JOURNAL

 

ICI JE SUIS LIBRE

De choses et d'autres.

 

 

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Nouvelle page du journal pour une nouvelle saison qui se lève.

 

 

Dimanche 15 Avril 2007, la nuit

 

 

Je crois que je viens de passer un des dimanches les plus intenses de ma vie. Pour le moment, les pensées sont trop bouleversées dans ma tête pour que je puisse y mettre de l'ordre. C'est encore trop frais, trop neuf. Je n'ai envie ni de l'expliquer, ni de changer en mots ce qui, finalement, n'a ni besoin de descriptions ni de mots, pour être en moi. C'est le jour où je l'ai rencontrée en vrai, Elle. C'est le jour aussi, le même jour, où j'ai vu Lisa chanter... Sacrifice, the host of Seraphim, hymn for the fallen, space weaver, entre autres.
J'ai juste envie de goûter encore ces moments, tout frais encore dans mon coeur et dans ma mémoire.
C'est comme si la Vie m'avait lancé un grand sourire, un sourire mélangé de Poésie, de Magie et d'Amour. Et j'ai beau me pincer, je crois que je n'ai pas rêvé. J'ai encore peine à croire que tout ça était bien réel...


Une moitié de bonheur, une moitié d'un très grand sentiment de manque aussi, dont je reconnais facilement la cause.


Dimanche 15 Avril 2007 est à marquer d'une pierre lumineuse, inaltérable.

 

 

 

L'écriture ou la Vie ? Les deux.

 

 

Jeudi 12 Avril 2007, deux heures et vingt-cinq minutes du matin

 

 

Certains soir les amis sont plus que des amis. Oh évidemment, ils n'étaient pas bien loin. Mais nous, par contre, nous n'étions pas la porte à côté. Je veux dire, nous étions dans cette sorte d'obscur brouillard qui faisait que nous ne savions plus vraiment sur quel pied il fallait danser. Je ne sais pas si je me fais comprendre ? Je veux dire... Ces sortes de périodes bizarres pendant lesquelles l'habitude, cet opium délivré par le temps, à notre insu, fait se fondre les jours les uns dans les autres, sans qu'aucune couleur distincte ne vienne les séparer, les individualiser. Ces jours qui se ressemblent et qui nous font dire, la Terre qui tourne autour du Soleil est un manège, le même qu'hier, lent, hypnotique. L'air que je respire est le même, peu de choses changent.
Soudain on se souvient de nos quelques amis, on se dit qu'ils sont là, que nous n'aimerions pas les perdre. Mais qu'il est possible pourtant, un jour de les perdre si nous y prêtons plus suffisamment attention. Cette pensée, comme une note magique, semble ouvrir à l'intérieur de nous-même le flacon des souvenirs et nous voyons surgir une infinité de senteurs, se rattachant chacune à un fragment de la mémoire. Des instants rares et qui condensent en eux si bien la joie de vivre. Une voix comme une âme muette, parfumée qui s'échappe d'un des flacons semble nous dire, dans une langue qui n'a pas besoin de mots, "voilà ce qui est précieux, voilà ce qu'il faut préserver".
Alors, enivré de tous ces parfums subtils, on se dit qu'il vaut peut-être la peine de vivre, pour détacher du temps quelques-uns de ces moments, passés et à venir, comme une infinité de molécules d'or, de perles rares qui défilent, invisibles, devant les yeux et qui n'attendent que la lumière d'un nouveau jour pour scintiller de nouveau, plus brillamment encore, sous les fenêtres du temps et du ciel.

 

 

 

Jeudi 29 mars 2007, vingt-deux heures et vingt-quatre minutes

 

Bâtir sur le coeur

 

Le temps est calme. La légèreté prend le pas sur l'ancienne pesanteur de mes jours. Il me semble que je suis confiant, aujourd'hui. Nulle détresse à l'horizon, aucun océan noir. Cela remue doucement, en moi. Cela se réveille comme après un long sommeil. D'où vient donc cette nouvelle résurgence ?
Même la tristesse est douce. Je ne sais pas d'où ce changement peut provenir. Le Printemps ? Elle ? Elle...

Peut-être les prémices d'une chute prochaine, le signe d'une perdition à venir ? Sans doute cet état ne durera guerre. Je l'ai peu connu, dans ma vie. Je ne l'avais pas connu depuis des lustres, cet état de confiance général. Cette envie de sourire et d'aider les autres. je me rends compte que je suis bien plus en mesure d'aider les autres que je ne l'aurais crû, après avoir réglé une bonne part de mes propres problèmes.
Peut-être ai-je stoppé de trop m'en demander.
Peut-être suis-je en train de m'avachir, de me ramollir.

Du reste, d'infinies émotions montent en moi, que j'ai, pour le moment, du mal à mettre en ordre, en mots. Ils ne viennent pas. Ils semblent s'entasser en trop grand nombre sur le pas de ma bouche. Cela s'encombre, ne sort pas. Comme un paquet de sable encore humide qu'on aurait amassé dans un entonnoir qui se bouche, il n'en sort que de rares grains, qui ne scintillent pas encore.... Le temps... Laisser faire le temps, lui donner sa chance. Sans doute, une transition a eu lieu dernièrement qui est sur le point de se terminer. Les envies se bousculent au portillon... envie de créations, de renouvellements, envie de changer d'état d'esprit, de manière de penser et de voir le monde.
Oh, évidemment, quelques remords viennent de temps en temps me rappeler ce que je n'ai pas fait et que j'aurais pu faire. Composer un bon livre, dire certains mots à certaines personnes.
De mauvais comportements que j'ai eu avec beaucoup de gens.
Pour tout ça il est encore possible de me rattraper. Car rien n'était perdu et je prends conscience que, malgré tout, les gens qui comptent m'aiment toujours.
Je crois que je tire la leçon de mes erreurs, voilà le fruit que je récolte de mes longues réflexions et de mes tourmentes, qui n'ont pas été vaines.
La vie est juste. Elle récompense toujours les élans maladroits mais généreux, les âmes fidèles, les âmes qui n'ont pas perdu leur foi, qui n'ont pas laissé tombé les idéaux, les voeux murmurés au "confessionnal du coeur".

 

 

 


Souvenirs ;)

 

 

Mardi 20 Mars 2007, minuit vingt-sept

 

Je prends conscience de certaines choses que d'aucun ignorerait sans doute. Parfois, je vois des trésors et des reflets partout aux alentours. Jusque dans les derniers détails, toute la richesse, la luxuriance d'un rayon de soleil ricochant sur la peau. Je vois des trésors là où d'autres ne semblent pas prêter la moindre attention.
Avec mon tamis, j'attendais en aval de la rivière de la Vie. Je ne bougeais pas et j'attendais que les pépites et les pierres précieuses tombent dans mes mains impatientes.
Je fais désormais confiance à toutes ces fluctuations qui me viennent de l'extérieur, ces forces qu'on appelle parfois l'amour, l'ouverture à l'autre, les élans de la vie. Autrefois, esclave d'un impétueux besoin de contrôle, je ne supportais que le courant d'une rivière me porte en des terres étrangères. J'enfonçais mes pieds entre les cailloux et la terre pour me fabriquer une immobilité de facade, fragile colosse, je m'étais fixé à la rivière qui a failli me noyer.
Désormais, j'ai lâché prise. Dans le bon sens. J'ai donné un grand coup de pied dans la fourmillière. Je me suis laissé prendre par les courants de la Vie, par les mouvements de la foule. Passé les premiers instants tempétueux, voici que, échoué sur un étrange mais accueillant rivage, je m'aperçois que les éléments qui m'entourent sont emprunts d'un sourire fascinant.
Rien ne pourra plus m'éloigner de cela. Rien ne pourra plus m'éloigner de cette magie généreuse qui est vraiment ce que désire mon âme.


Les forces, les désirs de la vie et de mon coeur dirigent mes pas et je fais pleinement confiance.

 

 

«La philosophie antique nous apprenait à accepter notre mort. La philosophie moderne, la mort des autres.»
Michel Foucault

 

 

"On ne voit bien qu'avec le coeur"

Songer à son bonheur. Songer aux miracles parsemés sous chacune des secondes. À la joie de vivre méritante, aux empreintes des étoiles sur les voûtes encrières. Ne rien attendre. Laisser faire. Faire confiance et suivre cette route tracée devant nous par le coeur, ce sentier ouvert dans la nuit marine. Ne rien refermer. Laisser aller. Laisser revenir. Sérénité.

 

 

Mardi 13 Mars 2007, vingt-et-une heure et cinquante cinq minutes

 

Densification

 

 

"Connais-toi toi-même"

 

Maintenir le crépitement, maintenir l'émerveillement... La musique

Je peux regarder en arrière et dire, sans le moindre doute : j'ai su maintenir les feux sacrés. J'ai tenu debout les totems, les colonnes.

Et les nuées de corneilles passent toujours.

On me dit parfois que je suis dans mon rêve. Oui... Et je le resterai jusqu'à la fin. Je sais ce qu'est la lucidité, la perte de l'illusion. Quitte à vivre dans un désert, je préférais vivre dans un désert qui contiendrait au moins un mirage d'oasis. Un rêveur n'est pas un ignorant. Je pense même le contraire. J'ai maintenu l'ardeur, la musique, dans tout. Non pas que mes élévations soient aussi puissantes et verticales qu'auparavant, elles ont dû s'émousser sans doute. Mais elles sont toujours. Elles seront toujours. Il y a certaines choses encore qui sont à moi et à moi seul .
Ce secret qui m'habite et qui fait ma déchirure, ma tension perpétuelle. Ce secret que, moi-même, je ne comprends pas et subi. Je subi sa grâce et sa désolation. Bien au-delà des communes admissions, des images, des souffles terrestres et des habitudes.

J'aime tracer dans le sable un dessin qui sera effacé par le vent, le lendemain. J'aime, après avoir plongé une main dans l'eau, voir le liquide recouvrir en un instant mon absence. Je suis un homme qui attend et qui n'a pas peur de la mort. Je suis quelqu'un qui connaît la valeur des plaisirs de la vie, je sais ce que c'est que le manque, l'ivresse de la douleur. Je suis heureux maintenant. Et ma philosophie tend vers cette idée, à savoir vivre tout en gardant à l'esprit cette chance d'être en vie . Voilà peut-être un des secrets de la vie, de la vie adulte. Vivre en regardant dans les yeux le cadavre de l'enfance porté au fond de soi. La cadavre de l'idéal. Vivre tout de même.
Un auteur a déjà dit qu'en perdant l'idée de la mort, l'Homme a perdu la grâce.
Je me demande où est la grâce aujourd'hui ? La voix des poètes ? Le reste... c'est à dire, autre chose que la croissance économique.
Les questions d'où venons-nous, où allons nous...
Des questions sommes toutes aristocratiques, il ne faut manquer de rien, et sûrement pas de nourritures terrestres, il faut avoir du temps, pour penser.
Je me maintiens sous le voile bizarre du mirage qui fait ce que je suis. "Je suis dans mon trip", toujours, et cela n'a, décidément, pas beaucoup changé.
Je cherche la vérité. Je cherche mon salut. Quelle que soit la divinité, aux yeux du soleil, des rivières, des arbres, de la voûte nocturne.

Aux démystificateurs, je dirais que les élans ne sont pas de simples explosions de l'égo où des épanchements du surplus de libido. C'est un sens supplémentaire accolé à mon coeur, qui me permet de voir un peu plus loin. Regarder le monde et les choses de l'extérieur, comme on observe les mouvements de la rue à travers une fenêtre.
Jamais je ne me suis prostitué à quoi que ce soit. Ni aux élancements communs. Je cherche la pureté, quelque part. La clarté, la lumière. Tout ce que j'ai, je suis prêt à l'abandonner pour cette clarté, cet ensoleillement.

Je suis infiniment reconnaissant pour chaque minute de vie qui m'est accordée ici-bas, maintenant. Je ne sais pas ce qui m'attend. Je n'attends rien. Je vis au jour le jour. Il ne me semble pas que je poursuis un grand but, ou alors, ce but lui-même dirige mes pas à mon insu, le long de cette ligne conductrice invisible à mes pupilles.
J'ai plusieurs fois frôlé la mort, je l'ai même touchée. Plusieurs fois je me suis mis à genoux, avec la certitude que c'était fini. J'ai lâché prise. Plusieurs fois mon "moi" s'est brisé, s'est éparpillé dans le vent et j'étais comme perdu. J'ai connu beaucoup des pires choses qu'il soit donné à l'homme de connaître. Non pas la guerre, non pas la violence dans la chair, mais bien pire, je crois, les violences de l'âme, les écrasements dans le coeur, les désolations intérieures.
J'ai mis du temps à les assimiler, à m'en remettre. Loin de m'avoir détruit, ces expériences de ma jeunesse, maintenant je m'en rends compte, m'ont fortifié et enrichi.
Peut-être même ne m'en suis-je pas remis, mais que j'ai appris à faire avec, malgré tout. Et tout le poids des souvenirs s'est allégé, se redresse à mes côtés, me soutient.

 

"Connais-toi toi-même"

 

Et je peux maintenant regarder en moi, sans gêne et sans évasions. Je peux regarder les ruines tout autant que les luxuriances. Je peux m'affronter tel que je suis, dans ma totalité, sans être écrasé, et sans tourner le regard loin de ce que je ne voudrais pas voir. Sans me mentir à moi-même. Combien nous mentons-nous à nous-même sans nous en apercevoir ! Pour sauvegarder notre fierté, et d'autres idioties. Je suis en possession de moi-même et, preuve peut-être que je le suis, je peux en rire, énormément.
Je suis dans mes limites, je ne suis pas au-delà. Je ne cherche pas à me mouvoir en-dehors d'elles. J'ai pris conscience de mes faiblesses. Dans ma terre intérieure je peux aller à l'extrême pôle et repousser encore les frontières, sans les franchir. Je peux aller là où le soleil ne se lève plus. Je peux aller là où le soleil inonde l'horizon. Dans tous les cas, je contemple la vie, détaché et présent tout à la fois.

Plus le temps avance, et plus je me rends compte que je ne me suis pas trompé. Plus je me rends compte que mes sacrifices n'étaient pas une erreur. Je commence, seulement maintenant, à récolter les fruits qui me semblent sans nombre. Sans doute pas infinis. Sans doute, et certainement, je l'espère, la douleur me donnera encore des leçons. Car, si ma peine est toujours immense, elle est devenue mon amie, ma confidente. Les doutes, les désespoirs sont des soutiens, des dons, des forces.

 

 

J'aperçois des sourires au fond de la nuit.

 

 

 

 

Dans cent ans, dans mille ans, quand nous ne seront plus
Que des cadavres nus, au soleil dépourvu

 


Si, au printemps promis, l'aurore fatiguée
Ne dresse plus sa robe, à la nuit reléguée
Si, loin de ce qui nous faisaient, loin de ma peau
Tu recouvres un silence à ton dernier repos

Si l'horloge brisée ne t'indique plus l'heure
Repense à moi qui ne dit mot mais qui demeure

 

 

 

Tristesse remplissait le vers...

 

 

 

 

J'ai une sorte de règle que je me suis fixé à moi-même, à savoir si un
écrit ne peut pas être lu par un enfant, si celui-ci repousse le texte
en disant "j'ai rien compris", alors ce n'est pas valable. Mais je ne
veux surtout pas dire par là qu'il s'agit de faire dans la naïveté ou
la gnangnantise.
La jubilation je crois, a quelque chose à voir avec l'enfance,
"l'enfance retrouvée à volonté".
Et l'absence de sens me semble (mais là, peut-être qu'on pourra me
contredire) être incompatible avec cette enfance, qui est d'abord un
flamboiement, une effervescence.

 

 

C'est vrai qu'il y a quelques phrases un peu désuètes comme "sous les lèvres des amants", mais je dois avouer que j'ai un certain goût pour ce genre de choses, parsemées avec la main légère, surtout si elles sont cernées d'abstractions qui évitent que le texte ne soit totalement noyé sous le cliché.
D'ailleurs, un cliché n'est pas moche en soi je trouve, il le devient quand il est pris dans un contexte lui-même ordinaire ou fade.
S'il ne l'est pas, si le cliché est sauvé par une certaine dose d'abstractions et de surprises, pris dans l'ensemble, il deviendrait alors comme une banalité sublimée. Le tout étant de trouver l'équilibre, dans la musique.
Je ne cherche pas à fuir le cliché, de temps en temps j'en laisse passer quelques-uns, du moment qu'ils sont bien accompagnés. Accompagné d'une belle musique, n'importe quel cliché pourrait prendre une nouvelle dimension.
Le cliché ne me semble pas être un grand ennemi littéraire même si, à première vue, on pourrait croire qu'il faille partir à la bataille contre lui. Le fuir donne parfois un résultat bien pire, l'hermétisme par exemple, ou plus généralement, un gribouillage prétentieux.

Le premier jet est toujours (ou presque) mauvais. C'est pourquoi quand j'écris je fais tout pour ne pas me laisser aller à l'inspiration primitive, je la fais passer avant par le filtre du raisonnement et par le "filtre du coeur" pour lui donner un sens, peser le pour et le contre à chaque mot. L'intuition va à la facilité, c'est la matière première mais ce n'est en aucun cas le produit fini. Enfin, pour moi en tous les cas. Je préfère dire non aux premiers mots qui me viennent à l'esprit, dire non à la muse jusqu'à ce que celle-ci me propose quelque chose qui s'emboîte parfaitement et qui sorte de l'habitude, du "tout-fait" de l'inspiration.
Je crois que c'est ça en fait, le renouvellement, la nouveauté, savoir refuser quelques phrases, même si elles nous paraissent jolies. Au moindre doute, effacer. Au lieu d'aller vers l'expectative (geste qui n'a en fait pour but que de contenter l'ego), je tente de trouver l'inattendu.
Le tout, ensuite, est de trouver l'équilibre pour préserver un certain naturel dans le fil de la ligne, qui masque le lourd travail.
(cette méthode n'est pas la plus facile, par exemple pour écrire ce texte j'ai bien dû mettre au moins deux heures, même s'il fait une vingtaine de lignes, et je n'exagère pas... à la base il doit être au moins trois ou quatre fois plus longs)

 

"Avant de remettre le couvert avant que l'étranger n'intervienne"
Il s'agit de la mort. :)

Une chose qui me gênait par contre, mais que personne ne semble remarquer (à la lecture ça ne doit pas sauter aux yeux), c'est la répétition de l'idée que le temps s'arrête, à la fin :

"Jusqu'à ce que tu l'arrêtes dans sa course"
(...)
"Alors il s'arrête, ébloui"

Ça pourrait être presque considéré comme une faute de langage, c'est limite et je ne sais vraiment pas si je devrais le changer. J'ai failli mettre "Jusqu'à ce que tu l'interpelles dans sa course" ou "jusqu'à ce que tu le tires hors de sa course"

J'ai remarqué que tu préferais les passages plus abstraits (d'ailleurs tes écrits sont tissés d'abstractions — mais attention je distingue l'abstraction de l'hermétisme) et moins les lignes plus concrètes voire ordinaires.

 

 

 

 

Parfois je me dis qu'il y a tout un tas de gribouilleurs qui suivent quantité de recettes et d'idées reçues, par exemple "Il faut éviter les clichés", "il faut se renouveler", "il ne faut pas être trop classique", "il s'agit de faire dans l'original", "se démarquer", etc.
Au résultat, ce sont les plus mauvais. Ils ont toutes les soi-disantes "recettes" dans les mains mais passent complètement à-côté de la chose la plus essentielle dans toute création, à savoir, se mettre soi dans ce qu'on fait, mettre sa peau sur la table. Être entier dans les mots.

 

 

 

 

Lundi 5 Février 2007, minuit et une minute

 

Je passe rue Regrattier, je longe la rue Saint-Louis en l'île
Je songe à Baudelaire, qui errait souvent par ici
J'écoute les résonances des voitures, et le calme...
Les talons de quelques passants

Je me dis que donnerait-il
Pour longer une nouvelle fois, rien qu'une
Cette rue de Paris, sentir le vent frais passer sur son visage
L'odeur des vieilles pierres, regarder le courant de la Seine
Par-dessus le parapet
Regarder les gouttières et la lune au-dessus du toit
Voir, à travers les fenêtres, la lumière et la vie
La chaleur du foyer dans les appartements
Que donnerait-il pour être à ma place à ce moment-là...

Alors je me dis qu'elle chance j'ai d'être en vie
Et le vent qui était froid quelques minutes auparavant
Prend un nouveau sens

 

 

 

Il y a tout un monde de reliefs, de crevasses, de rebondissements, de lignes et d'ondulations dans un drap froissé, alors qu'un drap tendu, parfaitement plat et repassé est ennuyeux à mourir je trouve, on s'y couche mais il ne nous est pas familier, il est trop idéal, froid, on ose à peine le toucher tellement il réflète une perfection qui n'est pas en nous et ne nous appartient pas, alors que les défauts, les cassures, elles, nous appartiennent et sont familières.

Cela participe aussi au souvenir qu'on se fait d'un poème, alors qu'un parfait parfaitement ficelé n'est pas marquant, il est lisse et glisse sur la mémoire, comme un visage sans défauts. Un poème avec ses imperfections, ses bizarreries, sera beaucoup plus marquant. En le relisant un jour on retrouvera les anomalies et on se dira "ah tiens, je me souviens de ce poème, avec ce défaut et le mot rêvasseuse qui sonne bizarrement dans le poème". Le tout est de ne pas laisser indifférent je trouve.
Le vrai beau a toujours quelque chose, quelque part, qui nous déplaît ou nous met mal à l'aise.

 

 

attention je ne dis pas que le beau met complètement mal à l'aise.
Je dis que dans les plus grandes émotions provoquées par le beau il y a une toute petite pointe d'angoisse, de gêne, et qui augmente la pression sanguine, et multiplie l'émotion un peu comme lorsqu'on tombe amoureux. L'amour et le beau naissent d'une angoisse qui trouve enfin le moyen de s'exprimer, de s'épancher et de se sublimer.

Pense aux plus grandes émotions que tu as connu, celles qui t'ont le plus marqué et je pense que tu verras ce que je veux dire, il y a dans toutes une certaine anxieté, un trouble, et c'est justement grâce à ce trouble là qu'on s'en souvient.

Après tout, qu'est ce qu'une émotion, sinon une peur sublimée ?

 

 

 

Se faire un nom parmi les oubliés, voilà un bel objectif.

 

 

Radicalité

 

Je crois malgré tout que konsstrukt reflète quelque chose de notre époque. Ce qui n'est pas rien, quand on voit la quantité d'auteurs qui reflètent un vieux reflet, lui-même un vieux reflet d'un résidus d'écriture surréalistico-hermético-lugubriesque-capharnaümiomou-pompiousophage

et c'est en cela que j'apprécie son travail.

(lui-même se fouterait de ma gueule en lisant ce que je dis de lui, mais bon)

Il a sa manière de faire... on ne peut pas lui reprocher d'avoir un mauvais style, puisque (je crois), il a rejeté tout style ou, ce qui revient au même, il est incapable d'avoir un style. Et puis, il y a, tout au fond de ce qu'il fait, un profond foutage de gueule de tout, de l'existence en premier lieu, un mélange de nihilisme et de grandes bouffées de rires entre les lignes, qui passe de long en large derrière son travail.

 

 

Entre ce que fait konsstrukt et la télévision en général (pour la citer en bel exemple), je ne vois pas la différence entre ces deux merdes, sinon que l'une nous est présentée telle quelle, et que l'autre nous est offerte avec un beau papier cadeau autour, et du parfum horriblement fort et asphyxiant pour masquer l'odeur. Des gens comme konsstrukt, c'est que la société de consommation mérite, c'est le boomerang qu'elle a elle-même crée qui lui revient dans la gueule.
Si on était un tant soit peu lucides, déshabitués du bruit environnant qui nous rend sourds et aveugles, nous verrions infiniment plus de "merde" dans les médias, dans la soi-disante "humanité" de tous les jours, dans notre affreux laisser-aller, que dans les écrits de konsstrukt.
Konsstrukt est un miroir, il ne faut jamais montrer du doigt l'artiste, il ne fait que refléter. Il nous met en face à face avec une part de nous-même.

D'ailleurs en lisant konsstrukt, si on éprouve un sentiment de rejet, ce n'est pas lui ni son travail qu'on rejette, c'est une part de nous-même et de notre environnement qu'on repousse comme des lâches, des lubies-istes, des poulets joyeux jetés dans le four de la consommation, des autistes aliénés qui font comme si de rien n'était. À l'abri dans le confort du cocon, des anti-biotiques et de l'amour-propre. Et qui iront crever sans avoir été libre et lucide réellement ne serait-ce qu'une seule seconde.

 

Il y a deux façon de faire de l'art, prendre la boue et en faire de l'or, ou prendre cette même boue et la déverser telle quelle. Ce sont deux radicalités. Et tout ce qui n'est pas radical ne vaut pas une fibre de poireau.

 

Que les irréguliers s'expriment.

 

 

Toi qui passes sous silence
Rends-moi ce mot prisonnier de ta demeure

 

Il y en a eu des Bowies de l'écriture sur le net, mais ça ne va pas loin, ça ne mène nulle part. Ils finissent par faire des animations flash ou autre.
Si la vie est une pièce de théâtre, internet l'est aussi, sauf que le rideau est fermé et les acteurs jouent entre eux, derrière, sans se voir, à la manière de fantômes bizarres. Les auteurs sur internet sont des exhibitionnistes intimidés, au service d'aveugles.
Je suis bien d'accord sur le fait qu'on est pas bien dangereux, ici, je suis content de lire ça de te part mais je savais bien déjà que tu étais quelqu'un de lucide.
Que nous sommes auto-complaisants aussi, nous le sommes et d'un autre côté, nous sommes aussi très auto-dépréciateurs, revers de la même médaille, sans doute.
Je ne crois pas qu'on arrête d'écrire parce qu'on ne se renouvelle pas, je crois qu'on arrête d'écrire quand on ne sait plus ou qu'on est plus en mesure d'écouter dans le ventre la musique qui fait danser la vie. Par le sentiment amoureux qui lance l'estomac, par la poésie, par le cognac... C'est, du moins, comme ça que je vois les choses.

Ma philosophie est celle-ci, m'amuser, il n'y a rien d'autre à attendre de l'internet. Mais c'est déjà immense, c'est déjà presque tout. M'amuser prétentieusement à rendre les autres auteurs illisibles (comme dirait un autre...).
Je suis d'accord aussi sur le fait que le forum bleu est le plus vif, dans ceux que je connais en tous les cas. Qu'on ne se renouvelle pas, non. Se renouveler est une lubie d'écrivailleur de seconde zone, on est toujours les mêmes, on creuse le même "trou" ou le même "ciel" selon les points de vue. On affine sa technique, le style, sa force, du moment que l'argile est suffisamment "fraîche" pour être encore malléable, on attaque la terre d'un côté ou de l'autre, mais c'est la même argile qu'on travaille, la même ligne conductrice qu'on suit. Après, c'est une affaire de maquillage et de choix de pots de peinture. La quête du renouvellement est un mirage de bas étage il me semble, ce qui importe plus, je crois, c'est se maintenir, sans cesse, en-dehors de nos habitudes, du confort, maintenir une vue fraîche, extérieure sur le monde, un feu sacré, le renouvellement, ça vient après, comme une conséquence de tout ça.

 

 

 

 

Face à la pesanteur de l'époque, la légèreté devient une arme.

 

 

C'est aérien. C'est léger comme un conte pour enfants, mais il y a ce petit quelque chose en plus qui le distingue d'un conte ordinaire. Ça frôle la futilité sans y tomber vraiment. C'est un jeu d'équilibre bien maîtrisé. Sans tourmentes.
La légèreté a aussi sa force, peut-être d'autant plus que notre époque est effroyablement pesante. Par les temps qui courent, la simplicité et la légèreté sont un joli pied de nez, un étirement de la langue bienvenu en direction de la lourde folie du monde.
Il y a de la poésie dedans. Cette bizarrerie qu'on lance vers le ciel, en musique, pour rendre hommage à ce je-ne-sais-quoi, ce "peut-être" qui serait le simple fait d'être en vie.
Un "peut-être" qui résonne d'une oreille à l'autre et remonte vers le ciel en colimaçon. On a les lobbyistes, qui influent sur le cours du pétrole. Et les autres comme nous, les lubies-istes, qui influent sur le cours du nuage.

 

 

 

 

Prenez une sorte de rythme
Des expressions qui ne veulent rien dire mais qui paraissent jolies
Un choix de vocabulaire : visage, corps, ombre, aube, mouvement, île, aile, mains, chant, souffle, arbre, pierre, silence, lumière... Le plus à la mode chez les poètes (surveillez les cours de la bourse aux mots)
Dans le cas où le poème paraît trop pur. Pour éviter de paraître fade ou bebête, ajoutez quelques mots surprenants et pas catholiques.
Cela donnera du ton au texte, un caractère certain. Un vrai génie se doit d'utiliser des mots sales parfois.
Si possible, des mots rares aussi (ou inventés mais c'est plus risqué).
Trouvez le juste équilibre entre le concret et l'abstrait.
De la métaphore, de la métaphore, de la métaphore

Si on comprend rien, c'est pas grave, c'est de la poésie. Dans la nuit l'imagination a vite fait de voir mille génies. Préférez le mystère.

Tritouillez tout ça savamment

Surtout, évitez le piège du sens. Si, après sa lecture, le lecteur serait capable de dire de quoi parle ce qu'il vient de lire, c'est très mauvais signe. On doit se faire chier, oui, mais en poésie. Faîtes dans le beau (sauf si une pincée de laideur passe à la mode). Dans l'abstraction, dans la spontanéité. Un peu d'automatisme mais pas trop.

Vous obtiendrez la poésie vendange 2007

 

 

 

Il est de ces soirs magnifiques où un semblant de tendresse, diffusée par l'empreinte magique, laisse voir ses constellations scintillantes par les conduites de climatisation, lorsque même les bagatelles paraissent ineffables, quand on croise un autre mirage à la pointe d'une nuit séparée de la monotonie. On croit apercevoir un nouveau jour, on se dit, la suite de ma vie ne sera plus pareille. J'ai passé le cap, j'ai creusé mon terrier pour sortir de la prison. Alors un premier rayon se laisse apercevoir, les heures du tourment s'éloignent derrière-soi d'elles-même, on se dit voilà le résultat de mille minutes stupides, je suis libre, libre. Libre de tout, de rien, de prendre un peu de cette lumière et de la mettre en moi, de ramasser la musique mourante et de la ranimer pour qu'elle joue pour moi, pour mon bon plaisir. Faculté de la vie à se renouveler sans cesse. Faculté de se réinventer autrement.

 

 

 

Lundi 15 janvier 2007, vingt-trois heures

 

I got the spirit loose the feeling

Elle est là assise, un coude sur la table de nuit, à rêver d'on ne sait quoi, la chevelure tombant en cascades par-devant son visage blanc. Elle est là qui fait danser ma vie sans trop le savoir, sans trop le vouloir avec ses bruits de coeurs et puis sa respiration qui se retient de ne pas chuter trop lourd sur les lames du parquet, et réveiller les voisins. Elle tâte la flamme avec ses doigts, voir si ce n'est pas trop brûlant, avec le vernis magenta de ses ongles caressant le bas de la mèche, à la naissance, là où le feu est bleu et moins chaud encore. Voilà qu'elle passe la main dans ses cheveux pour replacer la mer dans le sens de la marée, éloigner les boucles du crépitement, elle pense, elle attend que les choses chavirent. Des morceaux de cire sous les griffes qu'elle nettoie, avec sa félinité, nous mourrons tous un jour, lance-t-elle intérieurement dans le puits sans fond de son esprit enseveli et qui va ricocher sans fin pour, peut-être, reparaître là-bas, à l'opposé de son monde. Cette pensée donne à la flamme une nouvelle jeunesse, une certaine réalité qu'elle n'avait pas avant.

Peindre une vie tout entière en nouant des lignes de phrases autour des virgules, ces hameçons pour attraper deux ou trois paradis ça et là. D'une fenêtre à l'autre les gens passent sans se remarquer les uns les autres comme des traînées de fantômes innombrables qui somnolent à travers la vie, rêvant d'éternité ce laps d'une minute, peut-être. La Terre ce manège perdu entre deux trous noirs, ce tourniquet enchanté cerclé d'étoiles inconnues qui vont, chacune à leur tour rendre l'écho à la nova magistrale qui les a fait naître. Ce bal incompréhensible aux sillons tracés par les dieux fous.
Elle est assise et songe à ce que sera demain si aujourd'hui s'empressait déjà de fuir derrière les persiennes, avec le soleil.

 

 

 

Le silence c'est ça, ce sont les trous perforés dans les cartes à musique des orgues de barbarie. Ils ont l'air de rien, les trous d'air comme ça, mais si on les mets dans la machine, dans le coeur, les silences, ils en cachent une bonne quantité de cris, de hululements et de tas de piaillements de toutes sortes... Les silences c'est ça, des trous qui restent dans le coeur et qui ne demandent qu'à chanter.

 

 

L'ombre pousse l'ombre, qui pousse l'ombre elle-même jusqu'à la nuit
noire. C'est comme ça que le soleil se couche. Il ne prévient pas, il
coule seulement, doucement, le long du ciel et cette fenêtre rougeoyante
Derrière laquelle la vie se déroule et se multiplie le Soleil
va s'étendre là-bas à l'autre bout d'un monde
là où le jour pointe le bout de son nez commence à nous fabriquer un nouveau
quotidien. Ici il fait nuit, et la lune commence à créer sans le dire
Ce que le soleil révèlera demain dans l'air maintenant noirci s'agitent peut-être quelques
fantômes. Les fées des ténèbres viennent ouvrir les yeux des hiboux,
des lémuriens, des chauves-souris, de toute la faune mystérieuse et
nocturne qui palpite elle attendait qu'enfin le soir lève son empire. La pupille
des chats se dilate, ils chassent, non loin, des choses que nous ne
voyons pas quant à moi je sors pieds nus sur l'herbe mouillée. Le
monde dort-il ? (...) Je trouve, plus loin, un grand arbre sous
lequel la végétation est restée sèche et je me couche dans ce lit
naturel je me couche et j'aperçois la lune dans sa plénitude, entre les
branches du pin cet astre blanc semble régner sur un royaume
silencieux, assoupi, un royaume immatériel. Es-tu toujours là avec moi il ne subsiste plus à ce
moment, l'idée même de la lourde existence. Il y a le soulèvement des
sens, pendant que le temps avance, je reste immobile et les musiques insonores
et les danses invisibles et les joies sans contraintes
pourtant, sous un air inanimé, comme un bonheur issu des ténèbres qui
vient nous emporter nous emmener en tournoyant, ici je
suis en exil voilà tout (...) oublié depuis des lustres. Je suis cette
vieille étoile qui brille au-dessus de la mer, qu'on ne remarque plus
et se distinguer des autres, je suis tes yeux, tes pas rapides je suis ce jeu désuet qui
ne t'amuse plus, tu joues avec tes mains attentives, avec mon coeur et mon âme sans le savoir
à former des losanges, je suis ce souvenir impalpable, cette cellule grise au
fond de ton cerveau qui ne se souvient plus très bien, de qui, de
quoi... Le nom de tous les pays que tu as traversé le nom de tous les amis perdus
cette boîte d'allumettes vide qui a toujours cette odeur de souffre à laquelle je tiens encore
cette odeur de bois mouillé, autrefois grand, autrefois
incendie dans ta vie minutieuse je suis ces pantoufles
poussiéreuses abandonnées sous le lit, se lever le
matin pour aller manger les biscottes (à la confiture de myrtille ! ) et ce cinéma
que font les gens quand ils miment le rire ! Ce secret
ressassé trop de fois et qui n'en est plus un, décidément, ce visage
qui te fait mille et une grimaces et qui ne t'émeut plus, ce cendrier
qui n'a pas été lavé depuis des semaines ce rideau de douche où se
sont agglutinées nos saletés, résultat de milliers d'heures passées à
nous promener sur les trottoirs parisiens parmi les animaux les plus sauvages
et les pollutions diverses
et variées, en corolles déployées sur la peau comme des iris
noirs.(...) C'est ça, la vie... c'est peut-être toutes ces choses à la fois
amoncelées (...)

 

 

Mercredi 10 janvier 2007, vingt-heures et quarante-six minutes

 

 

Un petit coup d'armagnac pour le plaisir (qu'on ne se dise pas que je suis un alcoolo, je n'avais même pas bu un verre depuis les fêtes de fin d'année ! )

 

 

 




 

Le poète fabrique, à l'insu du monde, la sensibilité.

 

 

Dimanche 7 Janvier 2007, minuit deux

 

Le problème dans le mal qui m'agite est que je me sens capable de plein de choses, mais je n'y arrive pas. J'ai un sentiment d'incurabilité, comme si ça devait durer toujours. Je ne suis pas satisfait de moi-même. Le soucis est que je n'aime que la perfection, je ne supporte pas de faire une erreur ou une chose à-moitié, alors pour éviter cela, pour contourner, tout simplement, je ne la fais pas.
Ce stratagème a marché un temps, du temps où mon idée de la perfection n'était pas si haute, maintenant qu'elle est au-dessous de tout, que je suis moins naïf, cela ne marche plus, simplement, le rouage s'est coincé. Et tout le temps qui passe je l'utilise à faire diversion.
Je me rends compte que les fois où j'ai bien réussi dans ma vie les choses que j'ai entrepris, je les ai réalisées sans avoir à l'esprit un besoin de perfection, les fois où j'ai accepté de faire la chose simplement sans rechercher "l'immensité éternelle". Avec le sentiment de "m'abaisser". Il en va ainsi de mes poèmes je crois.
J'ai pensé a quelque chose dernièrement qui m'aide beaucoup. Une oeuvre n'est pas en soi une gigantesque architecture a créer en une seule pièce, d'un coup, comme un seul bloc. Une oeuvre est une succession de petites marches, et c'est cette succession de marches qui donne la hauteur. Comme je vois les choses comme une montagne de perfections irréalisables, je m'ôte toute possibilité de les réaliser et je les contourne, tout simplement, ou les bloque par différents moyen, me plaçant dans la posture de l'échec, entraînant tout un fatras de culpabilités et de sentiments de ne pas être à la hauteur. Avec moi, c'était tout ou rien.
Ainsi, afin de réaliser les choses de ma vie, je comprends maintenant qu'il faudra en passer par les erreurs, par les petites marches.

Pourtant, ce fait, cette "ambition castratrice" et dévorante, si elle a été ma faiblesse, peut aussi devenir la plus grande des forces. Elle sera mon désastre ou mon triomphe. Au jour d'aujourd'hui, je la verrais plutôt comme un désastre car, pris dans sa toile, je jette les yeux en arrière et je me rends compte à quel point j'ai pu perdre du temps et de précieuses énergies. Peut-être n'est-il pas trop tard. Par où commencer ? Accepter que les grands rêves en tant que tels n'existent pas, qu'ils ne sont en fait qu'un amoncellement de petits rêves en nuées de nuages. M'abaisser et entreprendre à nouveau les petite marches, même si la pensée (idiote) que ces petites marches ne sont pas dignes de moi car elles ne touchent pas à l'éternité, tant pis, il le faut, reprendre là où je m'étais arrêté. Pour éviter le principe chimique du désastre qui consiste à laisser voir que ma vie ne serait qu'un brouhaha infécond, une somnolence entre deux eaux, une perplexité en forme de piège à loups, avec, comme résultat du doute, l'absence d'éclat et d'apothéose. Peut-être, le goût de l'éternité donne sur le vide.

 

 

Qui me comprendra ? Qui me soutiendra si je tombe, qui, au contraire, s'éloignera ?

 

 

Mercredi 3 Janvier 2006

Je m'efforce de penser à l'avenir. Mais il faut reconnaître que parfois ce n'est pas simple et il y a des moments où je perds littéralement pieds. Je n'ai pas eu une enfance particulièrement malheureuse, dans les apparences en tous les cas. Mais au fond je portais et je ne le savais pas encore, quelque chose qui me détruit seulement aujourd'hui / et me construit tout à la fois, oui. Reste à savoir de quelle côté de la corde je vais tomber, la chute ou la "guérison". Ou bien si je vais atteindre l'autre côté, la terre ferme, c'est à dire ni la chute ni la guérison, mais au-delà de ça, les deux à la fois, c'est à dire moi avec mes faiblesses et mes forces équilibrées. Après tout, ce qui ne tue pas rend plus fort et ce qui est une faiblesse aujourd'hui pourrait bien devenir une force un jour, bientôt... Peut-être même aujourd'hui puisqu'il me semble que je me trouve dans une période importante, pendant laquelle je prends conscience de beaucoup de choses. Période de métamorphoses, sans doute.
Je suis comme bloqué dans mon évolution et quelque chose m'empêche de venir au monde pour de bon. Ce qui fait que je me sens loin de ma vie, j'ai le sentiment de flotter, de ne pas être au coeur des choses un tant soit peu.
Connais toi toi même.

Peut-être que l'égarement est un état que chacun tient en lui plus ou moins mais que moi, par ma nature, je ne suis pas enclin à accepter.

 

Je me pose des questions que d'aucuns ne se poseraient, vivraient leur petite vie légitime, avec des plus et des moins. Mais dans mon cas, je ne saurais pas m'asseoir et me satisfaire, il me faut toujours foncer tête baissée dant tout, dans l'enfer ou son pendant lumineux. Je mise sur l'avenir plutôt que sur le maintenant, de fait, je joue aux dès ma propre perte à chaque minute dans un voyage intérieur perpétuel, un besoin de métamorphoses insatiable. Je ne m'autorise pas la vie.

 

 

Mardi 2 Janvier 2006

 

Il en faut peu pour qu'un feu d'artifices ne soit en fait un feu de détresses brouillé

Encore une dépression carabinée qui vogue au-dessus, et puis au-dedans de moi. Je dis encore mais c'est toujours la même, en fin de compte, qui va et qui revient. Sans que j'en connaisse véritablement la raison, je crois que c'est tellement large, maintenant, que les raisons ne sont plus trouvables, dans cette confusion environnante. J'ai une situation plutôt confortable, je ne suis pas le dernier des malchanceux et pourtant, voilà. Peut-être faudrait-il que je change quelque chose dans ma vie, mais il me semble que je pourrais être au bout du monde, cela ne changerait pas des masses. Peut-être faudrait-il que je prenne des médicaments, sans doute n'ont-ils pas été inventé pour rien. Ou bien attendre, comme toujours, le court instant où les nuages s'écartent devant la lune, pour un moment passager de tranquillité, quand les fusées de détresse cesse. J'ai envie de tout, et puis je n'ai envie de rien. 2007, encore une année, je ne sais pas sincèrement si je la passerai, celle-là.

 

 

 

Samedi 23 Décembre

 

Disque de Lisa gerrard acheté ce matin. Quelle joie de tenir dans les mains un nouvel album de Lisa en solo...

 

Jeudi 21 Décembre 2006, vingt-deux heures et seize minutes

 

Ce soir j'ai regardé un documentaire à propos de tribus indigènes de Colombie, peuple de la forêt nomade, vivant de chasse et de cueillette. Il y a vingt ans encore, ils n'avaient jamais connu de blancs. Depuis 3000 ans en-dehors de toute civilisation, ils vivaient comme dans un rêve, une société calme et douce, pacifique, loin de tout mais près d'eux-mêmes.

Mais il y a vingt-ans ils ont rencontré quelques ethnologues, c'est à dire des pilleurs d'inconnu.
Aujourd'hui on ne les laisse plus retourner à l'intérieur de leur château végétal, leurs terres ancestrales. Ils sont condamnés à rester dans des sortes de réserves à la lisière de l'Amazonie, où ils meurent lentement, touchés par des maladies contre lesquelles ils ne sont pas protégés, des grippes, des parasites que leurs corps ainsi que les corps de leurs ancêtres n'avaient jamais connu, et contre lesquelles ils n'ont donc jamais formé la moindre défense.

J'ai vu un un de ces indigènes de promener pour la première fois de sa vie dans une ville, naïf, il regardait les kiosques et les magasins. Il avait flashé sur une casquette. Je l'ai regardé cet étranger dans la civilisation, une étrange sensation de familiarité m'est venue. Je me suis reconnu je crois dans cet homme. Dans cette société, souvent, dans ces villes, je ne me sens pas moins étranger que lui. Moi aussi, il me semble que je me trouve loin des mes terres d'origine et, par là, loin de ma vie. À cette différence près que je ne sais pas vraiment d'où je viens, où se situe ma vraie maison. Alors je me raccroche à la première chose qui me tombe sous la main, aux nuages par exemple.

 

 

Dimanche 17 Décembre 2006, seize heures et vingt-huit minutes

 

Je me ressource à l'orfèvrerie des comptines lugubres
Je bois le son du monde, étrange liqueur
Je me baigne à la ritournelle d'une papilleuse vengeresse
Mystérieuse hémiplégie

Une goutte d'alcool, puis deux pour remplir la mer intérieure
Avec un iceberg cathédralisé dans sa réjouissance impie

Je tends mon coeur à ce vent pâlissant qui tient son fouet entre ses mains

Avec mon âme en corolle dans une paume fébrile, en proie à sa nuit de paupières mouillées

Se promener dans la chambre des possibles
Sur la commode où attend la clef des champs
Préparer ses valises pour un voyage vertical

La lumière a t-elle une odeur particulière ?

 

 

hommage à tout ce qui sort de l'ordinaire

Les traviolesques, les parapluies déployés de travers
Les habits noirs en un deuil perpétuel
Les ridicules et les amoindris, sourds aux hypnotismes divers
Étrangers à la houle du monde, passagers insoumis
Clandestins dans les soutes du paquebot de la vie, visiteurs des jardins pittoresques
Penseurs du dôme étoilé, à la plante des pieds brûlées de poésie chrysanthème
J'aime ses âmes nues qui se perdent en sillons de lierre sur le mur de l'hôpital

 

 

 



Samedi 9 Décembre, les parages

 





Les icebergs, cathédrales silencieuses de l'hiver (Michaux, de mémoire erratique)

 

"Prendre la vie comme elle vient". C'est une phrase un peu bêbête à première vue mais qui, peut-être, a sa part de vérité intime. On a dit tant de fois qu'il fallait en passer par la nuit pour trouver le jour, cela paraît si simple. Mais ce sont de simples mots. La réalité, elle, est toujours plus ténébreuse et brumeuse. On a dit aussi, quelque part, que la vie c'était ça, on apprend lentement à faire avec sa douleur. Peut-être. C'est une manière de voir les choses, comme il en existe tant d'autres. Quand on est triste, on peut regarder le soleil et n'y voir qu'un voile noir, un voile de tristesse. Pourtant le soleil, lui, brille toujours autant, il n'a pas changé. C'est notre regard qui a changé
Je crois pour ma part que la tristesse ou la rancœur sont des choses contre lesquelles on ne doit pas lutter. "A force de combattre le dragon, on devient le dragon"... Et plus on s'efforce de ne pas penser à une chose, et plus cette chose au contraire envahi notre esprit et s'agrippe à nous. Je me dis, plutôt, qu'il faut les laisser entrer, s'il doit en être ainsi, pour les laisser ressortir par la suite. La tristesse, la rancoeur, l'amertume, ne sont peut-être pas de mauvaises choses en soi, mais elles le deviennent si on les refuse, les rejette, comme des muses jalouses qui viennent ensuite se venger. Peut-être faut-il changer le regard posé sur les choses, enlever le poids que nous mettons sur elles. Car nous ne sommes pas tourmentés par les éléments eux-mêmes, mais par les idées qu'on se fait d'eux. "Prendre la vie comme elle vient" Une phrase apparemment anodine, mais pas tant que ça...

 

 

J'ai rêvé ma vie jusqu'à ce que le rêve s'écroule. L'illusion envolée, avec sa constellation de promesses, je me retrouve seul, avec devant moi un mur lugubre.
Je suis seul dans un puits.
Je tâte le mur et je cherche ma voie. Ma voix.
Je me suis longtemps imaginé le futur, jusqu'à ce que, un matin, je me rendis compte que tout cela n'était que perditions, imaginations.
Je suis perdu.
Comme si j'étais parti sans vivres. Sans vivre. Sur mon radeau de pacotille pour traverser l'océan.
Tenace cloison. J'ai espéré longtemps.
J'ai longtemps voulu attirer les yeux vers moi. Maintenant je veux qu'ils s'en retournent.
Je veux être seul tout au fond de ma grotte, comme si je pouvais, depuis ma solitude, trouver la clef de tous les trésors. Et toutes les solutions.
Je tâte le mur et je cherche dans la pierre un visage aux reliefs qui me ressemblent.
Je suis seul tout au fond de mon puits innommable.
Tout n'était que mirage, vertige. Vestiges.
Je palpe la nuit pour y trouver mon horizon. Ce qui me ressemble.
Je me cherche, moi, car je ne m'y retrouve plus.
Voyage insensé.
Tous ces rêves se sont évadés me laissant seul prisonnier.
Je ne me sens pas libre.
Je vois la frontière reculer à mesure que j'avance.
Mes ténèbres intérieures, ma chambre close. Cette noirceur pose un voile sur toutes les choses.
Je suis seul dans un puits tout au fond de mon jardin intérieur et sans vie. Recroquevillé.
Inutile et vain, vieux papier oublié, vieux journal dont on attend plus de nouvelles.
Les courants m'éloignent de tous les rivages.
Je suis l'astre qui se gâche, discret. Qui ne retrouve plus les rayons.
Je suis celui qui a perdu les clefs de la réalité.
J'erre, une capitulation après l'autre.
Jusqu'à ce qu'un voile de nuit lève son empire.
Comme je ne sais plus parler, je rêve tout haut.
Je suis celui qu'on distingue mais qu'on ne voit pas.
Le tableau, autrefois coloré, plein de formules mathématiques absconses.
À mon âge, je suis un enfant médusé
À 12 mètres sous le terre. Brûlé.
Celui qui a repoussé tous les trésors du monde pour n'en garder que la poussière.
Promesse close des mélopées diffuses.
Je suis le chanteur fatigué d'entendre sa voix. Qui tourne en rond sans retrouver le fil.
Je me regarde dévivre, endormi au fond de mon puits.
L'oeil attaché au dérisoire.
Un héron parfois se poste au-dessus de moi, symbole d'un souvenir.
J'aimerais me faire réellement prisonnier
Et me faire un nom parmi les oubliés
Je suis celui qui, à force de regarder le soleil, a vu son horizon s'embraser.
Les visions changeantes, lentement, en vagues replis nébuleux.
Je suis celui qui, au départ du marathon, est parti dans le sens contraire de la foule.
Je devrais peut-être le dire et en faire quelque chose.
En faire un livre
Parler de moi comme le font tous les nébuleux
Les astrophysiciens ratés
Dont l'oeil, retourné en eux-même s'imaginent faire d'une nuit noire
Un espace coloré et lumineux
Et ne captent les fréquences du monde qu'à intervalles irréguliers.
Entre deux coups de folie
Je suis le fou qui erre dans sa quête anachronique.
Etre du côté des oubliés, tout un art de vivre
Je ne veux pas réussir
Je veux être ce soleil déclinant
Au-dessus de mon horizon orange. Crépusculaire.
Mais mon horizon à moi.
Ceux qui me comprendront seront avec moi
Que ceux qui ne me comprennent pas aillent voir ailleurs
Tout ce que je peux dire, c'est je ne sais plus
Je ne sais plus.

 

 

Conte défait.

J'ai traqué le lion sur la banquise.

 

Colorimétrie

Cercle Polaire


 

Le vertige nous vient de nos ancêtres, les singes, ceux-là là-bas, soi-disant nos grands frères, aux fesses peinturlurées. C'est de leur faute, le vertige, eux qui vivaient dans les arbres et qui n'avaient, pour principal prédateur, que le vide.
Ça nous est resté dans nos cellules, leur vieille peur de la chute, maintenant nous voici poètes, à parler de poésie, comme des vieux singes, à raconter le vertige. C'est à dire, le vestige...

Je suis un mélange de tout ce que j'ai lu. Je n'ai pas de style, je tous les styles à la fois, trop instable par ma nature. Je dois trouver ma stabilité.

J'ai cultivé ma propre perdition. Je ne sais plus vraiment qui je suis. C'est que j'ai dû en passer pour devenir quelqu'un le risque, c'est que je devienne personne.

Des chiens noirs encore des meutes qui traversent les marées jusqu'au soleil

 

 

 

Un sens puis l'autre, dans l'arrière-cours, où crie la radio. Un périmètre.

Chez moi on a toujours deviné, toujours. On n'a jamais rien vu. Je suis la promesse du feu d'artifices, l'or factice sur pattes, le noceur qui n'a jamais connu le nuit.

L'homme est bien ennuyé, celui qui perd son mirage...
- Que veux-tu dire ?
- Je dis que celui-là pour qui tout est vain, les épluchures des oranges, les peines, les heures qui battent le rappel du temps
- Et ?

Un être, puis deux, qui passent.

 

 

C'est ici que je ne suis pas.

J'ai allumé mille brasiers nocturnes, croyant illuminer le ciel noir.

J'ai tout donné, trop tôt.

La moitié assourdie d'un rêve.

Peut-être.

 

 

 

 

Mardi 7 Novembre 2006, minuit et trente minutes

 

L'inventeur de la poudre aux yeux


J'ai pour vous une recette magique, madame. Prenez une journée, n'importe laquelle. Ça peut-être demain, après votre sommeil. Prenez cette journée comme aucune autre, dans le creux de votre main ainsi qu'une richesse scintillante, tombée de la source d'une nuit passée. Prenez-là, éloignez-là longtemps, à l'abri de nos heures vengeresses. Prenez-là comme un coeur qui palpite, séparez-là de vos autres jours, serrez-là contre vous, avec attention. Demain n'est pas un jour comme un autre car j'aurais décidé d'y déposer un secret, un de ces minces secrets légers comme une plume versatile. Oubliez hier, vous en avez le droit. Mettez demain de côté, il n'est pas encore arrivé et vous aurez bien le temps de le récupérer, à l'heure dîte. C'est maintenant l'heure de la moisson immatérielle et de l'oubli du temps.
C'est une journée parmi tant d'autres et pourtant, vous serez en-dehors du temps, c'est une journée mystérieuse. Prenez ce jour dans votre main, madame, car il ne sera fait comme aucun autre. Demain sera sans douleurs, ni ardeurs. Tout est beau, tout est magnifique, c'est une illusion, je le sais bien. C'est un mirage volontaire. Mais comme je vous l'ai dit, vous aurez bien le temps de retrouver tous les supplices de la vie, demain, après-demain peut-être. Maintenant n'est pas le moment, il s'agit de ces heures heureuses où tout n'est que légèreté. Il en est ainsi parce que je vous le dis. Fermez les yeux cette nuit, demain lorsque vous les ouvrirez, vous vous trouverez dans un champ magnifique, réchauffé par un soleil qui n'est pas brûlant, je vous parlerai de la beauté qui fait à chaque seconde le tour de monde, et que vous ne voyez pas toujours. Mettons la vie de côté, et la mort qui l'accompagne. Demain... demain sera un jour différent, car j'aurais décidé de vous rendre heureuse. Un seul être comme moi saura suffire à votre bonheur, croyez le bien. Une journée. Une journée seulement, mais qui sera la seule véritable, la seule vivante, brillante au milieu de la nuit de vos autres jours. Écoutez-moi, ce que je dis est vrai. Pensez que l'illusion est notre bien précieux, et que notre mirage est d'or.

 


Paul gauguin , D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? " , 1897-1898

 

 

Lettre d'amour sur soleil imprimé

 

Il avait plu, cette nuit là dans le désert enfoui. Il avait plu mille fois avant que le soleil ne vienne danser dans l'onde. Dans mille coeurs on a deviné l'ensoleillement, allongé sur le sein de l'obscurité. J'en ai fait moi aussi des milliers de tours de manège, pour l'atteindre parfois, ce vertige mouillé qui n'était plus l'incandescence, en attente de quoi ? De ce qui n'était pas venu.
L'attente est un renoncement qui ne dit pas son nom quand, le matin sec et granuleux pose un premier rayon sur la grande roue colorée de tes paroles. Et ta voix, dont je n'ai plus la trace visible, où est-elle ? Toujours, une ombre passe sous les draps, toujours je revois la grande dame et son ombrelle danser sur les murs de ma demeure. La cime d'un tilleul lance une ligne vers le ciel, interstice où passe l'affection. J'ai pour moi le souvenir de ta robe fanée, ce tournesol qui a tourné le dos au soleil. Mais où es donc le centre de l'univers ? Il n'est pas si loin, je le savais bien.

Cent extincteurs à incendies ne suffiront pas à éteindre cette flamme éternelle.

 

 

Le temple de la nuit

J'ai vu des horizons noirs sans fin
J'ai vu la folie, et l'incandescence
Et la parois charbonnées du rêve en embûche
J'ai côtoyé l'impossible évanescence
Les débris illusoires


Miss Isabella Bateman, par Julia Margaret Cameron, 1815–1879

 

Dimanche 5 octobre 2006, minuit

 

Par-devers moi

J'ai vécu longtemps dans ce mélange bizarre d'avenir et de passé, où rien ne se produit. Je me suis d'abord pensé différent, je l'étais. J'ai voulu croire que je n'étais pas malade, je le suis. Suite à une éducation malheureuse, où la mort et l'échec sont portés en flambeaux. Où je n'étais aimé que lorsque j'étais maladif et mort. Enfant à-moitié désiré, enfant produit d'un amour crépusculaire.
Je comprends maintenant que je ne vais pas bien, et qu'une distance énorme sépare l'apparence que je donne, de mon moi. D'où le sentiment que la vie est ailleurs, que je suis en-dehors. Je le suis véritablement, je flotte sur les choses, je m'éparpille en ivresses éphémères. Je chasse le bonheur, trappeur immatériel du désir, le bonheur indistinct qui me fuit. Et quand je veux le serrer et le faire mien, je l'écrase malgré moi dans le piège à loups . Je retrouverai ma liberté derrière les prisons singulières. Je retrouverai ma liberté sous le tas de poussière de ma vie, je le jure sur mille bontés et sur milles trésors. Fini les prières, je suis seul responsable de mon devenir. Sèche tes larmes, pauvre saule-pleureur. Je parcours les rues à l'abri d'une langueur hémisphérique, je parcours en pensée les millimètres qui me séparent de la sortie du labyrinthe de la citée interdite. Flâneur, butineur de cathédrales, en plein-champ de la caméra du soleil, je suis seul loin des choses comme je me sens toujours seul loin de la comédie de la vie. Mon triste désoeuvrement, je recouvrerai la parcelle, je creuserai la terre pour trouver mes solutions. Je ferai de toutes mes maladies des flacons enivrants, je placerai la couronne végétale autour de ma tête, comme preuve matérielle que je suis bel et bien, le butineur, c'est à dire : le chasseur de butins. Je creuserai dans le mur, je retrouverai mon chemin à travers les perditions. Je ferai bien les choses. Je me remettrai à écrire, l'écriture sera ma clef nouvelle.

 

Je vis quand j'écris. J'écris quand je vis.

 

Le butineur de cathédrales.

 

Peux-tu me voir quand je cours loin de la vie ? ô ma maladie. Quand en sortirai-je ? Je souhaiterai moi aussi le bonheur, comme moi comme pour toi. Comme je m'en veux de créer tout ce mal. Je suis moi même prisonnier de mon fort intérieur, qui porte si bien son nom. Mais je ferai des efforts. Je les fait dors et déjà, d'ailleurs. Je m'exprimerai tel que je suis, j'ouvrirai les vannes de mon être, ce que je suis, celui que j'ai si peur de montrer.
Celui qui n'est rien d'autre qu'un être ordinaire et rêveur. Et fragile.
Je porte en moi un nouveau-né à la peau si sensible qu'il se brûle au contact de l'air. Ce nouveau-né c'est moi, derrière le rideau de mort derrière lequel je me cache, comme un esquimau se cacherait sous la fourrure pour se protéger de la neige. Toutes mes brûlures. C'est la peur de la vie qui rompt le lien entre moi et la lueur du soir, complaintes de toutes mes nuits.

Je vais me réinventer.

Je t'en prie, ne m'abandonne pas, car j'ai besoin de toi même si je fais du mal. Garde-moi une place près de ton coeur.

J'ai laissé entrer dans ma chambre un sphinx tête de mort ce soir, sphinx réfléchissant, emblème de ma perdition et de mes désastres. Je l'ai laissé se faufiler dans les airs, cet ange versatile, aux ailes poudroyantes. Cet insecte prophétique qui vient annoncer la mort précédente, et la renaissance à venir.

 

Vague luisance au creux des choses, plaine des enfants sales. Recouvrements.

 

J'ai pris le futur dans mes mains, décidé de ne plus l'attendre.

 

Un matin, je me suis éveillé en sursaut, j'avais surpris le rêve en plein sommeil.

 

 

L'aliénation est un droit inaliénable.

 

 

Peut-être le plaisir pour le lecteur de lire ce qu'il attendait de lire ou, au contraire, d'être surpris devant l'inattendu. Chacun son stratagème. Pourvu que la recherche du temps perdu ne soit pas une perte de temps, que la chasse au bonheur ne consiste pas à revenir bredouille, que la nouveauté ne soit pas une vieille commode louis XIV repeinte en fluo.

Du reste, je pense que le lecteur ne devrait rien savoir ce qu'il se passe dans la salle des machines. Lui, il est sur le pont, la main sur la bastingue, il regarde l'azur et le ciel. Le navire avance, il ne sait rien de la mécanique incroyable qui est la force qui le pousse sur les "gouffres amers", et ça n'a pas d'importance.

Celui qui écrit, lui, jette le charbon dans le feu. Il est seul en bas à peindre clandestinement le paysage qui constelle les yeux des voyageurs.

 

 

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