La noyée


Rêves-tu toi aussi d'un avenir scintillant. Souffres-tu, maintenant, afin d'épuiser dès aujourd'hui, toutes les réserves de douleur, pour le reste de ta vie ? Aimes-tu la tristesse, dans l'espoir de ne plus l'avoir à tes côtés, un jour ? Que te dis l'avenir, quand tu regardes dans tes mains, quand tu regardes tes ongles, que tu ronges si souvent. Un souhait s'est-il abîmé, un matin, dans le puits du souvenir ? Le soleil tourne, chaque jour un peu plus vite autour de la Terre, en as-tu conscience ? Demain, nous serons vieux déjà. C'est le vent qui est venu me le dire. Hier n'est plus, le maintenant est déjà lointain, perdu dans les ressacs. Qu'est ce donc que cette nouvelle journée maussade, à se faire tant de soucis, à se créer des désordres pour un peu déloger l'ennui. Qu'attends tu, lorsque tu regardes le paysage, derrière ta fenêtre ? Qu'attends-tu, dis moi ? Où me loges-tu ? Quelque part, dans un coin mystérieux de ton coeur, comme une vague lueur. Un feu follet qui serpente devant toi et que tu suis, coûte que coûte ? Et si celui-ci t'emmenait dans les ruines, dans les lieux abîmés, le suivrais-tu tout de même ? Quel est ce rêve que tu préserves comme une flamme sacrée, au creux de ton sein, avec la prudence de tes mains ? Où est passée cette illusion, qui te tenait en haleine, et en laquelle tu ne crois plus ? Quelle est cette idée qui s'absente, et qui retourne parfois en toi, cette vague espérance d'un jour ensoleillé, loin d'ici. Ici, pourtant. C'est là que tu aimerais faire ton lit, tendre les draps délicatement, pour qu'il soit accueillant, pour que l'être aimé s'y sente bien, y reste à jamais. À quoi songes-tu, toi qui aimes plus que tu ne sais t'aimer toi-même. D'où venait cette vague qui est venue un matin tout emporter, pour ne rien te laisser d'autre que l'absence ? Mais les jours ont le goût de la cendre, alors tu fermes yeux. Et tu y vois alors tout un monde scintiller dans une farandole, cette promesse d'un été sans fin que le ciel ne peut pas tenir. Tu fermes les yeux et tu attends.

 

 

 

juin 2006