ai vu l'admirer un instant

Le tourner entre son index et son pouce sous le soleil

Il l'a avalé je n'en croyais pas mes yeux

Il l'a avalé.

IX

UN SOURIRE

Vas-y
Souris si tu veux
Un vrai sourire
-Je me retourne je ne regarde pas-
Un sourire comme tu n'en as jamais fait
-Personne ne te regarde-
Un sourire de la fesse d'ange jusqu'au front
Tes reins si tu veux et tes pieds doivent frétiller
Partout
Il doit dépasser ton visage
Si tu ne veux pas le faire pour moi
Fais-le pour les porcelaines disposées sur ta table de nuit
Fais-le pour les sachets de spic qui traînent dans tes armoires
Ce que tu veux choisis
-Un deux trois ça y est-
J'ai menti en fait j'ai tout regardé
Et j'ai adoré.

 

 

PORCELAINE

 

 

I

PORCELAINE

Est-ce que tu tiens toujours sur tes pieds
Est-ce-que comme moi tu as un peu mal au cœur
Peut-être que si tu me parlais je ne sentirais plus ces choses
Ou alors ne dis rien je ne veux rien entendre
Et puis non je ne sais plus finalement
-Je crois que je me suis perdu-
Oui c'est sûrement ça je ne sais plus très bien où je me trouve
Mais c'est tellement beau d'être égaré
Alors je ne vais pas chercher la sortie tout de suite
Je crois que je vais attendre un moment dans le noir
Je vais desserrer mes mains et laisser faire
Je ne veux rien briser tout est si fragile là-dedans

II

DE TRAVERS

Aujourd'hui on voit une légère tache noire sur le soleil
Toi aussi est-ce que tu vas t'en émerveiller
Tu n'aimes pas l'uniformité tu détestes ça
Pour rien au monde tu n'iras raccommoder ta porcelaine fêlée
Tu es comme Van Gogh il lui fallait cet iris blanc perdu dans tout ce bleu
Comme toi perdu au milieu des décors où les choses sont semblables
Pour t'aimer vraiment il faut comprendre le langage des choses imparfaites
Familières, différentes, cassées, de travers.

III

UN SECRET DISSIMULÉ

Tu réaliseras peut-être que je disais vrai en faisant mine de mentir

-Quelle importance-

Et tu passeras la nuit à te tourner et te retourner tu penseras à tout ça n'est-ce pas

Comme un brin d'herbe partout sensible à tous ces riens au moindre courant d'air

Qui agitent les rideaux ceux qui dissimulent les millions d'amants dans leur monde intime

Peut-être devrions-nous partir en voyage et ne plus jamais revenir

Peut-être aussi sommes-nous fait pour ne plus bouger d'ici

Sait-on jamais quelque part on me pense

Alors tout n'est pas si perdu j'ai bon espoir.

IV

LA CHAMBRE DU SOLITAIRE

Qui sait peut-être que toi tu en sais des choses bien plus que moi
Moi je ne sais rien ou très peu je m'en fiche
Ce que je ne veux pas c'est oublier d'être
Je préfère m'occuper des détails auxquels personne ne pense
Un genre de sujets dérisoires qui me tiennent à cœur malgré tout
Qu'est-ce qui va nous rester si on vient
Nous enlever nos grimaces de chats abandonnés
Mais je ne passerai pas une nuit supplémentaire à réfléchir
Sur ma tristesse infinie et toutes ces absences qui me tourmentent.

V

L'ATTENTE

Pense qu'un peu plus loin
Il y a ce que tu attends
-Ce que j'attends ?-
Ca ne s'achète pas je crois que ça tombe du ciel
Le moment voulu
-Je ne vois pas de quoi tu veux parler-
Je t'assure
Mais ce n'est pas tout
Après peut-être un mètre plus loin encore
Qui sait à la prochaine intersection
Il y aura de nouveau ce que tu attends
Ce que tu attends le plus au monde.

VI

MANQUE

Tu perds un peu tes yeux tu te retournes dans ton lit

Ca te gène tu ne sais pas vraiment où ni quoi

Tu cherches dans tous les coins tu regardes sous le matelas

Quelque chose bouge quelque part c'est sûr il y a quelqu'un

Non il n'y a personne c'est justement ça le problème

Maintenant tu ne peux pas dormir tu n'oses pas trop penser non plus

En fait tu ne sais pas quoi faire ni quoi dire ni quelle solution choisir

Vraiment ça s'attache aux cheveux ça se balade derrière les oreilles

Ca te grimpe le long du dos peut-être une saleté d'araignée il faut vérifier

Tu ne te décides pas tu n'as plus vraiment l'énergie nécessaire

Cette heure-là décidément a un goût étrange tu n'as jamais connu ça

Pas sous cette forme en tout cas pas d'une façon aussi troublante

Tu voudrais si tu le pouvais ne pas y passer la nuit mais ce n'est pas possible

Tu saisis maladroitement un oreiller tu ne sais pas pourquoi

Tu te sers contre lui comme un gosse dans le manque

C'est un mauvais rêve c'est sûrement ça et ça va passer

Mais non tu n'as pas encore dormi alors quoi épuisé tu arrêtes de réfléchir tu ne peux plus

Voilà tu sais c'est tout bête ça surgit tout à coup je crois qu'elle te manque

VII

SOUS LA LANGUE

Après ce livre je vais tout recommencer
Tu m'écouteras tu ne m'écouteras pas
Tu m'écouteras je n'en doute pas un instant
Tu vas m'en vouloir tu vas me détester bientôt
Je ne me tairai pas
Ma plus belle promesse est celle que je ne peux pas tenir
Celle d'une clef qui n'ouvrira peut-être aucune porte
Quelle importance
Tu laisseras tout ça descendre mollement en toi
Tout ça né pour fondre
Comme un bonbon sous la langue.

 

 

Écrit entre le 20/03 et le 10/04/04