Lieux (Je suis libre)

 

 

 

Je suis libre quand je passe le seuil. Lorsqu'on me regarde où lorsque je parle, je suis libre de connaître, d'envisager, de capituler ou de vaincre. Je suis libre dans les mots, dans les pensées, je suis libre à la minute où je me réveille où lorsque je rêve et m'avance, en territoire inconnu, à l'affût de la féerie, lorsque j'entends ta voix libre de t'aimer et de te connaître. Libre de te reconnaître et de t'élever, libre de courir indéfiniment et de craindre la mort, libre de regarder les vitraux, qui résonnent et les voix écoutées qui murmurent. Je suis libre de tenir tes mains qui tremblent, de sentir tes cheveux, d'atteindre l'enfance des choses. Je suis libre de te regarder lire, de regarder ta façon de chercher un endroit où s'asseoir chez moi car il y en a peu, sinon écrire notre histoire. Je suis libre d'aimer ta timidité et ton absence de confiance en toi, ta maladresse, et ta confiance envers eux que je n'ai pas. Libre de prendre dans ma bouche ce chewing-gum qui est tombé malencontreusement de la tienne. Je suis libre de tout oublier et de ranger les regrets dans le tiroir, libre de ne pas parvenir à dormir avec toi à mes côtés. Je suis libre de me dire que bientôt je ne pourrais plus me passer de ta voix, peu importe, le temps est court comme la vie liée, libre de ne pas t'accompagner partout où tu sors, libre de te laisser une minute sans moi avant de te reprendre l'instant d'après, libre de sentir ton haleine encore sur ma fenêtre et sur l'oreiller, de retrouver des cheveux partout et des fichiers étranges sur mon ordinateur. Libre d'aimer en moi ces images qui dorment toujours dans ma tête un millier de pommes d'or dans le jardin des hespérides et que tu viens cueillir comme différentes promesses de bonheurs. Je suis libre d'aimer les couleurs que tu détestes et la cendre pendant que toi tu poses un chapeau sur mon soleil, je suis libre de me cacher les jours de tonnerre. Libre de faire semblant de dormir pendant que tu fais chauffer l'eau, de te regarder et de t'entendre passer tes ongles sur ta peau, libre de t'aimer plus encore quand tu évites de me marcher dessus, plus encore les jours où ta cicatrice prend du relief et de la couleur. Je suis libre de regarder les passants m'imaginant leur vie, et de sentir sur moi le poids de ton corps, libre d'oublier le temps avant qu'il ne me rattrape, de laisser s'échapper la minute et les lueurs comme de l'or passent sans bruit dans tes lèvres convoitées. Je suis libre d'aimer le silence entre tes mots qui en dit plus long qu'une ligne entière de pensées éternelles, libre de ne plus savoir comment respirer quand tu es à-côté et d'avoir peur que mon coeur me lâche. Je suis libre quand tu me parles de ta détresse et lorsque tu me confie les angoisses. Libre de recourir à ta tendresse pour faire taire le monde et connaître le désir sous la forme d'une transpiration qui semble n'avoir pas de fin. Je suis libre d'aller là sur ton corps où passe la couleuvre, libre de suivre le même cheminement que tes veines et d'aller chercher ton organe enfoui, de te transporter en de nouveaux lieux, en de nouvelles pensées peut-être méconnues, inconnues, douces comme tes mains résonnent quelques amours riches. Je suis libre de souffrir et d'aimer comme il me semble, libre de renvoyer le facteur à ses illusions ou de faire passer un peu de neige clandestine sur la partie chaude de tes seins, je suis libre de perdre mon chemin, de le rattraper, de courir le long de ta vie et de t'emmener voir par-dessus le mur des apparences ces espaces peuplés d'étoiles multipliées, je suis libre de tomber sur la case prison sans être simple visiteur, libre d'aller plus loin et de toucher la partie bleue de la flamme, où la solitude n'est plus, où l'enfer s'éteint, où ta peau forme un parfait arrondi. Je suis libre et l'élément fugitif, le voleur, l'invité, le visiteur, la lumière de passage et qui revient, la douleur, la perdition, ton paradis comme l'enfer, je suis libre et toi-même ma prisonnière délivrée.

 

 

29/01/08