JOURNAL

 

ICI JE SUIS LIBRE

De choses et d'autres.

 

 

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Une nouvelle page du journal pour une nouvelle saison.

 

 

 

 

La véritable esprit de la religion serait de se dire : si il n'y a rien après la mort, ni punition ni récompense, et que mes croyances étaient fausses, et bien tant pis, je ne le regrette pas. Aussi fausses étaient-elles, elles étaient tout de même valables.

 

Comment parler en connaissance de cause si je ne sais même pas si le concept d'origine peut être appliqué à l'univers ?

 

 

Le calendrier des rendez-vous inattendus.

 

J'ai travaillé à l'intérieur et la Vie m'a toujours récompensé.

 

 

La poésie à mes yeux est la poursuite d'une ivresse sacrée, d'une unité perdue, pour autant si je ne vais pas chercher la plume, elle ne me prend pas... Il faut alors exercer une sorte de rite pour la mettre en branle, faire marcher les tambours, réveiller l'armée et la musique dans le ventre. Je trouve aussi qu'il est imbécile de dire qu'écrire en vers c'est mal écrire, et la recherche de la forme ne signifie pas forcément tomber dans le classique...

 

 

 

Ou peut réussir sa vie quand on a placé en état d'infériorité un nombre suffisant d'autres êtres humains, c'est bien le but recherché par une large majorité là dehors, par les métiers, les conversations, les réussites, les belles voitures, les matchs de foot etc. Et la littérature et la poésie, faut-il la faire passer par là ? Par ailleurs d'où vient ce besoin d'être publié (puisqu'on parlait de ça dans le sujet du dessous) recherche d'un statut social, contentement d'égo, justifier une vie médiocre, faire passer un "message", consoler autrui en se disant que personne n'a le monopole de la bouillabaisse ? Gagner un peu d'argent ? Dans une revue, avec des copains ? Mener sa petite vie d'écrivain ? Pour le plaisir de faire quelque chose dans la vie ? Si la poésie n'est pas lue, qu'elle n'intéresse plus le dernier des clampins ? Je suppose que l'impression sur papier n'est qu'un pas supplémentaire, après celui d'écrire sur des forums ou autre. Qu'il n'est pas plus dangereux ni plus sale. Sûrement, il est plus difficile... Il faut traverser le filtre des lecteurs des maisons d'édition. Mais dans quel but ? aucun, ou presque, y aura pas une montagne d'or derrière le rideau... Y aura juste trois papiers, trois critiques nébuleuses à moitié positives  / à moitié négatives pour ne pas froisser ni défroisser, et laisser quand même l'impression de faire son boulot, justifier sa petite vie et son petit boulot comme on le fait tous les jours, avec toute l'attention que réclame la naïveté. Comme on le fait bien quand on y met un peu plus de passion, de vérité s'il reste un tout petit de sens à ce mot qui n'a pas été ramassé par les voleurs, les fossoyeurs et les troubadours. Pourtant le monde est trop profondément enfoncé dans la nullité, vacuité, vitesse et confusion, pour que le fait d'être publié puise avoir un quelconque sens pour un auteur qui exprimerait parfois des choses vraies. Cette vérité dans la voix de certains serait tout de suite rejeté sur la bas côté d'un bon coup de pied, ça n'a pas sa place, le monde veut avancer il ne voudrait surtout pas avoir à faire machine arrière ou encore pire, regarder dans le miroir pour de bon… Et si ça venait à passer, ce serait mâché sur le champ, travaillé puis jeté en pâture pour vous faire endosser le rôle du pantin roublard, de l'anti tout, oisif infécond, poétard de service, désuet mais drôle, oh les plumes pleines de couleurs, et qu'on a vite oublié quand sonne l'heure du film du dimanche soir sur TF1.
Encore internet est un lieu où le sens est possible, car il n'y a pas d'obstacle tant qu'on est sous un toit, avec de quoi payer ou se faire payer un écran et un abonnement internet… on y croit mais c'est dur, car c'est ici un beau fouillis aussi... et la majorité quand ils ne sont pas mièvres, asthéniques, réalistes de la chaussette, cherchent la beauté de la poésie dans les chiottes, et ont pour toute révolte celle d'éviter à tout prix de porter un pantalon beige, en passant par mille tour de passes magiques pour ne pas faire passer un peu de vérité se dépeignent plus gris, plus noirs ou plus tiraillés par la soif qu'ils sont vraiment (moi y compris) : la vaste majorité de petits chanceux issus de famille bien à l'aise et n'ayant jamais connu d'autre besoin que celui d'aller poser les selles tous les jours à la même heure entre deux boîtes de prince chocolat au lait, chanceux et malheureux jusqu'à la lie, creusant dans la douleur hypocrite de quoi y réveiller les quelques résidus de vitalité primitive, de spontanéité de batracien, en plein dans l'erreur et perdus entre deux mondes, loin d'eux-même, ennuyeux comme des rats morts, tentant d'aller y récupérer tout au fond des déboires pour la plupart inventés de toute pièce, sortis des machines de l'ennui, combler le vide abyssale d'une existence dénaturée et vidée de sa substance, ne croyant en rien, désabusé, voulant de l'air et se réfugiant dans la tanière des ours, apologiste du minuscule et du petit orteil du pied gauche, taupes pour qui le trou est l'univers tout entier, garde-fous du royaume de la poésie et de la confiture, déserteurs d'une guerre qui n'a pas eu lieu, soldats de la guimauve urticante, amateurs de révolutions en chambre, bien au chaud mais transis de froid, réalistes, bruts mais creux comme des douilles.

Hé, quoi ! La poésie n'intéresse plus personne ? Que ?

 

 

 

Si on ne met pas un peu de soi et de son imagination dans le réel, il restera définitivement étranger, et froid.

 

Parler est souvent la manière bruyante de ne rien dire

 

 

 

Still life

 

Mon chien tu n'as pas sommeil
De toutes ces lourdeurs
En-route vers le brouillard, le marché aux confettis
Pour le plaisir
Viens chez moi il y pleut des enluminures
Ma maison est pleine à craquer de ribambelles
Oh comme c'est joli le noir, les pieds au sec
Toujours la même métrique pour le grand orchestre
Sous la voûte de l'opéra mousse
Ö désordre mon porte drapeau
Petites vies, pas le temps de germer que le soleil fout le camp
Pas le temps de boire c'est déjà le fond du verre
Je me souviens, c'était vivant
Du nerf
Comme les nuits sont lourdes

Aller vivre là-bas avec les taupes à six rêves sous la terre
Aride qu'elle était la saison des féeries
Trop salée qu'elle était, la colombe
Escapade à plusieurs sous un ciel d'orages
De la foudre dans les poches
Tant de voix si peu de paroles
Tant de voies si peu de voyages
Ma poussière
Continue ta route
Chien fidèle

 

 

J'aime les titres à la Magritte. Amplificateurs de mystères. Révélateurs d'opacité.

 

Boules de cristal
Nageurs en vases clos
Réunion de loosers
Armoire magique rose
Nid de clowns peinturlurés
Bâtisseurs d'à quoi bon
Architectes endormis à la belle étoile
Inventeurs de missions mystérieuses
Parloir pour bouches cousues
Usine chinoise de canards en plastiques
De petits soldats métalliques peints à la main et ça se voit
Refuge d'astronautes qui ont foiré leur carrière
Association des pervers passifs anonymes
Le passant roucoule le printemps
Un coude plus rouge que l'autre, celui sur le comptoir
Une paume de la main plus rouge que l'autre, celle qui pousse la souris
Le côté gauche de la lèvre inférieure plus sec que l'autre, celui qui tient la cigarette
Oh et la jungle de poteaux roses
Ciel des troglodytes
Famille de taupes pour qui le trou est l'univers tout entier
La nuit le bourreau rêve de condamnés
Le hibou qui rêve du rongeur qui rêve du morceau de fromage qui rêve du vin rouge
Philosopher sur le thème de l'extase du labyrinthe
Le labyrinthe apporte avec lui l'idée de la possibilité d'une sortie
Apologistes du moi miniaturisé
Pisseurs d'eau plate
Escargots de nuit
On pourrait écrire des milliers de livres sur le mythe de Sisyphe
Mais pas un seul sur Sophie
Oui-oui au royaume de la chiasse
Comédiens sans rôles
Pantins sans ficelles
Bafouilleurs de langues mortes
Calculateurs de spontanéités
Tatouilleurs de borborygmes
Caryatides sans toits
Sauvages et libres mais pas tous les jours
Collectionneurs de notes de bas de pages
Et de timbres de voix
Désosseurs d'idéal
Il existe mille et une façons de déclarer la guerre au temps qui passe
Des mots d'amour adressés a la voisine inconnue
Amateurs de cris, d'ombre, d'oiseau, de corps, de vent et de spatules
Effrayés par la solitude et par la compagnie tout à la fois
Par la ligne droite et par la courbe
Au chaud mais transits de froid
Tailleurs de Pierre abstraite
Frappeurs de monnaie sans chiffres
Inventeurs de mondes invivables
Dresseurs de totems de plomb
Indigènes pâlots bronzés au soleil mystique et invisible
Amateurs de voyages en position assise
De révélations de chambre
Attrape-lettres comme des mouches
Collées aux doigts couverts d'encre
Et de tabac froid
Chercheurs en émotions, cette adrénaline du cadavre
Pilotes d'avion de papier
Scruteurs de vols d'hirondelles
Attentistes de la station prochaine
Araignées d'eau de vie
Raconteurs de contes a dormir debout
Magasins de masques en tous genres
Le confort est le paradis de l'immobilité
Un ours sort-il de son hibernation lorsqu'il a épuisé sa réserve de rêves
Habitants de l'île

 

 

 

 

Regarde si on t'oublie
Prends un papier, plie-le en quatre
En huit, comme tu veux
Après y avoir inscrit
Ton nom en doré, après y avoir mêlé
De la limaille de fer
Deux ou trois babioles sans valeur
Des restes de toi
Et de confiture
Prends garde si on t'oublie
Mets le tout dans une bouteille en verre
Et jette leur à la gueule

 

 

Que tristesse me suive

 

Je ne pourrai plus rire une fois le dôme refermé
Je ne pourrai plus passer sans bruits
Près de quelques passants taciturnes
Tout au fond de ces espaces clos
Que nous nommons mémoires ou memories
Ce million d'années d'émotions concentrées dans ce rire secoue
Toute patience, tant d'évolutions et d'épiphénomènes
Je ne serai plus à même le voile reposé
Sitôt la prise de conscience et le bras allongé
Sur un tapis de couleurs claires de cantharides endolories
Clairsemées et livides comme un rêve rêvé
De ciels feutrés et d'avalanches

 

 

Le miracle, c'est ce qu'il reste quand l'habitude s'efface.

 

 

Il y a tout au fond de moi une mémoire à accoucher, une montagne a franchir. Je remets sans cesse cet instant à plus tard, comme s'il me fallait reprendre mon souffle, accumuler une énergie immense. Structurer. Je repousse plus loin. Je suis les signes. Parfois au dedans un problème est résolu. Parfois un fragment du soleil apparaît par delà la muraille.
Mais actuellement je n'ai pas la force motrice, faute de carburant. Je n'ai plus cette image devant moi vers laquelle j'avançais confusément. Confusément… mais j'avançais, pourtant. Je n'ai plus ce lien invisible.

Ne voyant plus ces liens à la surface, cela signifie t-il pour autant qu'ils n'existent plus dans les profondeurs de l'océan ?
Bien sur, ce lien, sous la surface de la raison, est toujours là, bien présent a l'insu de mes sens aveugles.
Nos âmes fabriquent à l'abri de notre raison ces liens, tressés à l'aune des rencontres fortuites, contact invisibles entre les âmes.
Ainsi par eux existent en nous ce que nous appelons "l'autre", a l'intérieur.  

 

 

 

J'écris pour moi. Pour moi seul. Je n'ai plus l'espoir de faire partie du monde. Je n'ai plus l'espoir non plus de me faire un nom.

Je n'ai pas l'envie d'aller vers ce que d'autres nomment prétentieusement et naïvement l'existence. Je souhaite perdre mon esprit. Je souhaite perdre mon esprit. Pour mon corps, cela viendra plus tard. Je veux me défaire. tant pis si on ne me comprend plus. je ne me comprends plus moi-même, si ça peut rassurer. rassurer qui, au fait ? Je veux être libéré de tout ça. Peu m'importe si on m'écoute ou si l'on se penche sur mon sort. je ne cherche pas le paradis, je n'en ai pas la prétention. je ne cherche pas non plus à être heureux, c'est aussi une prétention idiote. Ce que je veux, c'est être en accord. Rien de plus. Seulement cela. Si simple, si immense, si peu concevable. En accord. Je ne poursuis pas l'existence, car cette existence digne de ce nom est déjà en moi. Elle s'est soulevée à mesure que sombraient mes rêves. Il en va de même de mon amour. Il n'est jamais si fort que lorsque j'ai peur de le perdre. C'est tout. Je veux perdre mon chemin, ou plutôt ce chemin que d'autres ont conduit jusque sous mes pieds. Aller visiter la clairière, le coin sombre. Jamais je ne pourrai anéantir complètement le diktat. Il s'est infiltré définitivement en moi à un âge où je n'étais pas en mesure d'en comprendre la portée trompeuse. Je ne veux pas la poésie, je n'y crois plus. je ne veux pas non plus le soleil car le seul vrai soleil n'est pas visible. je veux m'éteindre, sous une épaisse couche de cendre, pour qu'une partie de moi qui ne m'appartient pas meurt aussi. en gardant quelque part, profondément, un fragile soupire, une graine qui assurera ma renaissance. Je ne veux rien de ce monde, rien d'autre que quelques sons, quelques souvenirs vivaces de moments constellés, incrustés de pierres précieuses. Le seul monde où j'ai vécu est quelque part au fond de moi et je l'emporterai pour le faire vivre, d'une autre manière, dans un autre monde.

 

 

 

Je me sens perdu, inutile. D'ailleurs c'est, au fond la vérité. Et c'est très bien comme ça, d'être perdu, d'être inutile. Pourquoi le monde me dit-il que ce n'est pas une bonne chose d'être perdu ? d'être triste ? peut-être parce que s'il était triste il tournerait moins vite. Les fondamentaux économiques le supporteraient mal. Le conditionnement est tel qu'il s'insinue à notre insu dans les cellules de notre corps. Exister. Exister. Que le monde tourne ! je me sens perdu, triste, et c'est très bien ainsi. Le monde me dit que ce n'est pas bien ? que je dois prendre quelques médocs, qu'il faut à tout prix aller mieux ? Aller mieux ? Quel est ce désir d'aller mieux qui doit se faire, d'une manière ou d'une autre, aux dépends d'une personne quelque part dans le monde. C'est pour aller mieux que l'homme bousille tout. Qu'il aille au diable. Je veux ma tristesse elle est ma seule promesse de bonheur. Je me dis parfois que la vie pourrait être bien autre chose. Elle pourrait même, peut-être, se rapprocher de ce à quoi elle aspire : elle-même. La vie. où est-elle ? où se cache elle ? Est-elle possible encore, est-elle définitivement enterrée ? les hommes ont ils fini par tuer la vie terrestre à mesure de la mimer, pour leurs besoins sociaux, pour maladroitement tenter de combler son besoin d'exister. D'exister dans les yeux des autres. Je suis dans un hôpital peuplé de fantômes, ils errent sans but d'un couloir à l'autre. Ils sont bruyants. Ils sont nerveux. paniqués. Nous le serions à moins en longeant un abîme les yeux bandés. C'est pourtant bien ce qu'ils font tous les jours, ils courent droit vers la mort avec des rêves plein la tête.

Ce n'est pas si simple, je le sais. Je connais la rengaine. Pourtant ce que je sais aussi, c'est que la vie en son coeur, c'est à dire sous sa peau, plus loin sous la chair, elle recèle un secret très simple. Mais à la manière de tous ces passants qui avancent sous le ciel, n'en remarque pas l'existence bien que celui-ci recouvre une très bonne part de leur champ de vision, les hommes ne voient pas l'infime simplicité du monde, recelé sous l'inextricable complexité humaine.
On a dit que les hommes sont dégénérés, à force de penser ils ont sombré dans l'abîme de leur complexité qui n'est rien d'autre qu'une folie sans nom. Les animaux sont sains, ils n'ont pas conscience de vivre sur une petite planète, perdu dans un coin d'une galaxie à spirale. Ils prennent les choses comme elles viennent aidés de leur instinct, brut, basique, sans rien à retrancher ni à ajouter. Les hommes eux semblent égarés dans une folie qui les a portés loin de l'étrange simplicité essentielle de l'univers. Nous sommes dans une jungle immense, au travers de laquelle nous tentons de tracer notre chemin, la hachette à la main, mais derrière chaque arbre coupé, derrière chaque mystère découvert, un autre arbre surgit : un mystère plus épais fait son apparition. la course est donc vaine, inutile, elle débouche sur l'infini, donc sur le vide. Il n'y a pas de solution.

Moi même je veux avoir tout au fond de mon âme l'esprit animal, qui me rappellera à la primitive simplicité. Vivre sans penser comme cela peut arriver parfois, c'est peut-être l'ultime sagesse.

 

Il est devenu obsolète maintenant de savoir bien écrire, de tisser de belles phrases. regardez comme j'en ai rien à faire, les belles phrases, qu'elles aillent au diable avec le reste du monde.

 

 

 

 

Nulle-part où aller, partout où sombrer. Le mort est tout ce qui me console.

 

La dépression est à l'origine une réaction saine face à un monde malsain.

 

Je me sens perdu, inutile. D'ailleurs c'est, au fond la vérité. Et c'est très bien comme ça, d'être perdu, d'être inutile. Pourquoi le monde me dit-il que ce n'est pas une bonne chose d'être perdu ? d'être triste ? peut-être parce que s'il était triste il tournerait moins vite. Les fondamentaux économiques le supporteraient mal. Le conditionnement est tel qu'il s'insinue à notre insu dans les cellules de notre corps. Exister. Exister. Que le monde tourne ! je me sens perdu, triste, et c'est très bien ainsi. Le monde me dit que ce n'est pas bien ? que je dois prendre quelques médocs ? Qu'il aille au diable. Je veux ma tristesse elle est ma seule promesse de bonheur. je me dis parfois que la vie pourrait être bien autre chose

 

 

Allez y, cherchez l'existence, puis mourrez sans avoir vécu.

 

 

 

Jeudi 9 Avril 2009, presque minuit

 

Je lis mes textes et je me dis : est-ce moi qui ai écrit tout cela ? Où est passé celui qui a écrit, est-il vivant peut-être éteint, peut-être ailleurs. Je suis toujours sur le seuil, devant une porte fermée. Malgré le quotidien, les jours désagrègés, malgré le soleil sur la peau, je suis au fond de moi comme dans une pièce qui tremble, noire, sans avenir. Je lance parfois des promesses de futurs comme on jette des pièces dans une fontaine aux souhaits, les heures glissent sur ma fenêtre sale comme si, sans croire que je pourrai vivre mon souhait était désormais la survie, quelques étincelles ça et là. je suis si malheureux tout au fond, personne ne sait, si tu savais. Même moi je ne sais pas, le temps passe si vite, sa vitesse donne l'illusion, le temps rend aveugle, l'habitude s'installe. Je suis si mécontent de moi, je me sens si vide, si désarmé. Si triste. Je suis devant ces lignes comme devant les photos de mon enfance, c'est une autre vie que je regarde, spectateur, cela finira par me tuer, par me prendre tout d'un coup comme ça, au détour d'une rue, passant un peu trop pressé, voir surgir la mort inconsciente toucher l'égaré.

 

 

 

 

Bashung
Il fait passer la musicalité, la symbolique et la trouvaille poétique avant le sens commun, il préfère la confusion et la surprise à la syntaxe parfaite.

C'est un instinctif.

Evidemment c'est abscons, dis comme ça, mais savoir se laisser aller parfois à ne pas tout comprendre parfaitement mais se laisser envahir pas la beauté de certaines expressions, trouvailles, singularités.

C'est une réaction semblable à celles de Rémy à propos de mes textes, un terre-à-terre qui se plaint des bizarreries d'un rêveur.

 

 

 

Rien dans ce qui n'élève pas l'homme ne compte.

Je me suis levé trop vite le vent à pris ma place

 

Parler des mânes. Les âmes des générations entières humaines qui sommeillent dans nos entrailles. Comment lors des incantations, lors de l'écriture d'un poème, parfois, certaines mânes surgissent dans notre sein, et s'expriment. Ecrire sur cela. Ça a toujours été cela.

 

 

La vie : se faire regretter avant de mourir.

 

 

Oui, je crois que nous cherchons ce "soi" mais pas uniquement en poésie, partout, tout le temps, l'existence est à de rares exceptions près, réduite à cette recherche illusoire, idiote, mais qui peut être belle parfois, il me semble, valable, son on en fait des poèmes, de la musique ou des peintures.
On cherche très rarement l'autre. Il faut avoir vécu longuement, réfléchi beaucoup, pour commencer peut-être à véritablement, non pas chercher l'autre, mais le rencontrer, le trouver. Je veux dire, pour de bon, pas seulement un masque qui s'adresse à un autre masque... L'homme me fait penser à un pantin désarticulé, égaré dans un labyrinthe de miroirs, perdu parmi toutes les images qu'on lui renvoie ou qu'il se renvoie lui-même.
Quand on sait que le meilleur moyen de se trouver, c'est d'arrêter de chercher, sans doute...
Je parle je parle mais moi-même je ne sais pas si je suis capable de connaître l'autre, je ne crois pas. Je crois que j'en suis encore aux prémices. Chaque jour j'essaye d'ouvrir un peu plus le monde, défaire les noeuds de ficelles, pour un peu, peut-être, si j'ai de la chance, toucher quelques vérités avant la dernière éclipse. J'aime m'éloigner du monde, le regarder de loin, ce cirque bruyant, puis y revenir nouveau, différent, pour n'être ni perdant ni vainqueur, mais seulement, parvenir au sourire, je veux dire, le vrai, celui-là qui est plein de larmes de bonheur, sans orgueil, avec une affection infinie pour la vie et pour la mort. Avec mes propres mythologies, mes propres philosophies. Ne rien savoir et pourtant, tout savoir.

 

 

 

 

Dimanche 07 Décembre 2008

 

Bienvenue.

 

UNE ÉPAISSE FORÊT


Depuis bien longtemps je n'avais pas vu ce sentiment apparaître en moi. Depuis quelques années, finalement. Les soirées que je passais avec Florian. Ces années je les pensais enfouies, entièrement, dans la terre, dans le passé, ce sentiment étant si vieux que je ne devinais même plus son existence ou sinon, vaguement, comme un être ensommeillé au fond de soi, au bout d'un ces couloirs tortueux qui constellent le labyrinthe intérieur. La présence ici de Lily me fait me souvenir de cela et faît naître de nouveaux paysages. Je lui ai dit déjà et je crois que cette pensée est juste, il me semble détenir, au fond de moi une forêt dont je ne soupçonnais plus l'existence, peuplée de toute la flore et de toute la faune, produits de l'imagination fertile ; mais cette forêt là, qui est une part de ma vitalité, je ne la voyais plus : elle était recouverte d'un voile de nuit. Une lumière s'est inflitrée dans une faille de la nuit, comme une utopie s'infiltre parfois dans une faille de la réalité, éclairant cet espace perdu et lointain ; et tous les animaux, tous les êtres en hibernation qui m'habitent, apercevant cette nouvelle lumière, semble recouvrir tout à coup ce qu'on ose parfois appeler la vie, la vitalité, étincelles, richesses et variété des enchantements. Des couleurs naissantes, des arcs, des pylônes, des architectures. C'est un nouveau matin dans le monde intérieur. C'est une émotion qui n'était pas perdue. Elle avait disparu de mon champ de vision, comme si quelque part, je l'avais enfoui, enterré vivante ; elle avait disparu de mon domaine, comme un cerf qui aurait sauté par-dessus la clôture pour aller retrouver son chez lui, ce nomade dont, à mesure que le temps passe, nous oublions le souvenir et le cuir de la peau.
Mais les traces étaient pourtant là, en sommeil, comme des fils d'Ariane, à mon insu. Parmi les herbes folles, les morceaux de gazon, les insectes et la poussière, tout cela s'était amoncelé, recouvrant cette étrange demeure. Encouragé par ce nouveau désir, je tirais toujours dessus et le suivais. À mesure que j'avançais je croyais reconnaître les paysages, je me disais bien que je connaissais ces lieux, ils m'étaient familiers comme peut l'être une maison que nous avons longtemps habité, une maison de confiance. Enfin.

Nous entrons dans une ancienne habitation faîte de bois, dont les occupants sont depuis bien longtemps parti pour un autre voyage, une maison fragile, entourée par la forêt épaisse et continue du temps. Certains arbres se nomment souvenirs et d'autres, plus clairs, vibrants, comme ranimés par la lumière soudaine du matin, tremblent des racines jusqu'à la cîme, touchés par un élément méconnu, le vent, qui n'avait pas soufflé depuis des lustres, guettant le moindre signe, lui qui est allé chercher dans ses cales d'or ses réserves d'air salutaire ; ces autres arbres, disais-je, s'appellent maintenant.

 

 

 

 

 

Le monde dont vous dépendez finira sous la pluie

 

 

Au diable les poètes "actuels" ils ont joué aux cons mais ils n'ont pas fait avancer la poésie d'un cheveux quasiment depuis 50 ans. Il y a pourtant tout un territoire à explorer d'émotions et de réinventions. A force de rompre les ponts et de couper les cordons ombilicales ils se sont changés en cosmonautes désarticulés.

 

En fait, je crois qu'il faut connaître et savoir maîtriser les anciennes formes, afin d'être en mesure de les détruire et de pouvoir les dépasser, c'est à dire, réinventer réellement et non pas seulement patauger dans la mélasse de la poésie contemporaine.

 

 

 

La forme de la poésie articule la souffrance. Le rythme articule le cœur.

 

Si je suis un peu rouillé, c'est la faute à la pluie.

 

La poésie comme taper avec sa cuillère sur les conduites du chauffage, voir si les voisins prisonniers eux aussi sont toujours vivants. Toc.... Toc..Toc...... comment allez vous ?

 

 

 

 

Dimanche 23 Novembre 2008, quatre heures vingt au matin

 

Quelque chose m'a tué assez tôt dans la vie, et les événements qui sont apparu par la suite n'ont fait que m'achever. Jamais je ne me suis senti aussi près de la mort. Ce qui est vrai, bien sur, selon toute logique, je n'en ai jamais été aussi proche puisque chaque minute qui s'abat me rapproche d'elle.
Jamais aussi je ne l'ai ressenti avec autant de quiétude.
Je la désire, je la hèle. Je me rends compte que je l'ai toujours désiré, ceci n'a pas toujours été clair en moi mais avec le temps qui avance, le brouillard s'atténue et je m'en rends compte désormais. Voilà pourquoi je me suis toujours tenu a l'écart, voilà pourquoi j'ai toujours été différent. J'ai depuis longtemps déjà un pied dans la tombe. Quelque chose qui m'éloigne des choses et des gens.
Je n'ai jamais eu le sentiment de faire partie de ce monde. Jamais. Je ne me suis jamais senti chez moi. Nulle part. Dans une peau d'emprunt. Pour une visite transitoire. J'ai trop conscience de l'essence éphémère de toute chose, je regarde le monde de loin, en sachant que tout cela est, sinon une illusion, du moins un feu de paille. Moi même j'ai conscience d'être fait de cendre, d'être une poussière emportée au grès du vent de-ci, de-là. Comme tous.

J'ai tellement conscience de cela que les désirs habituels des hommes sont bien loin de moi. La réussite, vouloir faire ses preuves... Je n'ai pas comme point de repère le commun admis, tout cela m est complètement indifférent. Il me semble avoir déjà vécu. Je suis sans avenir. Je n'ai de plaisirs ni dans l'homme, ni dans les jouissances matérielles de la consommation. Mes amis sont généralement envieux, se comparent, veulent faire leur preuve ou dépensent une grande partie de leur énergie à justifier leur existence. Et les autres ont disparu. Le passé est éteint, le présent se voile et la mort m appelle.

 

 

 

 

 

Je considère la dépression comme une maladie uniquement lorsqu'on se positionne en rapport à la société de compétition et de consommation, celle-là dans laquelle il est interdit d'être triste et malheureux, sous peine de perdre l'amour, son job, ses amis bref, tout.
En soi elle n'est pas une maladie mais peut être considérée d'un certain point de vue comme un excès de lucidité. Elle porte en elle part de guérison, c'est une réaction saine (et oui) de l'esprit et du corps (et ceci d'autant plus s'il s'agit d'une personne fragile et/ou sensible) contre une chose qui détruit cet esprit et ce corps.
Je n'essaie pas de dire qu'il est bon d'être en dépression, mais si la société arrêtait de la considérer comme une maladie, un danger terrible, un grand pas serait fait. Mais, malheureusement, chacun de nous, fidèles passeurs du "progrès", à notre insu, repoussons, diabolisons automatiquement tout ce qui va à l'encontre du consumérisme et de la réussite sociale.

Je dirais que la dépression n'est pas la cause des suicides, d'une manière générale, la véritable cause étant le mode de vie et la folie, la profonde inhumanité et vacuité de ce mode de vie contemporain. C'est là qu'est situé l'ennemi.
Ce n'est que mon point de vue, tant pis si cela attire aussi les foudres des bien pensants de tous horizons.

"Ce ne sont pas les choses qui nous tourmentent, mais l'opinion que nous avons d'elles"

 

 

C'est juste, mais comme ça, à vu de nez, j'aurais tendance à penser que les causes des suicides se sont modifiées au fil des âges. Autant la mort est moins présente de manière concrète dans nos vies (pas d'épidémies massives ni de guerres chez nous, de cadavres devant la porte, etc.), autant, il me semble que celle-ci est infiniment plus présente qu'autrefois, infiltrée dans les écrans, dans la pensée et dans les coeurs.

On ne se suicidait pas par "écrasement", "étouffement" comme cela peut arriver aujourd'hui. Écrasé par une force invisible, par la course du monde vers le "bonheur".

Ce mode de vie me fait penser à un magasin lors de la période des soldes. Les gens s'attroupent à l'entrée, devant le rideau de fer baissé. Lorsque le gardien vient le lever, la cohorte se précipite au-dedans pour être les premiers, pour être les vainqueurs.
Certains qui ont pas la force ou l'envie de participer à ce grand jeu de cons, se font écraser par la cohue. Non pas nécessairement parce qu'ils sont fragiles ou faibles, mais sensibles, et désireux d'un autre chose.

Je ne parle pas ici de Ludo car je ne me permettrais pas, je ne connais pas son histoire. Les causes de ce malheur me sont inconnues mais sachant qu'il était un poète, je peux tout de même un peu les deviner. Mais bon nombre de suicidés de nos jours sont morts en raison d'assassinats passifs dont nous sommes tous, quelque part, responsables. En répandant la pourriture, la consommation morbide et la mort.
Ça nous arrange bien, dès lors, de nous dire qu'ils sont morts à cause de cette terrible "maladie" dénommée dépression.

 

 

 

In power we entrust the love advocated de Dead Can Dance est à mes yeux la plus grande chanson de tous les temps. Et ce, depuis des années cela n'a pas bougé. Je ne crois pas l'avoir mentionné dans mon journal. Si ?

 

 

 

 

 

 

L'amour est une larme de cocaïne

 

 

 

Tout ira se perdre tes joues, tes échafaudages
Tes peines rencardées les trous dans le mur, les bousculades à l'entrée du manège
Ton verre de whisky les papiers griffonnés les suffrages, les émotions
Les chutes sur les pierres la tonalité de tes phrases les désordres
Tout ira se perdre ton temps sur la terre, ton iris ta poussière
Tes possessions les lustres et le corridor, les histoires
Ton parterre de fleurs ton flacon de parfum les multitudes penchées
Tes pas le voyage, les livres tes pensées, ton porte-clefs
Tes dessins, les plans tirés sur la comète tes miroirs
Les souvenirs épars, tout ira se perdre les soucis les veines et le rire
Ta folie les remords, les balcons ensoleillés
Le monde a été composé ainsi

 

 

Là où il n'y a pas d'humanité, il n'y a rien.

 

 

Je suis un misanthrope absolu. Ne me fais pas douter.

 

On pense parfois que je suis ensuqué. Que j'ai la tête ailleurs. Dans un autre monde. Il est vrai que souvent je semble penser à autre chose. Je ne peux prétendre le contraire. Mais je vois à travers. Je connais bien les artifices de votre peau et de vos membres, je connais bien les intonations de votre voix. Je connais bien les acteurs. Si je donne l'impression de ne pas écouter, c'est que je regarde à travers vox yeux, la vérité que cache la machine bien étudiée de votre être, votre composition, votre profil idéal et votre pantalon soigneusement enfilé le matin même. Je connais bien le jeu grâce auquel vous pouvez prétendre ne montrer que ce que vous désirez montrer. Mais mal, ou bien tombé, car je vois à travers. Je connais les croisements de vos doigts dans l'onde et dans les airs dont vous détestez le hasard de la vie et de la nuit, je crois deviner ce que vous pensez. Et je sais bien au fond que ce dont vous avez besoin et tout le contraire de ce que vous croyez vouloir. Vous pouvez bien appuyer certains mots séparés de vos longues paroles qui tombent de votre bouche comme des fils d'araignée, les lancer sur le bout de votre longue pour qu'ils rebondissent jusque dans le creux de mon oreille je n'en crois pas un mot, je sais que la chambre est vide, qu'il y a quelque chose d'absent au fond du corridor. Il est possible si vous le voulez nous pourrions aller nous promener dans le parc aux fleurs et je devine pourtant bien que c'est tout autre chose qu'un jardin fade et sans lumière que vous désirez les traîneaux les frontispices les musées et les films du dimanche soir. Vous pouvez si vous le désirez me présenter la couleur de votre constellation le pli du papier qui cache le poème la pensée que trahit la sinuosité de votre front, je me doute bien que vos yeux s'éclaircissent à la pensée de renouer avec la vie mais le bain n'est pas encore assez chaud, peut-être l'a-t-on laissé refroidir trop longtemps, peut-être a-t-on trop longtemps fait semblant de chasser les fées avec les mains et que la poussière laissée par les ailes des papillons sur vos paupières ne s'appelle pas mirage mais histoire d'une vie passée à attendre le soleil se lever au-dessus de votre paysage à des millions de kilomètres. Ce n'est pourtant guère plus qu'une illusion. Comme l'est la vie. Je sais bien que vous me devinez.

 

 

 

Il y a quelque chose de blanc et de bleu pastel qui passait devant l'étoile morte dont nous voyions toujours la lumière, entre les arbres la fée le principe l'électroluminescence, il s'agissait des choses dîtes, la file indienne des coléoptères le cadeau de noël c'était un jour d'été si je me souviens bien nous avions rangé dans un bocal divers papillons, des fleurs des mouches et des cantharides les ailes nacrées étaient jolies elles ressemblaient aux coquillages la paroi saline en moins, c'était h-4 avant l'heure dîte le rendez-vous était fixé entre les linges mouillés dans le coin du jardin où personne ne nous découvrira les traces de nos digitales sur la vitre peu avant l'aurore, pendant que les fruits étaient encore là avant que les oiseaux ne les emportent le déjeuner sur l'herbe dora maar au chat elle se tut discrètement le crayon glissait sur la ligne du dos, une fille nue ôtait ses bijoux posait devant les peintres et les poètes pour un instant réinventer la vie la corde était secrète l'intérieur était fragile les rideaux le catafalque la porcelaine posée sur ses genoux son paradis perdu aux quatre coins du monde partir à l'aventure au fond de l'inconnu pour un trésor qui n'est pas de l'or l'écho d'un piano violet épaississait la lumière où dansaient le bain turc la joie de vivre l'empire des lumières, la vie ça doit bien vouloir dire quelque chose les couleurs jeanne regardant l'aquarium les mains d'elsa recueillement auto-portrait de nuit nous ne sommes pas au monde il est temps, pousser le rideau entrer sur la scène se pincer voir si on est toujours vivants entrouvrir la grille la prison la coquille ramasser les hyacinthes pour en faire des chefs d'oeuvres réinventer le dessin l'écriture parcourir le monde la fourmilière amoureuse remettre en marche le phare poussiéreux en faire un différent de tout le reste, raconter des histoires rendre les autres illisibles le portrait vivant la tempête de sable la réalité le rêve voir si elle n'a pas disparue de la surface du monde un empire de poussière pour héritage du vent des raisons secs le chemin l'illusion la voie lactée l'interstice les constellations la rumeur des foules les sauts lents dans le vide, des perles parmi les billes de plomb du lait dans une nappe de pétrole la réinvention de l'amour du radio-réveil des rendez-vous le matin dans le froid sur la neige, les chemins de la liberté devenir entre les arbres sur les comptoirs la baie de papier les coupes de nuages sans faire semblant le sanctuaire le papier de verre les chevaux, devenir comme si hier nous étions morts nous n'existions pas tirer la ficelle de la lampe vivants le poids des regards en moins, le poids du langage de la mort devenir avant de disparaître vivants comme l'opposé du mouvement du monde où se perdre dans les territoires inexplorés, la cage aux canaris pour voir au travers de la peau la marée haute les papillons la demeure l'océan le château la cour le paysage naître

 

 

 

 

Il n'y a rien que je hais plus que la poésie conceptuelle. C'est de la masturbation intellectuelle, du boulot de dactylo. Du vide. C'est fini tout ça. Nous entrons dans une époque où c'est fini toutes ces conneries, on retourne aux basiques, aux fondamentaux. Je ne veux pas dire par là que la poésie est vouée à retourner au vers classique, bien évidemment, mais avec le merdier économique les aiguilles du monde vont pointer vers un autre pôle, vous verrez. La poésie n'a pas encore donné son dernier souffle.

 

 

 

Il faut connaître Florian (nous sommes amis d'enfance donc je crois commencer à le connaître un peu) pour comprendre ce que signifie chez lui l'idée (récurrente dans ses écrits) de bonheur, il dira si je me trompe. Le bonheur chez lui est à rapprocher d'une sensation de brûlure, plutôt que d'une joie de vivre "pure", fluide et monochrome.
Il ne s'agit pas ici d'éliminer la joie de vivre ni même de tendre vers le pessimisme (Florian n'est pas un pessimiste), ou vers le morbide.

C'est au contraire je crois une façon de se libérer de ce dont parlait Blanchot dans la citation que Jean-Michel a posté ici récemment, de la limitation, l'aliénation que tisse le langage, en concentrant dans un même mot l'infinie variété de toutes les formes de jouissance. Chez lui dans le concept de bonheur se mélangent des sensations contraires, de blessures et d'élévations.

Parfois je me dis que son travail est, au fond, la quête d'une quiétude orientale, de laquelle le bonheur, comme le malheur qui vient à ses trousses, doivent être exclus. Mais la sensibilité qui l'anime rend inaccessible cette quiétude sur du long terme, il ne la recouvre que par petits bouts épars et saccadés, instants qu'il décrit dans les textes. Sitôt qu'il touche le bonheur, l'inquiétude de la "chute" qui va venir à sa suite, la sensation angoissante de surabondance, de l'excès, reprennent le dessus, l'annulent, et le poussent à se réfugier à nouveau dans la nuit. Comme si, avec le bonheur, naissait la sensation d'être à découvert, sur un terrain miné, avec une nuée d'avions qui passent au-dessus de la tête, lâchant des bombes d'angoisse.
Je crois que c'est dans cette déchirure, dans ce conflit que naissent ses écrits. Puisque tout travail artistique, nécessairement naît d'un conflit et l'écriture donne l'illusion de le résoudre, de le dépasser. Bien sûr, ce conflit ne sera jamais résolu puisqu'au fond, et c'est comme ça chez tous les poètes je crois, il tient à cette ambivalence, à sa déchirure intérieure, comme à la prunelle de se yeux.
Le caractère et la vie étant dans ce conflit intimement mêlés, comme source de l'inspiration, du besoin de créer et de la sensation d'existence. Ce conflit donne un sens, non seulement au travail d'écriture, mais au-delà, à la vie tout entière.
Et l'illusion, le mirage est suffisant pour provoquer l'émotion.

Que ferait-on d'un moi sans conflits, si la quiétude, le "bonheur" était définitivement acquis ?

 

 

 

Samedi 25 Octobre 2008, trois heures et une minute du matin

 

Raphaël Zacharie de Izarra

 

Evidemment, il ne faudrait pas qu'il se mette à jouer l'homme de bien qui se prendrait au sérieux pour de bon. Je crois de toute manière qu'il n'est pas bête et ne tombera pas dedans. Il est allé trop loin pour effectuer un tel mouvement de machine arrière. Mais il serait possible de garder le personnage tout en dénouant un peu la torsade de porcelaine, en desserrant le collier de perles.
C'est à dire, qu'une fissure se fasse voir de temps pour que le lecteur puisse y déceler la fragilité du personnage, derrière la tenue impériale.
Sa beauté et son talent résident dans sa fragilité aussi aiguë que son personnage est fantasque, mais plus le temps passe et plus, il me semble, cette fragilité se voile, est ensevelie sous le poids de la prise au jeu.

C'est, du moins, ce que je conseillerais, modestement, au talentueux Raphaël. Arrêter de jouer au con et montrer un peu, de temps en temps, qui il est, sa condition, son humanité. S'il arrivait à faire ça, je crois que cela donnerait quelque chose de très grand, comme un nouveau sens à son travail, à ses obsessions. À vrai dire, cette phrase sera peut-être un peu sèche mais je crois que s'il ne suit pas ce conseil sensé, il n'ira pas beaucoup plus loin, dans sa poétique et sa carrière sera comme poussière sur les tapis que l'on remue parfois aux frontispices des mouvements du monde et des fluctuations littéraires virtuelles, au cimetière des fous.
Une baie vitrée donnant sur un horizon exotique, lumineux, riche et profond, mais sans sa part de nuit. Une de ces nuits où la lumière intérieure change le verre en miroir.

Cette posture l'électrise, mais aussi le limite, tout autant qu'elle étonne en premier lieu, draine la lassitude de la monotonie, sa folie, son obscénité le rendent attachant, mais les fissures hystériquement maquillées le rendent inapprochable, cristallisé, ne laissant à son lecteur aucun autre choix que celui de faire de Raphaël son jouet, ne pouvait lui dire la vérité puisque sentant, inconsciemment, l'immense détresse qui passe en filigrane sous ses mots, ayant peur de le briser, ou se disant qu'il est définitivement figé. Jusqu'au jour où quelqu'un ose lui dire au moins une part de cette vérité, ce dont, j'en suis sûr, il désire plus que tout au fond de lui-même, sous le personnage.

 

 

 

 

 

 

Jeudi 23 Octobre, trois heures et quarante-six minutes

 

Je ne cesserai pas la poésie. Ce qu'il faut, c'est élargir le médium. Je me sens à l'étroit ces temps-ci dans le verbe. Je veux de la couleur, des lignes. Je regrette d'avoir cessé la peinture pendant tant de temps. Mais, bizarrement, après avoir arrêté si longtemps, il me semble avoir progressé d'une certaine façon. La ligne du dessin reflétant l'esprit, l'esprit lui-même ayant évolué, s'étant élargi, le dessin s'en ressens et ce, même si la main n'a pas beaucoup travaillé. Il me faut m'oublier dans mon travail pour ne pas sombrer comme je l'ai fait ces derniers jours. De la discipline. Du rythme.
Il est horrible d'avoir tout dans sa tête, mais d'être freiné à ce point par ce mélange de fainéantise, de carence en confiance en soi. Le temps n'est plus au manque de confiance. Jusqu'à présent, bien sûr, concernant le trait, j'ai fait surtout fait de la merde. Mais le temps n'est plus à la causette. J'ai 27 ans. Le temps est un mur derrière soi qui nous pousse doucement. Inutile de se retourner, de tenter de le repousser de toutes ces forces dans l'autre sens, c'est cause perdue. Autant se retourner, quitte à se retrouver devant un territoire inconnu, devant une montagne. Je ne veux pas me sentir vieux un jour et me dire, qu'est ce que j'ai été con, quel temps j'ai perdu. Je n'ai jamais été au monde. Je ne me suis pas vraiment connu. Non, rien de tout cela.


Les personnes qui ont disparu, tant pis. Libre à elles de prendre un chemin différent. Libre à elles. Je ne veux pas, comme elles, tourner sur moi-même dans un mépris teinté d'indifférence.


J'ai tout dans les mains. À ma disposition. Ne rien en faire serait commettre la pire erreur de ma vie.

 

 

 

Mercredi 22 Octobre 2008, trois heures et vingt-trois minutes du matin

 

TOUT OU RIEN


En ce moment je songe fortement à arrêter d'écrire. Je regarde en arrière, ces dernières années j'ai écrit quoi... une cinquantaine de textes, dont trois ou quatre qui sont à peu près corrects, et encore ? Je ne lis plus. La poésie n'est plus vivante en moi. Elle s'est muée en souvenir. Je passe des nuits à écrire des bribes imbuvables, que j'efface aussitôt. Je pense à des romans, à des livres de nouvelles. Non, surtout des romans en fait... Mais je sais que mon esprit n'est pas assez stable, assez vigoureux pour tenir la distance. Je pourrais écrire quoi, peut-être trois ou quatre pages, puis j'aurais vite le sentiment de me répéter, de tourner autour de mon ombre. Je n'ai plus personne à qui écrire. Écrire pour moi-même me dégoûte. Je n'ai aucun goût pour la célébrité ou la reconnaissance. Je n'ai de goût que pour une certaine beauté, idée de la beauté qui a depuis longtemps foutu le camp. Mon esprit, mon imagination, mon envie, s'affaiblissent tous de fait, c'est tout mon être et tout mon corps qui déjà s'affaiblit. Parfois je crois même, et des signes sont peut-être la preuve, que je pourris de l'intérieur. Si on peut se dire qu'il a existé des choses biens en moi, elles ont disparu. Je pourrais bien me consoler en me disant qu'elles sont seulement en attente, endormies, et qu'un beau jour elles se réveilleront, mais sincèrement je n'y crois plus. C'est un fait nouveau, je n'y crois plus, à ce renouveau possible, cette promesse d'aurore. Avec tout ça mes idéaux ont eux-aussi foutu le camp. Je me rends compte que les talents que je croyais détenir n'étaient en fait que des illusions, des mirages, pour me sentir exister, pour me croire quelqu'un. Quelqu'un de différent, de supérieur sans doute. je peux aujourd'hui affirmer sans crainte et même, sans douleur, que je suis supérieur à personne, que je suis un auteur quelconque, comme il en existe des milliers. Comme il en existe aussi des milliers qui sont de loin, bien meilleurs que moi. Je ne suis pas un bon littérateur : la littérature m'ennuie, tout autant que la poésie si celle-ci ne recèle pas la vitalité. J'ai tant donné de coups de fouets dans l'eau, croyant par là pouvoir y faire naître des vagues et des marrées, à la fin mon bras s'est fatigué, la quête est devenue illusoire, pour de bon, ridicule. Vaine. Il n'y a pas de clefs. Pas plus qu'il n'y a de trésors. Et je n'aurais pas la consolation de me dire que j'aurais été un génie, même éphémère.
N'allez pas croire que je prends ici la posture du poète maudit, qui brûle ses écrits dans la cheminée. Tout ce que j'écris ici à au moins le mérite d'être parfaitement sincère.
Je ne vois pas, simplement, ce qui aujourd'hui ou même demain serait à même de réveiller la belle au bois dormant. Le temps m'aura au moins apporté cette part de lucidité, et les leurres ne peuvent plus me tromper. Les élévations, les musiques intérieurs, les ciels magnétiques, tout cela fait maintenant partie du temps passé. Je suis moi-même un être faisant déjà partie du temps passé. Cette idée aurait pu être le déclencheur d'une certaine liberté intérieure conquise. Cette liberté là je la devine, je la sens près de moi, c'est peut-être un des rares éléments précieux que je peux encore faire mien. Mais à elle seule la liberté ne suffit pas, quand il n'y a plus ni l'envie, ni l'émotion.
À chaque poète son moteur et ses grandes inspirations : goût pour les mots, l'amour, le passé, la mort, la vie. Aucun de ces cinq phénomènes ne saurait me surprendre actuellement, chacun me donnant l'impression d'avoir été visité jusqu'aux entrailles, chacun ne laissant dans ma bouche qu'un goût de cendre et de finitude. Je ne souhaite pas me répéter. Je ne sais pas comment me réinventer. De fait, je suis réduit au silence infécond. L'épaisseur de la toile et du monde me fait peur, la masse, l'envie, le désir et les combats, tout cela ne m'intrigue plus guère. Je crois que j'ai assez joué mon rôle.
On pourrait penser qu'en disant cela je suis lâche. Certainement. Je crois que, lorsqu'il n'y plus d'inconnu, de découvertes et d'aventures, on peut se permettre d'être lâche. Cela permettrait au moins d'échapper, un tant soit peu, à la vanité.

 

 

 

 

 

J'aurais tant aimé recevoir quelques mots, qui auraient dit que tout n'avait pas été vain. Que les poèmes et les lettres tressées, pour l'édification des coeurs, n'étaient pas lettres mortes. N'étaient pas langue morte. Que le grand poème que nous avions dessiné n'était pas une de ces mosaïques tibétaines, vouées à disparaître, se délier sous les forces lentes du temps et de toutes ses brisures.
Aussi fortes soient ces pensées, aussi profonds soient les soupirs et le vent, parlant le plus familier des langages et les plus empli d'espérances, non rien de tout cela n'a finalement perduré. Mon coeur a sombré dans l'océan immense et je n'ai plus mes élans de vie, je n'ai plus le murmure des étoiles ni les voeux sincères.

 

 

 

On dit que les koalas sont paresseux. C'est complètement faux et ceci pour deux raisons :
1 — Lorsqu'il est réveillé, il passe une grande partie de son temps à fabriquer, tapisser son lit.
2 — Lorsqu'il dort, il rêve qu'il fait un sprint.

 

 

La vie terrestre est plus profonde que mon rêve.

 

 

Ce texte est l'histoire d'une lutte intérieure. Une révolte. Quelqu'un, moi en l'occurrence, mais quelqu'un quand même qu'importe ce quelqu'un ça peut être toi Janus. C'est l'histoire d'une confusion. Quelqu'un est assis au milieu d'un ruisseau, au milieu d'un escalier et qui fait barrage avec ses mains, ses bras et son coeur pour empêcher les jours de s'écouler trop rapidement, pour empêcher les jours d'avancer sans lui quelqu'un qui veut garder ouverts les rideaux malgré qu'il fasse nuit comme pour préparer la venue d'un soleil prochain peu importe s'il ne vient pas, du moment qu'il a d'abord été conçu, ensuite c'est à la vie d'y répondre ou non, le jour venu. C'est quelqu'un qui se dit que la vie c'est peut-être autre chose, peut-être plus que cela et qui refuse comme il le peut avec ses maigres armes la marche lente du monde et du temps sur tout ce qui vit, sur les chiens des rues, les bâtiments en construction les cathédrales.
On ne voit toujours que ce qu'on veut bien voir et je crois que tu es resté sur l'apparence, celle d'un amour adolescent peut-être, parce que tu associes la confusion, la naïveté et l'amour à quelque chose d'adolescent une révolte ridicule un peu idiote qu'il est bon de dépasser si on veut devenir quelqu'un appartenir à un rang plus élevé, trouver une stabilité et un confort mais, je crois au contraire que c'est une chose à préserver au fond de soi et pour soi et que ce qu'on place souvent sous le verbe "grandir" ou "passer le cap" est à peu de choses près mourir, taire la voix et la poésie, l'échanger pour quelque chose d'immobile, faire don de ce qui est vivant, la musique dans le ventre qui ne demande qu'à être réinventée chaque jour. De ce point de vue il ne s'agit pas forcément de moi, de mon nombril, il peut s'agir, avec un peu de chances de tout un chacun, parler de soi n'est pas nécessairement être aveugle à autrui, parler de ses expériences est peut-être aussi une forme de générosité.
Cette naïveté dont tu parles est présente dans mon travail comme elle est présente dans ma vie, dans mon travail et dans mon rapport à autrui et jusqu'à présent, quoi qu'on en dise cette naïveté qui ne signifie pas forcément absence complète de lucidité m'a plutôt portée chance, malgré moi bien souvent, son lot de malheurs aussi bien entendu ceux-là les premiers auxquels je n'avais pas songé, mais si je regarde de plus loin, en prenant le temps de bien y réfléchir, je me dis que la naïveté a quelque chose de plus surprenant, de plus frais et de plus vivant, du moment qu'elle n'est pas calculée, ce qui le cas, ni même voulue puisque souvent j'ai tout fait pour ne pas l'être considérant parfois (à tort) que c'est une grande faiblesse, mais c'est ainsi. A propos de l'énergie passée à y réfléchir, à se justifier, je crois que tu touches juste. Bref, je pense, pour le coup, avoir suffisamment parlé de moi.
Je remarque (une remarque en hors-d'oeuvre) que bien souvent il n'est pas permis de parler librement de soi, je me demande d'où est venue cette idée reçue, celle-là qui a posé le sceau du tabou, de la monstruosité, le sceau du "nombril" sur le fait de parler de soi, ou plutôt, sur soi et c'est là toute la différence. Comme si le panneau "sens interdit" avait été accroché là-dessus. Comme si nous savions, quelque part, qu'il y avait une bête immonde, une hydre à cent têtes, un danger, à l'intérieur de cette grotte abandonnée et qu'il valait mieux avancer sans jamais se retourner, sous peine de perdre eurydice à jamais peut-être.
Comme si ce domaine dorénavant était réservé aux "nettoyeurs", aux spécialistes que sont les psychologues, et qu'il ne fallait plus s'y attarder nous même.
Il s'agit pourtant là d'un des premiers devoirs du poète il me semble.
Et celui qui prend ce chemin parfois (qui que ce soit) reçoit toutes les foudres, est menacé de toutes les folies de tous les jugements. On a pourtant la permission et la liberté je crois de réfléchir, je veux dire, se réfléchir. Les profondeurs ne sont pas nécessairement des gouffres, tout ce qui est inconnu est peut-être dangereux, mais certainement pas mortel comme on peut l'imaginer.

 

 

 

Mon amie j'ai entendu raconter parfois que les rayons du soleil fatigués de leur voyage s'endormaient sans mot dire dans les boucles de vos cheveux

Et que vos boucles les préservaient loin à l'abri du regard de la nuit

 

Le serrurier de l'écriture force la parenthèse.

 

 

J'ai choisi le tragique, car il est l'état d'âme qui offre l'horizon le plus large. Il est le plus apte à faire émerger la valeur de la vie, le plus apte à maintenir son ardeur.

 

On peut mesurer l'humanité et le degré de civilisation d'une société à sa façon dont elle traite ses "vieux".
Plus ou moins comme des déchets, parasites qu'il faut caser dans des mouroirs.
Ici, c'est symptomatique.
On pourrait tout aussi bien les respecter pour leurs expériences de la vie, on pourrait tout aussi bien apprendre d'eux, plutôt que de les pousser loin.
Voilà un exemple de la folie qui nous environne.

 

 

 

 

 

Si on se rend compte à quel point l'irréalité des êtres joue un rôle plus grand, à l'intérieur de l'esprit imaginatif de l'homme, que leur réalité.
L'idée que nous nous faisons d'une personne est infiniment plus conséquente que ce qu'est réellement cette personne.
À quel point l'imaginaire de l'homme joue un rôle plus grand que la réalité, même pour les plus concrets et les plus matérialistes.
Internet (le virtuel), les mass médias, l'abolissement des distances, par exemple, participent et augmentent l'irréalité du monde.
Si on pense à quel point les choses tiennent peu de place dans nos esprits, à côté de l'opinion subjective que nous nous faisons d'elles.

Alors, le monde entier et nos vies reposent sur l'impalpable, sur l'imaginé, sur un mélange de songes, de souvenirs, de futurs rêvés, et de présents métamorphosés à la guise se nos sens, de nos émotions, de nos désirs, de nos états d'âme. Le tout, posé dans le tourbillon de l'immense et insondable mystère que sont la vie et la mort.
Dante n'a t-il pas dit, pour conclure sa divine comédie, que c'est l'amour qui fait tourner le soleil et les autres étoiles ?
Comment ne pas penser dès lors, à l'intérieur de cette toile immense de rêve qu'est l'univers, que les morts ne jouent pas un rôle ?
Ils sortent d'un rêve, pour entrer dans un autre.

 

 

 

L'univers est trop profond pour que la mort soit une fin.

 

 

 

Je crois profondément que nous sommes tous complètement fous. Non, je ne veux forcement dire "cliniquement parlant", car il y a sans doute bon nombre de "fous cliniques" qui ne sont pas plus fous que l'ordinaire clampin croisé dans la rue (je ne parle pas là de la folie qui a pour origine une maladie physiologique, c'est une autre chose). Ça n'est pas forcément une folie visible au premier abord, mais une folie si diluée en nous et autour, si ancrée, qu'il est devenu quasi impossible, même avec le plus grand des reculs, de pouvoir l'appréhender dans sa totalité. À vrai dire, l'état de folie est si avancé, que depuis bien longtemps le minimum de raison est devenu invivable.

Mais tout ça, c'est une affaire de point de vue. Qu'est-ce que la folie ? C'est n'être pas conforme au commun, au "repère" flou de la "normalité". Et si ce repère, auquel chacun veut se conformer afin de préserver son existence sociale, était lui-même la folie, où serait la folie, où serait la raison ?

 

 

 

 

 

Pour ma part je crois que la paix est à différencier du bonheur.
Le bonheur, nécessairement, porte avec lui l'idée du malheur, comme l'espoir porte l'idée du désespoir. La paix pour moi est une absence de bonheur et de malheur, c'est la rivière du bouddha, atteindre une certaine vacuité de l'esprit, qui n'est ni la joie, ni la peine, une mer lisse.

Pour ma part j'ai une vision tragique de la vie. Le tragique n'étant pas le pessimisme, si le tragique pour les philosophes signifie la vision lucide de la vie, le pessimisme est la vision sombre et résignée : tout est vain, tout se désagrège. Le plus grand plaisir du pessimiste forcené est de se venger, se venger de la vie, le plus grand plaisir du tragique dyonisiaque est de ressentir un épanouissement, une plénitude de la vie, une surabondance intérieure et extérieure.
Je ne crois donc pas que l'être humain aspire, exerce un mouvement vers le bonheur.
S'il aspirait au bonheur, cela ce saurait et se verrait tous les jours, il suffit de regarder autour de soi ou dans le rappel à l'ordre des infos du soir (qui pourraient tout aussi bien s'appeler : "recensement des malheurs du jour"), qui enseignent très bien ce qu'est la nature "humaine". Ce qui ne veut pas dire qu'il n'a pas cette capacité de bonheur : il l'a possède et il y a tout ce qu'il faut autour de lui pour l'atteindre, mais il n'en veut pas, car pour se sentir exister il a besoin du malheur, malheur de soi, des autres, et besoin de désirer ce qu'il n'a pas.
A partir de tout ça je serais bien plus enclin à penser que "l'être humain" communément (pas tout le monde) aspire au malheur, à la souffrance, bien plus qu'au bonheur. Je ne dis pas que cela est bien ou mal, c'est une constatation.

Si par contre par "aspire au bonheur" tu veux dire qu'il est possible pour lui de l'atteindre, qu'il existe, je suis tout à fait d'accord. Mais si un jour un dieu "bienveillant", ou un génie de la lampe venait me proposer le bonheur définitif, je passerais volontiers mon tour, pour qu'il le donne a quelqu'un qui en aurait plus besoin que moi et surtout, à quelqu'un qui saurait quoi faire de cette chose bizarre...

 

 

 

 

(au sujet de "Les vivantes")

 

Jean-Michel, merci pour ta remarque. Je crois pourtant y lire un malentendu fondamental par rapport au texte.
Je parle des femmes qui sont décrites comme telles : différentes, étranges, étrangères. Sur lesquelles on pose les étiquettes dont je parle dans le texte.
En ce qui concerne l'idée je ne suis pas particulièrement attiré ou obsédé par tout ce qui est maladif, j'aime tout autant la joie de vivre, la légèreté, la sérénité. Ce n'est absolument pas du sado-masochisme.

D'une certaine manière, c'est comme s'il y avait les gens qui avaient droit à la vie/à l'amour, et les autres, les échus, qui sont voués toutes leur existence à la lie.
Je trouve pourtant qu'il y a infiniment plus de vie et de richesses à l'intérieur de ces personnes détériorées, fragilisées par l'agitation et la pesanteur du monde, en qui la folie est visible, que dans toutes les autres personnes, celle là qui partent à la poursuite d'un idéal de perfection, de santé, d'hygiène physique et mentale qui n'est qu'apparente, une conformisation, un désir de faire partie du moule pour ne surtout pas faire partie des autres, de ceux là mis à l'écart. Jusqu'à en perdre toute sensibilité.
Parce que j'ai toujours éprouvé une sorte d'attirance (qui est tout sauf de la pitié) pour les personnes mises à l'arrêt, poussées en-dehors du jeu d'échecs.

Voilà, en espérant que cela soit plus clair pour toi, car il ne faut pas être rebuté. C'est un hymne à la différence, à l'étrangeté, un pendant au mouvement universel qui va vers le beau et le sain. La poursuite de l'idéale santé, à l'hygiène parfaite. À tout ce que (que ce soit inconscient ou volontaire) nous fuyons comme la peste, et qui n'est au fond qu'une part de nous-même. Ce "genre de psyché", jean-michel, nous l'avons tous et ce que nous fuyons, ce ne sont jamais les "maladifs", c'est la maladie en nous-même. C'est se voiler la face, pour trouver un confort d'apparat, un illusoire refuge. Nous sommes tous fous. Certains seulement savent mieux faire semblant, savent mieux se convaincre de ne pas l'être.

 

 

 

Vouloir être heureux ne vaut pas le coup, je trouve. C'est une prétention et comme le dit l'expression, le bonheur de quelqu'un fait souvent le malheur d'un autre. Le bonheur est une ancienne lubie issue des contes pour enfants.
Être avec quelqu'un pour le bonheur est la raison première de toutes les ruptures, de tous les déchirements.
De plus, le poursuivre provoque bien souvent sa fuite, j'en sais quelque chose.
Devenir vivant, ou le rester est un but bien plus valeureux il me semble. Être heureux, ça passe en second, c'est un bonus, qui peut survenir, parfois, si on le mérite, mais jamais, au grand jamais, il ne vient quand on le cherche.

 

 

 

 

Je suis fait pour maintenir la part vivante au fond des êtres.

 

 

Je me méfie souvent de la permissivité en ce qui concerne les "fais à la va-vite" qui mènent à tous les prétextes.
"c'est incompréhensible, abscons, écris à la va-vite mais c'est normal, parce que c'est de la poésie" de même on ne peut pas dire "c'est plein de défauts, mais c'est parce que je fais dans l'expression"

L'étiquette ne suffit jamais, de même que le fond parce que qui compte le plus en art c'est la forme. D'ailleurs, les histoires de "fonds" c'est souvent pour les bafouilleurs un prétexte à toutes les nullités. C'est le style qui porte toute oeuvre, le style c'est la pensée mise en lignes. La beauté est un savant mélange, un équilibre d'artifices et d'instincts, et c'est dans la forme que surgit la profondeur d'une oeuvre de même que l'émotion. La forme permet à un auteur de donner naissance a quelque chose qui ne lui appartient plus, c'est à dire tout ce que les lecteurs ou spectateurs veulent bien y mettre dedans.
Je crois même qu'il n'y a pas de fond en peinture comme en écriture, c'est une ineptie, un faire-valoir, il n'y a que la forme, par laquelle on aperçoit parfois une subtilité et une richesse qui prennent leur source dans un lent et long travail sur, et "dans" soi et sur la technique. Le travail ne consistant qu'à découvrir quelque chose qu'on porte déjà en soi, c'est à dire, à défricher, à élaguer le mieux possible le superflu. Bâillonner, interrompre le dialogue intérieur naturel, la part de médiocrité, de facilité que nous portons tous. Dès lors je crois qu'il est possible pour quelqu'un qui exerce ce travail sur lui-même, de changer le plomb en or, quelque soit le médium. Il est possible d'aller de l'écriture au dessin, en passant par le piano, les discussions du matin sur la pluie et le beau temps au marché, de filtrer le geste pour en laisser apparaître quelques grammes de poésie émotive. Pour cela, il suffit de se dire que nous sommes libres dans l'expression. Ce n'est pas une chose si simple à faire. Les limites, le plus souvent, on nous les inculque mais nous prenons bien soin de les entretenir et de les imposer à nous-même, à notre insu, par habitude et par peur.

 

 


Ce n'est pas le sujet qui compte, c'est la manière de le rendre. Que ce soit en écriture, en peinture, en piano ou à la chasse aux sauterelles.

 

 

 

Tant qu'il y a l'élan du coeur. C'est tout ce qui compte.

 

Je hais tant la répétition, que rien ne me fait plus peur que de réecrire deux fois le même poème, que d'écrire deux fois de la même façon. je veux sans arrêt être un autre, être différent, me trasformer sans fin, mais comme cela est impossible, je préfère le silence. Tous les auteurs devraient en faire autant, préférer le silence aux doublons, à la même rengaine. Il n'y a rien que je crains plus que de tomber dans la même rengaine. Pourtant, à la manière de celui à qui on dirait de ne surtout pas penser à un éléphant rose, de penser à tout sauf à cela, bien évidemment, tombe dans le piège et ne pense plus qu'à cet éléphant rose auquel il ne devrait pas penser, moi aussi, je tombe je le crois, dans la répétition, à mesure que j'ai peur d'y sombrer. Si je n'ai pas gardé toujours la même forme d'écriture, je sais que mes obsessions, mes passions —que d'aucun appellerait mes névroses— étaient et restent sensiblement les mêmes. Ce sont les mêmes flambeaux que je poursuis en rêve—les mêmes allitérations, les mêmes musiques. Je n'ai qu'une image spirituelle à idolâtrer, laquelle reste sensiblement idem. Je n'ai pas mille inspirations ni même mille maîtres. Je suis, pourrait-on dire, comme la terre qui tourne irrémédiablement autour du même astre blanc. Je n'ai qu'un unique Soleil dans tout l'univers qui me tient entre ses mains magnétiques et tout ce que je suis en mesure de faire, c'est le décrire sous tous les angles possibles, le voir de toutes les manières qui soient, sous tous les pôles, à l'aide de toutes sortes de lunettes ou de kaleidoscopes.

 

 

 

Vendredi 8 Août 2008

 

 

 

Partir à la poursuite du bien être ou du bonheur est déjà en soi une prétention. Chercher la guérison, le paradis, est un orgueil. Ce qui est plus juste et plus grand, je crois, ce n'est pas même de chercher la vérité, c'est ne rien désirer d'autre que d'être l'instrument à travers lequel la nature s'exprime. Ne pas même le désirer d'ailleurs. C'est un abandon total. C'est taire sa propre voix, pour laisser la place à une autre voix qui vient d'un âge plus profond. Parfois, je me rends compte à quel point je ne suis rien, à quel point tout est à la fois dérisoire et beau. Cette pensée me plongeait dans des états de dépression et d'instabilité qui étaient salutaires, finalement. Il faut en passer par là pour finalement comprendre qu'il n'y a rien à comprendre, l'accepter. Il va de soi qu'un mode de vie occidental ordinaire ne permettrait pas ce genre de réflexions, mais je me suis construit, et peut-être aussi ai-je eu de la chance, un petit îlot de solitude, une île sur laquelle je peux penser à l'abri éloigné un tant soit peu du vacarme du monde. Il en existe encore de ces abris, les sirènes du matérialisme n'ont pas encore tout colonisé sur cette terre et même si elles y parvenaient, il resterait toujours quelque part, en nous, solide, en attente, un espace secret, un espace intérieur ancestral dans lequel résonnent, parfois, les voix, les mânes de vitales résonances. Il ne s'agit pas d'un mysticisme new-age ringard, d'illuminations religieuses, ni même de concepts, de théories. Non, rien de tout cela. Il s'agit de quelque chose qui ne demande aucune dénomination, ni description. C'est plus simple qu'un mot ou même qu'une lettre de l'alphabet. C'est quelque chose qui n'a besoin de rien de tout cela pour être justifié.

 

 

 

C'est quand on n'a plus rien à dire qu'il commence à devenir intéressant d'écrire.

Comme il n'y a plus de poésie, j'en cherche le souvenir. Je n'ai plus la prétention d'en créer une nouvelle.

 

 

 

Mercredi 6 Août 2008, quatre heures et cinquante minutes du matin

 

 

 

J'en arrive à la fin de ma vie. Il ne peut en être autrement. Je n'ai, derrière moi, qu'un horizon brûlé, des affres, des tempêtes, des soleils illusoires. Devant moi, il n'y a qu'un grand champ vide, tentatives vaines de troubler l'ennui, de combler le temps qui passe. L'écriture ne me dit plus rien, ni l'envie. A de très rares exceptions près, je sais que ce que j'ai écrit n'a que peu de valeur littéraire. Il y en a tant et tant qui écrivent aussi bien, et même mieux que moi. Je n'ai plus besoin de rien, je n'ai plus rien à chercher. Je n'ai ni besoin de reconnaissance, ni amour du beau, ni amour du travail. L'époque ne me dit rien, les gens ne me disent rien. Je sais que je ne suis que poussière, et que mon départ ne fera pas plus de bruits qu'un petit galet tombé dans une mare. C'est très bien ainsi. Ce ne sont pas que des mots, c'est la simple lucidité, ni triste ni heureuse, mais telle quelle, nue.
Je n'ai, sincèrement, plus de prétextes pour vivre. Aucun. Je n'ai qu'une immense et sincère envie de mourir. J'ai envie d'un silence qui ne s'arrêterait jamais.
Je ne souhaiterais attrister personne, ni même faire remarquer mon départ. Je ne cherche même pas à attirer l'atttention. J'ai dépassé ce stade depuis longtemps. Je veux juste arrêter, c'est tout. Arrêter. Parce que je suis libre de le faire et que cela fait trop d'années que je verse des perles dans les puits sans fonds. Je ne dirai pas que je suis malheureux, je laisserai aux autres le soin de le penser peut-être, ce ne sera jamais par la tristesse que je voudrais partir. Ce sera par le déclin de mon soleil intérieur. Ce sera par l'affaissement des voix claires de la vie. Je n'ai plus rien de vivant au fond de moi. Je n'ai plus rien qui soit beau. Il n'y a qu'une nuit. Il n'y a qu'une longue nuit au fond de moi qui n'aspire qu'à mourir et aller là où tous ceux qui m'ont précedé sont allé aussi. Il n'y a rien d'extraordinaire à cela, il n'y a qu'une continuité. Qu'un fleuve qui s'écoule. Il n'y a que le temps qui se dérobe sous mes pieds doucement, mais plus profondément à chaque minute. Je n'ai ni envie de créer, ni envie de me battre pour quoi que ce soit. Je ne souhaiterai garder qu'un seul mot qui serait celui-ci : refus. Et partir, non pas loin, non pas longtemps. Partir, en vrai, tout simplement.

 

 

 

 

 

 

 

Samedi 2 Août 2008, trois heures du matin et vingt-trois minutes

 

Lumière d'une étoile morte.


Je ne vois que la folie parmi les hommes. Mais j'admire leur énergie vitale quelque part.
En ce qui me concerne, il n'y a plus d'arômes. Il n'y a plus d'attentes. Il n'y a plus d'envie.
On ne peut plus dire que je suis malheureux. Je trouve la vie trop inouïe pour ne pas l'aimer.
J'aimais tant l'émotion, mais j'ai du me perdre moi aussi dans le ballottement du monde.
Je suis comme un ancien feu qui a fait son temps. Les émotions maintenant sont comme des mensonges.
Je regarde les choses sans les voir. J'y devine un morceau de souvenirs.
Je suis devenu si différent. Et je sais pas si la vie renaîtra en moi. Peut-être les ténèbres actuels annoncent-ils une prochaine éclarcie.
Cela fait si longtemps que je porte ce sentiment en moi. Je crois que je l'ai toujours porté. Je suis né avec.
Je croirais volontiers les anciens dogmes, ceux-là qui voyaient la vie terrestre comme un passage transitoire.
Je serais tout enclin à le croire. Mais n'est-ce pas là, une certaine forme d'abandon, de lâcheté ?
Tout s'explique, et tout est vide dans les solutions que proposent la pensée d'aujourd'hui.
Cela fait partie de la même folie. Le bien et le mal, le beau, le laid... tant d'idées qu'il est bon de croire
Mais qui maintenant n'ont plus de sens. Parfois je me dis que l'humanité s'amoindrit et que, comme l'avait écrit Levi-Strauss
Le monde a commencé sans l'homme, et s'achèvera sans lui. Logique implacable.
Aux yeux des peuples indigènes, nous sommes devenus de tels monstres. De tels fous. Comme je sens qu'ils ont raison.
Ce que je sens moi, c'est qu'il n'y a plus la vie.
Non non, ce n'est pas seulement le reflet de mes états d'âme.
Et nous en sommes si habitués que depuis longtemps déjà, nous n'en avons plus conscience
Et bien loin de nous l'idée de nous battre pour cette vie, voire même l'idée de tout combat.
Comme tous les enfants, habitués au goût des arômes artificiels, ne savent plus le véritable goût des fruits.
Il en va de même avec l'homme qui, s'étant habitué à l'insipidité de la vie artificielle, ne connaît plus le goût de la vraie vie.
C'est avec une telle certitude que je dis cela. Je le sais au fond de mes entrailles. La civilisation se dirige vers une insipidité et une virtualisation totale.
Quant à me demander ce qu'est la fameuse vraie vie dont je parle, je ne pourrais la décrire comme ça.
Je sais, c'est facile... Mais ce que je peux dire, c'est que je l'ai connue. Je l'ai connue.
En de rares occasions je l'ai connue et c'est pour cette raison que je ne peux me résoudre, me contenter de cette vie là.
J'ai tenté de lever quelques armes, de me battre contre cette fantômisation, cette dématérialisation de l'homme.
Puis ce qui était un combat est devenue un échappatoire. Mais l'échappatoire est impossible,
L'échappatoire est devenue lassitude, vanité, désastre.
J'ai le sentiment d'être ailleurs, de ne plus vraiment appartenir à ce monde. De n'être plus qu'une âme en perdition. Une âme vaincue. Un fantôme parmi les morts.
Peut-être que ce néant que je recherche est une sorte de sagesse, une évolution bénie.
Peut-être ma quête a t-elle quelque chose d'infiniment plus honorable que la quête ordinaire du plaisir et de son impossible contentement.
Pourtant je les envie silencieusement, parfois.
Et je me surprends à les aimer, là où auparavant je n'avais que de l'amertume, du ressentiment, je commence à les aimer pour ce qu'ils sont.
Même à travers cette grande erreur par laquelle ils pensent vivre.
Malgré que leur vie, le plus souvent, ne se réduit qu'à une longue justification de l'existence.
Là où la vie a besoin d'être justifiée, elle n'est plus.
Voilà peut-être où se situe la vraie vie dont je parlais, elle est là où il n'est plus besoin d'être prouvée. Car elle est là, tout simplement.
Et tout ce qui est vrai n'a pas besoin d'être légitimé.

 

 

 

Mardi 22 Juillet 2008, une heure du matin et vingt-trois minutes

 

 

Pour la première fois depuis bien longtemps, je crois que je n'ai plus cette sorte de rancoeur.
J'ai éprouvé ce sentiment il y a peu, pourtant. Mais je me suis senti effroyablement bête. Je me suis senti vain.
J'ai eu le sentiment de prendre les armes pour une bataille qui n'avait plus lieu. Qui n'avait plus lieu d'être.
Cette bataille au fond, était en moi-même, je le sais bien.
Pendant ces années étranges et violentes j'avais ce désordre en moi. Qui me coupait en deux. Une jalousie amère, de tout et de rien qui me rongeait le coeur.
Je me devais de le régler. J'étais en quête d'une victoire illusoire.
La victoire, ce n'est pas d'avoir vaincu qui ou quoi que ce soit, c'est de voir la fin de cette intime discorde.
J'ai appris à ne plus m'en vouloir. À ne plus en vouloir.
Les jours me semblent différents.
J'entends moi aussi les échos d'une sérénité qui n'est pas l'absence de passions et d'émotions.
Bien que ce ne soit pas encore le grand soleil, je retrouve la foi en ce que, il y a peu encore, j'avais peine à nommer : le présent. Et ce qui vient à sa suite.

 

 

J'ai envie de sourire, même si peut-être tu ne me vois plus, ne m'entends plus, ne me lis plus
Même si peut-être, tu n'apparaîtras plus. J'ai envie de sourire à la suite
De tes pas rapides, qui suivent les jours et les mémoires, sans rien demander
Sans rien réclamer, sans même faire signe de ma présence, sans vouloir changer la direction que tu as prise
Sourire simplement et graver dans l'écorce les voeux que j'avais formulé

 

 

 

 

 

 

 

 

De la fenêtre. Chez ma mère.

 

 

Mardi 13 Mai 2008

 

L'heure est à la déroute. Les jours me compriment. Le soleil fond sous le paysage. J'ai l'air absent. Je crois que je le suis. Un fantôme. Avec sa laisse. L'heure est à la perdition. Au néant. À L'esseulé. À l'épuisé.

 

 

Grandir, en vrai, c'est cesser de justifier son existence.

 

Je suis ceci. Je ne suis rien de plus. Et je peux l'écrire.

 

Le Nagual est l'être qui rêve de nous à notre insu.

 

 

 

 

L'écrivain doit faire un effort pour être compris. Ce n'est pas au lecteur d'effectuer ce travail.

 

 

Mercredi 9 Avril 2008, minuit et cinquante minutes

 

Je creuse en moi. Je détourne les yeux du ciel et je plonge. Certains soirs je touche une corde de l'instrument, d'autres fois je ne trouve rien. Absolument rien. C'est le risque. Les autres qui cherchent en-dehors pourront toujours se rabattre sur les fleurs. Mais moi je ne les ai pas. Si je n'ai rien, je ne peux pas mentir. Lorsque je fais semblant ça se voit tout de suite. Je n'ai que la musique intermittente, le phare cyclique. C'est la chasse de l'indigène, qui peut revenir bredouille. Alors, je laisse tout derrière moi, mes bagages, mes vêtements, mes yeux. Le monde. C'est un coup de dès. Je ne maîtrise plus mon sort. Je peux atteindre une corde et réveiller les esprits qui dorment, engourdis, dans la forêt intérieure, et lancer la musique. Je peux tout aussi bien y entendre quantité de bruits impossibles à démêler. Il m'arrive parfois d'être littéralement assoiffé et de ne trouver qu'une source fatiguée, dont l'eau ne tombe que goutte à goutte. Un désespoir m'envahit alors quand je pense à la mer d'hier.
Une chose est sûre lorsque je regarde à l'intérieur j'y distingue toujours de la lumière, flamme parfois vacillante qui me fait craindre l'obscurité si jamais elle venait à s'éteindre. Mais elle est toujours là, sans doute malgré moi, qui me soutient, qui me murmure qu'il y a, malgré l'immobilité apparente de ma vie, une évolution de mon esprit et de mon coeur, un subtil espoir à préserver. Je cultive en moi quelque chose que beaucoup perdent en route, je le sais. Je ne sais pourquoi j'ai ce don ou, du moins, et plus modestement, ce talent. Il y a quelque chose en moi qui s'apparente peut être à une voix, une lueur, une étoile, une étincelle, peu importe le symbole et l'étiquette, de toute façon illumine et parle, passe et revient toujours. Cette parole a l'orgueil, la fierté des déesses et des muses sauvages, elle ne se lève et danse que lorsque cela lui chante. Il n'existe ni leurres, ni appeaux, ni pièges à loups capables de tromper ses yeux, de tromper son esprit ou d'attraper ses chevilles. Si quelquefois le miracle se produit, si quelque fois elle répond à notre appel, inutile de crier victoire et de se dire que l'on a trouvé la recette. Il est fort à parier que le lendemain, ou lorsque plusieurs jours auront passé, elle disparaîtra de nouveau, de nouveau ira se perdre parmi les ombres immenses de la nuit mystérieuse. Et tous les tambours, tous les feux de joies, tous les festins, les offrandes, rien de tout cela ne sera en mesure de rapprocher ses pas, de rapprocher ses cheveux, le parfum particulier de son immatérielle peau. Non, rien de tout cela. Seulement, d'autres jours passeront, nous y penseront moins. Son souvenir passera parfois dans nos esprits comme des hirondelles , une musique nous la rappellera, ou autre chose. Le voile léger de la mélancolie se posera sur nos pensées. Des jours, peut-être des semaines défileront, tandis qu'il ne se passera rien. Petit à petit le souvenir vivace deviendra ancienne chimère, rêves endormis. L'habitude ternira lentement les espoirs, les chagrins, fantômes brumeux, peupleront subtilement et doucement nos châteaux intérieurs. Orphelins, nous pourront faire mine alors de n'être pas perdus, de connaître notre route parmi les hommes, quelque part, il s'agira d'un jeu d'acteur, un jeu reposant sur l'habitude.

Mais un matin étrange, quelque chose au fond de nous bougera. Une ancienne déesse immobile, que l'on croyait morte, déplacera une main, ouvrira peut-être les yeux. Alors, les couleurs du monde ne seront plus les mêmes.
Mystère infini...

 

 

 

 

 

Un auteur inconnu, ou connu mais sans être encore familier, est un amas de roches. Le lecteur se trouve face à lui, face à ce bloc en premier lieu perméable, froid, étrange, et certainement, étranger. Lorsque le lecteur part à la découverte d'un nouvel auteur il palpe la pierre, il passe sa main entre les lignes minérales, il recherche la corde, fil conducteur, fil d'Ariane inversé qui mènerait au coeur du labyrinthe. Il cherche ce fil qui sera le lien magique entre l'auteur et son lecteur. La petite phrase qui le touchera précisément en plein centre et qui lui servira de ticket d'entrée pour accéder à l'univers entier de l'auteur, qui désormais fera sens. Dès lors il tirera sur la corde et l'amas de roche s'effondrera, faisant apparaître à l'air libre les richesses qu'il contenait, les couleurs, les nacres, des faces intérieures irisées que recelaient chaque pierre.

Tant que nous sommes pas tombé sur cette phrase, ce passage, cette illumination, un auteur restera pour le lecteur un parfait étranger.

 

 

 

 

 

J'ai eu un peu peur au début quand il parlait de "vrai" auteur.
Pour le reste du texte, bien évidemment je suis d'accord. Une petite étincelle de vanité me ferait dire, comme peut-être tout un chacun lisant ce texte, "je fais partie de ces vrais auteurs", "je sais cette voix intérieure", sitôt cette pensée surgissant à mon esprit, je me souviens que tout le monde doit se dire la même chose. Mais alors, qu'est-ce qui me distingue ? (si tant est que le but du commun des être humains est de se distinguer des autres) Peut-être que je me dis que j'entends et transcrit moi aussi cette petite voix alors que, peut-être, il n'en est rien, et que je suis comme la multitude écrivaillante, me croyant vrai écrivain, me croyant au-dessus de la masse. Un souffle de modestie souffle alors sur le rideau qui me sépare du monde intérieur d'où provient cette petite voix et je me dis, et elle me dit, que finalement non, je ne me distingue pas des autres il n'y a pas de vrais auteurs, il y a seulement des gens qui écoutent — et des gens qui parlent.

 

 

 

 

 

 

Il n'y a pas vérité là où il n'y a pas de rires.

 

 

 

 

Si nous parlons de l'éternité qui précède notre naissance, de l'éternité qui suivra notre mort. Si on parle de la vie que mènent ce que nous aimons dans nos imaginations, à leur insu.
Si, en allant plus loin, pour le jour où on découvrira que nous ne sommes pas plus l'être dont rêve le papillon, que le papillon qui rêve de nous. Si on parle de l'univers en entier plutôt que de notre minuscule planète perdue.
Alors non, le réel, décidément, est peut-être beaucoup ici et maintenant, parce que nous nous y accrochons de toutes nos forces, pour justifier nos existences, et pourtant il n'est rien, une poussière à côté de tout ce qui est en-dehors de ce concept fumeux.
Mais peut importe si ne nous en rendons pas compte maintenant, nous aurons toute une éternité pour le faire.

En attendant, le manège continue, et je vais faire mes courses au franprix.

 

 

 

Les trucs très beaux, bof, je sais pas. Un diamant dans la crasse m'a toujours paru terriblement plus attirant que dans une boîte à bijoux. D'ailleurs j'ai des boîtes à bijoux chez moi, mais je les laisse vides, et pour cause, elles sont bien comme ça voilà tout. Et d'un je n'ai pas l'argent pour m'acheter les bijoux qui vont avec, et de deux... rien, il n'y a pas de deux en fait.
J'ai un autre coffret dans lequel il y a six petits tiroirs. Dans l'un d'eux, on trouve un étrange dès dont les points noirs semblent désordonnés. Le hasard est total. C'est un dès que j'ai ramassé sur le comptoir d'un bar, alors que je buvais avec une japonaise. Laquelle d'ailleurs, un autre soir, me faisait lire des poèmes qu'elle avait écrit avec le sang de ses règles, dans un restaurant bar qui s'appele "l'étincelle" dans le quatrième arrondissement de Paris. Entre autres. (Rien d'extraordinaire allez voir konsstrukt pour des histoires plus croustillantes et plus trashs). Dans un autre, j'ai une crâne miniature en ivoire. J'ai toujours aimé les symboles de la mort. Je ne trouve pas ça morbide (j'ai horreur des gothos et il m'arrive souvent de porter des pulls bariolés). Au contraire, cela me rappelle la chance que j'ai d'être en vie. Dans un autre encore, j'ai le bouton d'une chemise perdue depuis longtemps déjà. Dans les autres tiroirs, je ne me souviens pas et d'ailleurs, je ne veux pas me souvenir, de sorte que je sois surpris ou, du moins, à-demi surpris, le jour où me prendra l'idée d'ouvrir à nouveau ces tiroirs. Un jour où je m'emmerderai vraiment bien sûr.

"osef de ta life" on va dire. "Tu as l'air de bien te faire chier dans ta vie" diront d'autres. Bref oui, c'est pas faux. Mais ce n'est pas tout à fait vrai non plus. Seulement, il faudrait déjà penser à arrêter de faire de la poésie, si un jour on veut commencer à vraiment en faire. La poésie n'est pas une pute, ou alors une pute de luxe, ça ne suffit pas de lui coller une étiquette pour en faire un ticket de voyage en première classe vers le septième ciel, enrubannée dans son soutien-gorge, la poésie dit non ou alors, si elle dit oui c'est qu'elle se joue de nous et là, on est bernés, raclés, foutus. On commence à pondre des choses pendant qu'elle, elle nous regarde les poings sur les flancs en riant. Elle est jamais là où on veut je crois. On a beau tendre le filet à papillons, là voilà qui a déjà filé son bas dans l'amer. On prend le plus beau satin pour frotter la lampe, mais il n'y a guère de génie qui sort, tout juste peut-être un vers sorti de terre molle, qui se tortille sur le papier imprégné comme un buvard de bave, et les cris de sioux et les haleurs ne guident plus la papillote, nous voilà bien beaux sur la plus belle des plages mais sans poésie qui ne dure que le temps de la minute au sein de laquelle le monde un jour s'est tu.
Bref, en fait ce que je voulais dire, c'est que les trucs beaux, bof, je sais pas. En attendant, le manège continue.

 

 

Quand on comprend à quel point le réel tient peu de place dans la vie d'un être humain, les illusions deviennent un bien aisément acquis, mais chèrement préservé.

 

 

 

Samedi 8 Mars 2008, une heure du matin et quarante-trois minutes

 

Aucun sens

 

Je n'ai plus envie de rien. Il me semble que j'ai tout raté. J'ai trop perdu, trop échoué. J'ai le sentiment d'être un homme dans un puits qui s'accroche comme il peut à des cordes, lesquelles une par une se rompent. Je n'ai plus envie d'écrire car l'écriture, finalement, ne m'aura jamais apporté le bonheur. Je ne crois plus en ses promesses. Vous allez me dire que l'écriture n'est pas là pour ça. Vous auriez raison sans doute. Mais moi, ce n'est pas ce que je m'étais dit. Je n'ai rien à faire là où il n'y a pas de bonheur possible. Je n'ai donc plus rien à faire ici. Il n'y a plus rien à croire là où il n'y a plus de possibilité de bonheur.
Je suis déçu. Je suis déçu de tout et de tout le monde. De moi-même en premier lieu. Je me sens effroyablement vide. Là où j'ai essayé, j'ai échoué. Et je sais bien que c'est de ma faute.
Je ne fais que divaguer sur un océan de hasard, avec parfois, de temps en temps, un coup de chance. On ne mise pas une vie sur des coups de chances. Les choses auxquelles j'ai crû se sont toutes effondrées. Toutes. Je n'ai, sincèrement, plus aucun espoir en rien. Je ne crois plus en mes forces. Je me suis habitué, comme j'ai pu, car l'homme s'habitue à tout. Les rares choses auxquelles je peux croire de temps en temps ne sont que des mirages d'oasis dans mon désert, des illusions. Ce sont des abstractions, des élucubrations qui ne valent pas le plaisir des nourritures terrestres que je suis incapable d'éprouver. Je n'ai fait que rêver, et fuir. J'ai tellement voulu bien faire, vraiment, j'ai tellement voulu croire et y mettre le meilleur de moi-même, pourtant.
Mais la vie est un navire qui est parti sans moi. Réellement. Ce n'est pas une simple tournure de phrase, un gémissement supplémentaire de passage. Je me sens en dehors de la vie. Je glisse sur elle comme l'eau le fait sur le dos d'une hirondelle.
La vie et l'amour me manquent. Alors je reste sur le quai, à regarder la mer. Loin des choses, loin des gens. Loin, de plus en plus loin. Et je suis infiniment malheureux.

 

 

 

 

 

 

Je me réveillais dans la ville qui ne dort jamais.

 

 

 

Dimanche 2 Mars 2008

 

Murmures

 

 

Les gens mentent. Ils ont appris très tôt à le faire. Ils ont été gavés, vraiment très tôt, pour fonctionner de cette manière. Par mensonge je n'entends pas le sens habituel de ce mot. Pas un simple mensonge quotidien sur de petites conneries dérisoires. Le mensonge dont je parle est plus large, plus diffus. Il est invisible et cependant il gouverne les vies. Il est partout, nous en sommes à la fois les victimes et les coupables. Il est si présent que nous ne le distinguons pas. Nous ne le voyons pas plus que nous ne voyons nos yeux lorsque nous les utilisons pour voir. Le mensonge dont je parle pourrait ne pas être important, pourrait être un détail de nos existences. Pourtant, il fait d'eux, de nous, des cadavres. Que la violence de ce mot ne masque pas la vérité. L'essentiel passe devant les yeux pendant que nous attardons nos attentions sur le futile, sur la merde en somme, quand nous n'avons le regard tourné continuellement vers le nombril est le geste d'un être perdu qui tente de se retrouver.
J'ai toujours eu le sentiment profond de suivre un chemin. Je sais que je me trompe. Je sais que je ne suis rien du tout. Sans doute que, seul, je ne pourrai pas aller suffisamment loin, en l'absence d'un véritable mentor . Le seul et unique maître que j'ai, c'est moi-même. Moi seul. Mais ce maître là n'est pas vain. Après tout mon corps, mon esprit, tout ce que je suis en somme, ou crois être, tout cela n'est-il pas le produit de millions d'années d'évolution ? Comment peut-on, dès lors, imaginer faire le tour de notre propre personne en si eu de temps, comment pourrait-on dire que nous n'avons rien à a apprendre de nous même ? Mon corps et mon esprit savent des choses que j'ignore moi-même, que je ne distingue plus, sous le voile tenace de l'entreprise de conformité que l'environnement a exercé sur moi à la seconde où je suis venu au monde, à la seconde où j'ai poussé mon premier cri, la vision et le sentiment de la réalité a commencé à m'être inculqué, transmise. La raison a compartimenté mon esprit dans les recoins sombres de mon cerveau, elle a fabriqué ma vision des choses, des gens, elle a durci, immobilisé ce qui, à l'origine, devait être comme l'eau, à savoir fluide, malléable, changeante et à la fois, harmonieuse. Nous n'apprenons rien. Ce que nous faisons, c'est éliminer les écorces qui masquent la vérité qui est déjà en nous. D'une certaine façon il n'y a rien à apprendre de la vie. La vie entière est déjà à l'intérieur. Nous apprenons les détails. L'essentiel, nous le possédons déjà et tout ce que nous tentons de faire, c'est de nous ressouvenir.
Partir à la poursuite de sa vérité intérieure n'est pas un vain voyage. Lorsque je lis les poètes que j'admire le plus, les écrivains qui avaient véritablement quelque chose à transmettre, quelque chose à dire, tous me semblent aller dans ce sens là. Il y a comme une route secrète qu'empruntent les penseurs, ceux qui vont dans le sens inverse du monde. Ils souhaitent, tous, aller à rebours de la raison, à rebours du préfabriqué pour se rediriger vers une origine plus mystérieuse qui a quelque chose à voir avec l'étoile, une voix intérieure familière, primitive, qui semble résonner comme peut le faire parfois le vent salutaire, lorsqu'il frémit entre les feuilles d'un arbre.
Je ne suis pas hippie, je ne suis pas adepte des drogues hallucinogènes, je ne cours après aucun courant. Comme je l'ai dit je n'ai aucun véritable maître, je n'ai que moi pour avancer à mon rythme. Je n'ai rien à apprendre aux autres, je n'ai envie de changer personne. Je ne suis pas non plus une sorte de maître à penser. J'ai juste mon monde. J'ai juste, comme chacun, besoin d'être aimé et de faire quelque chose de cette "élément" qu'on appelle la vie. J'ai ce corps, j'ai la vie qui est dans mes mains. J'ai mes lubies, mes imaginations, mes élucubrations nocturnes, mes bizarreries qui ne sont peut-être rien de plus que des bizarreries. Peut-être personne ne me lit maintenant, peut-être me lisez vous de travers, à la va-vite. Peut-être me voyez-vous comme un être un peu dérangé. Un sage, un philosophe, ou quelqu'un qui se prend comme tel mais qui écrit mal. Peut-être encore, vous vous en moquez, et vous auriez bien raison. Je ne suis pas plus intéressant qu'un autre. Je ne suis pas si différent. A vrai dire, je suis quelqu'un de très ordinaire. La seule différence réside dans le fait que je dirige mon regard dans la direction inverse du monde.
Si on fait abstraction un moment de ces innombrables étiquettes que l'on place sur les personnes afin de construire un ensemble de repères qui nous sécurisent tout autant qu'ils rendent la vie ennuyeuse, si on fait abstraction de tout cela donc, on pourrait dire de moi, comme on pourrait dire de n'importe qui, que je suis un enfant de mère nature profondément incompréhensible. Issu d'on ne sait où, possédant ce qu'il croit être une conscience, se démenant afin de se construire sa vie (ou la déconstruire), étant voué un jour à mourir comme tout un chacun pour retourner dans le mystère d'où il vient. Le mystère est infini. Nous avons notre raison pour tenter de cimenter un peu tout ça. La raison est un radeau sur la mer. Il nous permet de nous mettre à l'abri du mystère incommensurable de l'océan et de ses abîmes, il nous offre un semblant de sécurité, de stabilité. Il nous maintient au sec, dans une illusion de confort. Mais nous oublions, bercés par le flot continu des jours, que nous nous trouvons, en ce moment même, sur un rideau de pacotille, terriblement précaire, et que tout autour de nous se produisent les tempêtes, les déluges.
Nous usons de tout un tas de moyens afin de nous distraire, afin de tromper l'ennui résultant de cette raison qui a "aplati" le monde et l'a rendu ennuyeux. L'existence devient alors vide de sens, pour combler maladroitement ce vide, il nous faut acheter, il nous faut beaucoup parler, il nous faut de l'action, il nous faut quelque chose. Il nous faut une illusion d'évolution de l'être humain, de la société, des technologies. Il nous faut des religions. Jamais, au grand jamais, le silence ne pourra durer très longtemps, jamais la contemplation, la vraie réflexion digne de ce nom établira son empire, elle sera rapidement mise à l'écart, vite oubliée. La vie devient alors une lente perte, elle qui devait être eau courante, parfois turquoise, parfois blanche, noire, cette eau de la vie qui est restée immobile en soi finit par croupir, doucement. Avec elle monte dans nos veines le mépris, l'aigrissement, le chagrin perpétuel, le besoin de se venger par n'importe quel moyen, en possédant plus, en étant plus que les autres.
Et comme l'a si magnifiquement dit Blaise Pascal, il est facile pour l'homme de longer l'abîme, du moment qu'il a un bandeau sur les yeux. Cet abîme c'est le mystère. Le bandeau, ce sont toutes les diversions : jeux, achats, loisirs, etc.
La voix intérieure alors, celle qui parlait encore pendant l'enfance, petit à petit s'étouffe. Non pas qu'elle disparaisse ou meurt, jamais elle ne peut mourir. On ne tue pas ce qui n'existe pas à proprement parler, qui ne fait pas partie de la même "réalité". La raison, cet ensemble complexe de points de repères dont on nous a gavé, n'est rien, rien du tout comparé à cette voix dont je parle. Comme n'est rien la durée de notre minuscule voyage terrestre, à côté de l'éternité qui nous précède et qui succède notre naissance et notre mort.
Mais il est possible par contre d'étouffer, de masquer suffisamment cette voix pour qu'il ne soit plus jamais possible d'entendre son timbre à nouveau. Il n'y a plus de musique alors pour faire danser la vie. Le malheur a pris sa place, à mesure que nous nous sommes habitué à sa présence, on ne remarque plus l'absence de vitalité.

En attendant, pendant que nous faisons diversion, la vie passe près de nous sans même que nous nous en rendions compte. Certains, qui sont souvent artistes, mélancoliques, gens qui réfléchissent, sentent cela, devinent la perte de quelque chose sans qu'ils puissent mettre le doigt ou mettre un nom sur la chose qu'ils ont perdu en cours de route. Je ne saurais pas non plus y mettre un nom, ou le décrire comme ça, il n'y aurait rien à expliquer là-dessus. Car ce qu'on a perdu, ce ne sont pas des mots, ce ne sont pas même des idées, cela ne peut être appréhendé que par l'instinct, l'émotion, ce sens profond, primitif, qui demeure encore en nous discrètement et qui peut surgir, à la manière d'une étincelle, dans un poème, dans une musique, ou encore dans le langage familier de la nature. Cette voix surgit lorsque le monde se tait. Ce sont des murmures.

Nous mentons. Esclaves d'une vision du monde inventée de toute pièce, esclaves de la vision des autres, de ce qu'ils pensent de nous. Nous mentons lorsque nous n'allons pas là où veut aller le coeur. Lorsque nous faisons passer le silence là où il veut parler. Lorsque nous parlons pour masquer son silence.

 

 

 

 

 

 

J'étais ennuyé, je me disais
Que cela cachait quelque chose
Je regardais le rideau croyant y voir la scène dessus
Mais ce n'était pas la scène, ce n'était que le rideau
J'y voyais pourtant de la couleur
Un peu de rouge, c'est pour moi c'est sûr qu'il y a ce rouge
Une femme y marchait qui sautait parfois à l'horizontal
Par-dessus les plis
Elle m'aime c'est sûr
Je l'ai vu qui m'a regardé
Pas un seul jour...
Mais un matin juste avant la féerie
Le rideau s'est levé sans prévenir
Et la personne parti avec
J'ai vu la scène alors, qui est la réalité
J'ai vu ce que je n'aurais jamais dû voir
Mais que j'ai vu pourtant
La scène n'était qu'un grand miroir
Je m'y voyais moi dedans
Il est apparu en gros le titre étrange de la pièce
"Érotomanie"
Au-dessus de moi au plafond
Brillaient des milliers d'étoiles

 

 

 

Mardi 25 Février 2007, deux-heures quarante trois du mat

 

 

Enfance. Parmi quelques vieilles photos retrouvées.

 

 

Mardi 19 Février 2007, midi et trente-quatre minutes

 

Le Solitaire

 

Parfois, lorsque je cesse un instant de vivre au jour le jour et de survoler les heures, lorsque je cesse de ressasser le passé, je pense à mon avenir. C'est une chose à laquelle je songe rarement, qui ne m'est pas naturelle. Non pas que cette idée me fasse réellement peur, non. Je n'ai pas vraiment peur. Je suis plutôt tranquille, confiant. J'ai toujours eu cette confiance, même dans les périodes les plus tourmentées et les plus tristes de mon histoire, j'ai toujours eu au fond de moi une petite voix, la petite voix, abstraite mais claire, enfouie mais intelligible, fragile mais durable, familière... qui me disait, sans mot, uniquement par des souffles réconfortants, qu'il fallait avoir confiance. Qu'il fallait tenir le cap, et préserver le sourire intérieur, toujours. Lorsque je songe à mon avenir je ne pense pas nécessairement à la mort, je ne sais pas quand elle arrivera, demain ou dans 60 ans, elle arrivera le jour où elle devra arriver et je suis prêt déjà. Je ne pense pas à la mort mais je pense à ce que je deviendrai. Je me demande si des gens s'intéresseront à moi encore. Je me demande si je trouverai l'amour, ou bien si celui-ci restera toujours une sorte d'étrange lubie qui n'est pas faîte pour moi. Pas cette forme d'amour là en tout les cas. Peut-être est-ce une porte de sortie illusoire. Ce que j'aime, c'est la liberté et la vérité, j'aime le grand large, les grands paysages, les forêts. J'aime le sentiment de la liberté et l'émotion de la vérité. J'aime les paysages non pas pour fuir le monde, parce que je préfère les paysages à la civilisation, simplement.
Je suis à la recherche de ma vérité intérieure. À la recherche de cet être vivant en moi que la civilisation n'a pas totalement encore réduit en cendres. Je regarde mes amis, mes connaissances, les gens que j'ai croisé, que j'ai aimé ou que j'aime encore, et je vois distinctement, la vague les emporter dans le ressac, je les vois perdre quelque chose qui est eux-même, et qu'ils pouvaient laisser s'exprimer quand ils n'étaient pas loin de moi.
Toujours je dois prendre mes distances, je représentais à leurs yeux une vérité qu'ils ne voudraient pas toujours voir. Comme s'ils craignaient ce qu'il y a au fond des choses. Pas tous. Il y en a encore qui sont attachés encore et je les aime tellement pour cela. Il subsiste des gens qui ne m'ont pas totalement oublié. Certaines personnes me voient comme un être bizarre. D'autres, comme quelqu'un de très simple et ordinaire. Je crois que je suis les deux. Les tourbillons à la surface cachent la simplicité et le calme du fond marin. Les tourmentes de passage cachent un calme intérieur, une certitude, une confiance. Les histoires inventées cachent la vérité de ce que je suis.
L'existence chemine et je suis quelqu'un de solitaire. J'aime la solitude plus que tout. Pour y taire les bruits du monde. Comme je l'ai dit tellement de fois, je ne la crains pas, je la recherche. Parfois j'ai eu peur, parfois je ne pouvais plus, mais cela est passé. J'ai passé, et cela est récent, le cap qui m'a fait grandir. Cela se ressent partout. J'ai eu peur de mourir dans cette solitude. J'y ai vu le creuset de la mort. Maintenant, c'est tout l'inverse. Le cristal était dans la cendre. Le soleil était dans le noir de l'univers. J'ai traversé le voile de nuit la peur au ventre, perdu, croyant y laisser ma peau pour de vrai. La lunette du fusil du chasseur était fixée sur moi. Mais il n'a pas tiré. Je crois que le chasseur a souri et m'a laissé aller là où je voulais aller. Parce que je le méritais. Derrière le rideau j'ai découvert les signes qui mènent à ma vérité.
 
Je parle de moi, non pas par égocentrisme imbécile, mais pour raconter mon histoire, c'est tout.

 

 

 

Jeudi 7 Février 2008, sept heures douze du matin

 

Rédemption

 

 

On fait mine d'être heureux pour donner bonne figure. Dans un sursaut d'orgueil. Mais on est seul. On a rien. On est rien.
Je suis quelqu'un qui s'invente des histoires, qui se fait des films. Qui s'imagine avoir quelque chose d'intéressant à montrer, à dire. Qui s'imagine que d'autres le lisent. Que d'autres l'aiment. Mais voici que le voile se soulève. À la vérité, je suis juste quelqu'un de seul, de perdu. Quelqu'un qui vieillit. Qui s'invente une mission mystique, mystérieuse afin de, maladroitement, justifier comme il le peut une existence chancelante. Je suis quelqu'un qui a grandi dans les déserts et qui, ne se contentant pas de ces déserts, mais ne pouvant pas en sortir non plus, s'est inventé des oasis, des océans, des corps.
Et, sans nul doute, je continuerai comme ça de longues années, rêveur boiteux, éparpillant quelques mots sur la feuille, parfois sable scintillant, parfois cendre. Si j'écris, c'est pour être aimé. Du moins parfois, m'en offrir la douce et mortelle illusion. Ce que j'écris je le tire d'un autre monde. Je m'invente mes vies. J'existe à travers milles vies à la fois, mille contes, certains grandioses, d'autres cauchemardesques. Je ne suis pas complètement réel. Je n'ai presque plus de corps.
Ne sachant pas trop ce que je vaux, ce que je veux. Cherchant quelques joies ça et là, étant privé des plus habituelles, des plus communes, des plus universelles. Ayant pour seule compagne une solitude absolue et quelques pensées qui tournent en rond. Croisant quelques personnes les instants où je dois me nourrir. La vérité est que je vis en reclu. Voilà ce que je suis au fond. Voilà la vérité toute nue, avec un peu de pudeur tout de même, mais sans fard. La seule vérité qui vaille derrière les mots.
Personne ne s'inquiète. Personne même ne se pose la question. Et c'est très bien ainsi. Je ne demande rien à personne. Laissez-moi. J'ai demandé de l'attention déjà, voire de l'amour. Je n'ai rien connu de tout ça. Jamais. Oh bien sûr il y en aura toujours un pour dire "voilà qu'il nous fait le coup du mal aimé", sans savoir que c'est la simple réalité pourtant et que peut-être, eux-même ne seraient jamais en mesure de vivre la vie que je mène. Car je n'ai pas peur de la solitude comme d'autres, je l'aime aussi, cette solitude. Elle n'est, chez moi, jamais réellement pesante, ni négative. Je m'y trouve bien. Ce ne sera jamais la solitude qui me rendra malheureux. Ce sont les autres qui me rendent malheureux. J'ai la chance je crois, d'avoir un monde intérieur suffisamment riche pour pouvoir remplir ma solitude. Je ne connais pas l'ennui. Je pense trop pour m'ennuyer. Il y a trop de gens et de choses auxquels penser, auxquels réfléchir. Je me rends compte de la chance que j'ai d'être en vie et cela m'empêche de succomber à l'ennui. Les gens qui s'ennuient le sont lorsqu'ils ne trouvent plus, provisoirement, de moyens de diversion pour échapper à la pensée que tout finira. Les instants où ils ne trouvent plus de moyens de diversion sont des moments où ils se retrouvent face à eux-même, face à ce qu'ils sont. Et ça ils détestent. L'idée de la mort ne me dérange pas. Je dirais même que c'est tout le contraire. Je n'en parlerais pas maintenant, pas comme ça. Je l'ai déjà touchée et cela m'a donné une force intérieure. C'est elle qui fait que tout ça est beau autour de soi. Elle ne compte pas plus, pas moins que la vie. Elle est là tout autant. La mort, soeur noire et lumineuse de la vie.
J'avance dans l'existence comme dans un rêve confus. J'extrais parfois quelques pépites. Je ne suis pas dénué de talents. Mais ils sont voués au silence.
Je ne sais pas jouer le rôle de l'existence. Tout me brûle. Les jours qui passent sont des souffles d'oxygène qui viennent nourrir le feu de ma vie.
Je m'imagine parfois que d'autres pensent à moi. Que je compte, pour quelqu'un. Mais je ne compte pour personne. Je le sais, lorsque je suis lucide. On ne peut compter sur personne. Même celles que j'ai pensé ne jamais perdre finalement, s'en fichent pas mal. Mais elles ont raison, après tout. Qui se soucie ?
Tout finit dans le feu. Tout finit par se consumer un jour ou l'autre. On peut juste faire semblant d'être heureux, un peu, parfois.
Quant à moi je suis seul. Seul dans la réalité. Sans mentir. Seul face à ma vérité. Devant le miroir. Mais qui pourrais dire, je l'aime bien finalement. Cet égaré. Ce rêveur tour à tour contristé et exalté, complexe mais si simple, qui songe au paradis perdu qu'il n'a pourtant jamais vécu. Ce sauvage qui vit on ne sait pas trop comment, on ne sait pas trop dans quel monde étrange. Ce type qui a peur des femmes, peur du bonheur. Ce type touchant mais bizarre. Attirant mais douloureux. Fort, quelque part, mais si faible à la fois, si terriblement fragile. Je ne suis pas aveugle. Je me regarde, sans détourner les yeux. Je pose sur moi le regard que moi enfant, j'aurais pu poser sur le moi d'aujourd'hui. Je n'ai pas de honte, je n'ai pas de rancoeur. J'ai un peu de mécontentement, car je sais bien que je ne fais pas les choses comme je pourrais les faire. Je sais bien mes défauts, comme je sais à peu près bien mes qualités. Mais je sais aussi, tout au fond de mon coeur, jusque dans les dernières profondeurs de mes entrailles, je sais que j'ai été fidèle à ce que je suis, que j'ai toujours cette sensibilité qui m'anime. Même si j'ai trébuché, même si parfois peut-être, le funambule n'a pas tenu l'équilibre, même si parfois j'ai commis des erreurs. Elles n'ont jamais été graves. Elles n'ont jamais été méchantes. Je sais que j'ai toujours été ce que je suis, fidèle, gardant le cap. J'ai gardé ce cap qui est le mien, et qui ne sera pas compris facilement. Sous la couche épaisse des jours qui se suivent, je suis toujours là. Je suis seul, je suis triste, à moitié dans la tombe peut-être, fantôme tragique, au passé étrange, à l'avenir douteux. Mais je suis toujours là. Vivant, je suis vivant.

 

 

 

 

 

3 février. Anniversaire de mes 27 ans.

 

 

Quelqu'un aurait dit...
"ta langue ce poisson rouge dans le bocal de ta voix"
se cogne aux parois en émail de mes mots et contre tes dents, disant,
je ne suis pas poisson je ne suis pas poisson
Qui tourne en rond dans son bocal de vers
Je ne suis pas plus langue qui fait mine d'écrire
Que son de voix
Pas plus poisson qui fait mine d'éclore
Se tortillant dans son palais de vers
Que papier de soi
Quelqu'un aurait dit...
Je vois ma bouche se clore
Comme écriture sur papier de verre
Dans une eau de chlore
je ne suis pas poisson je ne suis pas poisson
Je ne suis pas plus langue que poisson rouge
Dans le son de ta voix

 

 

 

* "ta langue ce poisson rouge dans le bocal de ta voix" est une phrase de Paul Éluard

 

 

 

 

 

Chercher à découvrir ce qui se cache sous un anonyme, c'est comme écorcer une orange qui n'est pas encore tout à fait mûre, ou bien qui est mûre mais qui fait semblant de ne pas l'être. Une orange ne sert pas qu'à être mangée, elle peut tout aussi bien servir de modèle à la nature morte, peut servir au bruiteur qui enregistre le son de sa chute. Elle peut sertir de métaphore pour la terre tout aussi bien que pour la cellulite. Par ailleurs elle peut aussi (lorsqu'il ne s'agit pas d'une pomme) aider à découvrir la théorie newtonienne de la gravitation. Bref, lorsque vous rencontrez une orange, réfléchissez à tous les usages que vous pouvez en faire, au lieu de machinalement et précipitamment l'éplucher.

Si vous avez rien compris ce que j'ai écrit tant pis, moi même j'ai du mal à me comprendre.

 

 

Lundi 28 Janvier 2008. Mourir et renaître.

 

 

Souvent je fais table rase sans pour autant perdre les choses et les gens. Dans un geste positif, non pas dans le but de tout effacer pour repartir à zéro, mais seulement pour faire les choses différement avec ma vie. Renaître au monde. La vie est courte, les instants aussitôt nés se muent en souvenirs, les plus belles minutes sombrent doucement sous le poids des jours. il me prend l'envie parfois de retrouver les gens perdus, les gens que j'ai quitté pour des raisons que l'on explique pas, sinon par le fait qu'on se pense plus importants que nous ne le sommes, toujours. Voilà la clef, nous préférons si souvent le malheur et la solitude, plutôt que de "perdre la face" ou de paraître faible, fragile, ce fantasme idiot, voire dangereux, creuset de la véritable mort dans le coeur des gens, cadavre qu'ils portent en eux-même. Nous ne sommes tellement rien, nous sommes si peu, un cri à peine audible dans l'univers, la moitié d'un grain de sable au milieu des étoiles, nous ne sommes rien et pourtant. Tout ce que l'on a ce sont ces corps, ces voix, ces odeurs, ces sensations, ces atmosphères, les amis, les amours que l'on rencontre le long des jours. Il faut avoir du coeur. Il faut avoir du courage, toujours. Dans le doute, dans la souffrance, la douleur ou l'égarement, il faut tendre la main, il faut oser, il faut montrer ce que l'on ressent, ce que nous sommes. C'est tout. Je suis encore capable de cela, je le sais, j'ai gardé cette part de moi qui ne me fera jamais défaut, car c'est ce que je suis finalement, quelqu'un qui n'est pas grand-chose malgré tout mais qui ne perd pas espoir, quelqu'un qui ne veut pas perdre sa force. Je n'ai pas peur de la mort car je sais au fond de moi que j'ai mérité la mort et la mort, elle se mérite, voilà tout. J'ai encore des choses à dire, j'ai encore des choses à faire, des gens à rencontrer, des gens à illuminer, je suis là pour ça d'une certaine façon et grâce aux quelques talents que j'ai encore, je crois.
Une lumière aussi faible soit-elle dans l'obscurité, prend les proportions d'un soleil pour la nuée de papillons.
Je suis sans doute un clochard, un égaré, un rêveur inutile. Un type dont personne ne veut. C'est peut-être ça la lucidité, la vérité. Je le sais. Mais que m'importe ce que le nombre pense de moi, ou ignore de moi, si le seul regard qui compte à mes yeux est celui du ciel ? Que pense le ciel de moi, n'est-ce infiniment plus important, n'est-ce pas la seule question essentielle ?

Les regrets, les rancoeurs sont si minces, si fragiles, à côté du fait que nous ne sommes que des voyageurs éphémères, à côté du fait que le temps passe, que nous mourrons un jour et qu'il ne faut pas perdre les choses les rares choses précieuses que le ciel a posé dans nos mains. Il faut prier, il faut prier très fort. Pour que le sang glacé qui passe dans nos veines puisse se réchauffer à nouveau, pour que, comme toujours le soleil fasse acte de présence dans nos coeurs et dans nos esprits, pour ne pas nager seul dans une mer de douleurs, pour sortir un peu de l'anémie.

 

Mourir et renaître. Réoxygéner le sang, réapprovisionner l'espoir, redresser les soldats de plomb. Tirer le soleil très haut dans le ciel. Laissé le passé là où il est. Il n'est pas vain de partir à la poursuite du soleil, et ce n'est pas tant la destination finale qui est importante, mais le voyage.
Pour ne rien perdre. Pour être encore capable de s'émerveiller comme au premier jour. Pour être passionné plus encore qu'hier, plus encore à chaque minute. Peut-être jusqu'à la perdition, jusqu'à la brûlure, brûlure bienfaisante qui prouve par la douleur et par le bonheur que nous sommes en vie. Pour être capable encore d'extase par la simple pensée de la beauté de la vie, par le simple fait d'exister. Les larmes ne sont pas veines.

Voilà ma pensée, voilà comme je vis et comme je pense. Le temps d'un paradis ancien n'est pas révolu, il n'est pas plus passé que futur, pas plus échec que réussite. L'éternité finalement, nous précède. Et nous succède. Entre ces deux laps d'éternité, il y a nous, la poussière, l'élément fugitif et précieux dont nous sommes faits.

 

 

 

 

 

Qu'est-ce que le miracle, sinon un événement très ordinaire ?

 

Dimanche 20 Janvier 2008. Ma folie subsiste et avec elle, l'enchantement.

 

Je ne sais pourquoi, parfois, lorsque je suis dans mon lit et que je ne trouve pas le sommeil, me prend l'envie parfois de me lever, de coucher à nouveau quelques mots sur le papier, comme si je m'adressais aux amis qui me manquent, aux artistes que j'aime, aux écrivains, à ces absents qui peuplent mes pensées. Malgré l'heure, et malgré le fait que je devrai me lever demain matin pour aller travailler, et sous l'infatigable pression de l'heure qui écourte mes phrases, j'ai envie d'écrire quelques mots, d'écouter quelques chansons. De laisser venir en moi quelques pensées brûlantes qui me rappellent la passion.
J'ai toujours parfois ces moments d'élévations. Je n'ai pas, malgré mon silence en ce moment en écriture, perdu ce lien mystique.

Je vais bien. Je suis mieux dans ma vie. Je suis mieux entouré. Je m'en veux par contre d'écrire si peu souvent. J'ai parfois l'impression de me gâcher moi-même. Dans ces moments-là, lâchement, je repousse les choses dans le tiroir nommé "plus tard".

Jusqu'à ce qu'un beau jour le tiroir déborde, et que quelques feuilles retombent sur le présent...

 

 

Mes détresses, mes tristesses me manqueraient t-elles ?

 

 

 

Mais ce silence est aussi dû au fait qu'en ce moment, je n'ai pas de muse. J'ai toujours eu une personne en tête pour écrire, personne qui jouait à son insu le rôle de mon inspiratrice, que mon imagination modelait à sa guise, remplaçant les yeux par des étoiles, les cheveux par des coulées d'or.

Assez des formes volatiles, des pensées fluides sans corps et sans odeurs, des reflets sans sources, des mains sans visages et des voix sans figures.

Il faut que je sois amoureux. Les périodes où je ne suis pas amoureux de quelqu'un sont rares. Ce sont généralement des périodes heureuses. Mais je n'aime pas les périodes heureuses. Je préfère les tourmentées. Les créatrices. Les sombres même s'il le faut, les ténébreuses. J'aime le sang glacé et les idées de morts qui me manquent. Je suis trop bien, je suis trop heureux. Je suis dans un horrible confort. Ma tristesse inhérente me démange, la petite voix frémit son hiver au fond de moi. J'attends qu'une nouvelle muse vienne me réveiller de ma torpeur.

J'attends qu'un nouvel esprit vienne à la rencontre du mien. Je cherche, je trouve, pour montrer mon monde intérieur aux yeux qui sauraient me voir, aux oreilles qui sauraient écouter, un cœur qui me comprendrait. Toi qui me lis, me comprends-tu ? Crois-tu me connaître vraiment ? Penses-tu que je sois si simple à comprendre? Mon âme est en chasse. Mon coeur le réclame. Je suis mort et puis je suis revenu. Assez des amours éphémères, sans vrais sentiments, je veux une nouvelle longue et réelle passion, qui soit à la fois physique et intellectuelle. Passion qui puiserait au fond de moi, me pousserait dans mes retranchements et surtout, qui me ferait écrire, c'est à dire, vivre de nourritures qui ne soient pas seulement terrestres.

Oh je sais bien que ce ne sont pas des choses qui se commandent et que c'est bien prétentieux de ma part.
Pas forcément. Il y a quelque chose, quelqu'un, quelque part, qui m'écoute, je le sais, qui m'écoute et qui est prêt à exhausser mon voeu. Quel est le visage de cet esprit dont je suis à la recherche ? je l'ignore. Elle est quelque part, elle ne sait pas que j'existe sans doute. Je suis amoureux d'elle sans même la connaître.

Je sais que je ne suis pas un homme beau comme d'autres le sont. Pourtant il existe en moi un autre stade de l'amour, plus élevé, réservé à quelques rares esprits que je sens dignes, ces esprits là seuls, je suis enclin à leur ouvrir la porte qui mène à ma demeure intérieure, aux jardins luxuriants de mon âme, à l'océan de tous mes rêves. A ces esprits là seulement je suis enclin à ne pas mentir, à montrer ce que je suis. Ces âmes là je suis prêt à les découvrir, à les ouvrir, à réveiller la poésie en elles, à les révèler à elle-même.

Ces esprits n'ont pas peur de l'émotion. Pas plus que de la passion. Ils n'ont pas peur d'aimer et d'être aimés en vrai et sans tricherie. Ce sont des âmes courageuses qui savent que nous n'avons qu'une seule vie et qu'il faut y faire émerger toute la grâce.

Les autres ne verront que la surface et ne comprendront jamais. Et se cantonneront à regarder leur petit moi se desceller.

Il y a tout l'amour que j'ai crée avec ma poésie et qui demeure en moi. A la fois tigre et papillon prêt à bondir, prêt à brûler ses ailes ou passer sans bruit, discrètement comme un feu sacré scintillant dans une nuit sans limite.

Cet esprit et surtout, ce corps, voudra t-il avec moi fuir l'horrible conformité de ce monde, rêver à d'autres possibilités, s'ouvrir à d'autres paysages comme à d'autres manières d'appréhender et de sentir l'univers, à travers ses couleurs multipliées, ses parfums, ses détresses, ses luxuriances. Non, je ne suis pas mort encore, je n'ai pas dit mon dernier mot, je ne suis pas devenu tout à fait insipide et plat. Ma folie subsiste et avec elle, l'enchantement. Mes obsessions maladives, mes fantasmes résonnent toujours heureusement. Je me sens plus poète qu'avant. Je me sens plus créatif, plus large. Tout cela prouve que j'avais raison. J'avais raison sur toute la ligne, depuis le début. Je suis au contraire bien vivant et plus fort maintenant. Je respire et mon coeur, aussi glacé soit-il, frémit toujours à la pensée qu'une flamme prochaine viendra le ranimer. Je suis libre, plus libre qu'avant.

Es-tu idole ? Es-tu divinité ? Oui, sans doute, tout mon amour est-il dirigé vers toi à travers ce corps, à travers cette peau ? Idole, divinité que j'admire, n'es-tu pas dans les cheveux, sous les ongles, dans les dents, dans les muscles, dans la voix d'une femme à fois triste et belle ? n'es-tu pas ici, origine du Monde ?

 

Quand mon cœur enfin se sentira t-il aimé ? Quand viendra ce jour ? Jamais peut-être, si le ciel le décide ainsi. Je chéris cette pensée de toute mon âme, je la remplis de tous mes pleurs, de toutes mes inquiétudes, de toutes mes espérances autrefois détruites, aujourd'hui renaissantes. Et je prie en continue, derrière les journées qui se suivent, les semaines, le temps immense qui me tire lentement vers la fin du voyage et l'éternité, je chéris cette pensée amoureuse sans limite d'un bonheur qui soit à la fois la beauté et l'amour, l'atténuation du chagrin, le lever du soleil. Je serai aimé pour ce que je suis.


Je te garde en moi, trésor, le temps que tu viennes au monde. Je pense à toi, esprit que j'aime et qui existe, coeur en attente de paradis. J'attends de te rencontrer, et quand je te verrai je te reconnaîtrai car je reprendrai vie.

 

Demain verra naître un jour nouveau.

 

 

 

Lorsque l'on sent que des mots résonnent en nous comme s'ils nous étaient adressés, alors, c'est qu'ils le sont.

 

 

Dimanche 06 Janvier 2007

 

Certains soirs, alors que tout semble aller pour le mieux, un obscur chagrin monte au-dedans de moi, je pense à des gens que je ne côtoie plus, je pense aux amis que j'ai maintenant, aux autres amis que je n'ai plus, ou qui sont loins. Il y en a certains que j'aimerais revoir, d'autres qui sont devenus trop différents de moi. D'autres encore, que je n'oserai pas recontacter. Ce chagrin, aussi triste soit-il, je l'aime car quelque part, il me rappelle que je suis vivant. C'est malheureux à dire mais c'est dans le puits de la tristesse que l'on puise parfois les émotions les plus profondes, les plus puissantes. À la manière de la lumière qui passe dans l'obscurité, mes plus belles émotions sont issues de ce puits là.

 


J'ai du mal à dire ce que j'ai envie de dire. J'ai l'émotion mais je n'ai pas le rythme d'écriture, je suis comme endolori. Comme si la muse était gêlée quelque part en hiver, dehors, ou dans un glacier en altitude, dans une caverne, que sais-je, loin du feu en tous les cas, et loin de moi. Je ne sais pas, en fait, si je suis bien ou non, je suis dans une sorte d'état abstrait, un peu en-dehors du monde. Comme j'aime. Je crois que j'ai simplement envie de pleurer.
Je crois que je me suis perdu moi même sur le chemin, j'ai continué d'avancer dans la vie comme une ombre. Il est sans doute trop tard pour que je puisse me retrouver, pour que je redresse ma vie sur ses deux pieds. Mais ce que je peux faire par contre, c'est une tendre une main vers la nuit, vers l'inconnu, vers le rien peut-être, mais c'est le geste qui compte, n'est-ce pas ?

 

 

 

Je suis un mort qui rêve la vie.

 

 

 

Jeudi 13 Décembre 2007. Trois heures du matin et cinquante-huit minutes.

 

 

Redemption Song

 

J'étais dans le métro, compressé par la foule comme à l'habitude, près de la porte, la main agrippée à la barre de métal, plongé dans mes pensées incessantes, essayant du mieux que je le pouvais de montrer une assurance, une tenue, un calme apparent, qui cacherait la détresse sommes toutes normale, conséquente au fait de me trouver à ce moment présent dans un lieu de mort, en compagnie des gens qui paraissent si malheureux, si déprimés, si silencieux. Comme dans le tronçon de la mort qui mènerait vers les profondeurs de l'enfer, les personnes indifférentes ne bougent pas, attendent avec le voile secret et moribond de l'absence de vie posé sur les yeux et les visages, quand au contraire elles ne courent pas, on ne sait pour quelles raisons, lorsque l'alarme retentit, se précipitent entre les portes sur le point de se refermer. Vers quoi courent-elles ? par quoi sont-elles poursuivies ces personnes pressées ? J'étais donc comprimé mais près de la porte quand l'alarme stridente sonnait le départ du tronçon de la mort, je regardais vers le sol, assailli par le poids perpétuel de réflexions qui, le plus souvent, me rappellent que je suis triste lorsqu'elles font surgir des pensées trop joyeuses, et me rappellent que je suis triste lorsqu'elles font surgir des pensées tristes. J'aperçu vaguement un manche de guitare devant moi qui ne me fit pas immédiatement réagir, quand une voix se souleva soudainement de la nuit qui semblait m'être adressée " Reculez un peu s'il vous plaît, à moins que vous vouliez chanter en duo avec moi ?". Il souriait et je répondis à son sourire par un autre sourire en correspondance. Cette phrase m'avait fait rire, me toucha.
- "Oh mais moi je ne sais vraiment pas chanter vous savez
- Mais si, tout le monde peut chanter"
Pas besoin de chercher à masquer ma timidité par une assurance d'apparat, je ne su pas répondre. Il savait bien que je ne chanterais pas, ne serait-ce déjà pour la bonne et simple raison que je ne connais sans doute pas les paroles de ses chansons. Je n'allais pas me répandre en mots mièvres, en superficialités, je crois que quelque chose passait par les airs et qui était plus rempli de sens que les mots. Il compris que j'étais triste et que j'avais juste envie de l'écouter chanter.
- " Une prochaine fois alors " dit-il à nouveau avec le sourire de celui qui trouva enfin ce qu'il cherchait intérieurement, à savoir un regard expressif, quelqu'un avec de la vie à l'intérieur, qui ne le prendrait pas uniquement pour un mendiant de plus, un tapageur, un parasite qui vient déranger tous les passagers confortablement assis dans le train de l'enfer, enfer de leur solitude, de renfermement sur eux-mêmes et de froideur mécanique. Quelqu'un qui écouterait sa chanson.
Comme deux compagnons qui se croisent, deux crépitements de vie qui se rencontrent là où la mort semble avoir conforté son empire. Deux hommes qui cherchent, tout simplement, la vie, la présence dans le regard.
Je lui répondit "Oui, une prochaine fois, pourquoi pas", bien sûr cela ne voulait rien dire, c'était une plaisanterie, il n'y aura pas de prochaine fois. Mais c'est l'émotion qui comptait, et qui résonnait en moi comme un écho dans un vase de cristal, et qui prenait la couleur de l'avenir, de l'espoir, de la gentillesse, de la fraternité.

Quelque chose me disait en mon for intérieur que la chanson qu'il allait entonner, je la connaissais déjà, qu'elle me touchait déjà. C'était inévitable. Quelque chose me disait qu'il allait commencer la chanson exacte que j'avais besoin d'entendre. À ce moment les couleurs ternes et la saleté du train avaient déjà passé, l'atmosphère était emplie d'autre chose, d'une autre émotion qui n'était pas le rengaine béate d'une nostalgie chagrine, d'une douleur sourde. Ce serait plutôt le feu sacré d'un espoir qui commencerait à paraître au fond de la nuit et qui aurait pour nom Rédemption. Les fenêtres crasseuses de tous ces doigts, grasses de tous ces fronts, l'air saturé de bruits, de poussières, les tags, toutes ces personnes habillées de manière semblable, des mines ternes, ces gens côte à côte mais seuls, tout cela semblait se modifier, prendre de la couleur comme si, même dans un cimetière survivaient quelques merles chanteurs, quelques arbres bourgeonnants pour renouveler l'air, pour accueillir le vent et les levers du jour, comme si la tristesse n'était finalement pas la seule maîtresse en ce lieu et que près d'elle, dans l'ombre peut-être, cachée, subsistait et chuchotait l'étincelle, prête à ranimer la danse de la vie.

 

Peut-être que mes yeux ne voyaient que ce qu'ils voulaient voir. Peut-être ce lieu que je voyais morne un instant auparavant, était un lieu triste peut-être mais un lieu qui pouvait aussi être potentiellement beau à travers les contrastes qu'il contenait. Peut-être ne voyais-je que la tristesse de ce lieu, car j'étais triste en moi-même.

Un seul soleil est suffisant pour soulever le jour, comme une main est suffisante pour consoler, comme un sourire est suffisant pour transmettre un esprit fraternel. De la même manière un seul poète est suffisant pour faire d'un lieu morne et expirant un lieu étoilé, frissonnant d'émotions. Il chanta de toute son âme, il mis tout son coeur. Le contraste avec l'environnement se fit si émouvant, l'absurdité apparente de la situation, dans ce lieu où toute émotion paraissait impossible, tout ce contraste, ces contraires qui entraient en collision multipliaient l'exaltation. Son chant de liberté résonnait comme un cri d'espoir poussé par une voix au milieu de cette foule qui hurle silencieusement sa douleur, sa frayeur d'exister ici et maintenant. C'était si tragique, si inutile, si dérisoire. Mais si beau.

Ne suis-je donc pas tout à fait mort ?

Dans ces moments là on se souvient qu'il existe des gens biens. Je repense à cette chanson qu'il avait décidé de chanter pour moi (peut-être est-ce incroyablement orgueilleux de dire cela, pourtant, je sais que c'est vrai), "Redemption Song" de Bob Marley. Ces émanations de ma jeunesse sont remontées pour atteindre les parts sensibles du souvenir. Je me suis tout à coup souvenu d'un tas de choses, d'un tas de moments qui sont venus en moi comme des bobines de film abandonnées quelque part dans le grenier poussiéreux de la mémoire et qu'on retrouve, un jour heureux pendant lequel l'envie nous est soudainement venue de partir explorer notre bienheureux passé. Des boîtes de films avec des étiquettes collées dessus, sur lesquelles on peut lire "Souviens-toi de la liberté, et du bonheur, ce ne sont pas de vains mots", joie, joie qui semble surgir du passé ressuscite, échos d'une ancienne existence emplie de musiques et de rires, maintenant boiteuse, brouillée, mouillée, noire. Je me suis senti bien, je me suis senti plein d'allégresse de de chaleur humaine tout à coup, recevant le don d'une chanson. Qui peut s'attendre, dans un lieu comme le métro qui ressemble, malgré tout, plus à l'enfer qu'au paradis, dans un lieu mort, qui peut s'attendre à tomber tout d'un coup sur une pierre précieuse ?

 

J'étais peut-être le seul dans la rame du métro, mais j'ai ressenti sa chanson. Pour cela, rien que pour cela, elle n'a pas été perdue. Elle n'a pas été chantée en vain.

Peut-être a t-il deviné très vite cette envie au fond de moi. Cette flamme de vie prête à embraser. Lorsque je sors je cherche la vie dans les gens. Je vis dans un monde mort. Qu'il soit noir et mendiant, quelle importance ? Ne sommes-nous pas, chacun de nous, des voyageurs éphémères ? Il a vu dans mes yeux qu'il n'y avait pas de mépris, pas de gêne qui ne soit la timidité, qu'il y avait une reconnaissance pour ce musicien. En sortant du métro je me suis dit que lui et moi nous n'avions pas perdu notre journée. Je ne lui ai pas donné de sous, c'est vrai, mais je lui ai peut-être donné bien plus. Lui donner des sous, à ce moment-là, aurait été comme une impiété à mes yeux, changer une chose immatérielle, valable, en quelque chose de matériel et de vulgaire. Bien sûr, il avait besoin d'argent pour vivre. Mais le vent de liberté qui avait soufflé à ce moment-là en moi me donnait l'envie de brûler tout ce qui ressemblait à l'argent, à la consommation, aux bruits du métro, et d'aller courir, libre, vers un bonheur supérieur, simple et fraternel.

De même il m'a donné bien plus qu'une simple chanson criée au fond d'une rame de métro remplie de bruits froids, mécaniques et de yeux vides. Lorsque j'atteins ma destination et que je m'apprête à sortir il remarque aussitôt que je m'en vais, cesse sa chanson pour me lancer un au-revoir rempli de joie, teinté de reconnaissance.

J'avais envie simplement de dire "merci", mais les mots tels quels ne sont pas sorti. Mais le sentiment est passé tout de même, je le sais, quand je lui ai répondu de même, un "au-revoir" qui n'était pas mécanique, mais sincère, présent.

Désormais, toute ma vie, à chaque fois que j'entendrai cette chanson je repenserai à lui, à ses mots, à son geste. Si simples, si courts. À son sourire. Voilà ce que peut être un sourire, il ne sert à rien, il est pourtant capable de tout. Il peut tout contenir. S'il touche au moment propice, comme s'il était béni des dieux, tombe par magie au centre exact du coeur, il est capable de chasser les nuages. Trois stations de métro seulement. Quelques petits mots. Pour ces quelques minutes qui passeraient inaperçues pour nombre de gens, mais qui en moi pourtant resteront toujours.

Quel était son visage ? Les détails commencent à s'effacer déjà mais qu'importe, car j'emporte avec moi l'essence.

Je suis moi-même un mendiant qui entonne des chansons de liberté au creux de l'enfer. Je suis lui.

Ce sont ces moments là tressés tout au long d'une vie et qui chantent, lesquels réunis tous ensemble en une même chanson, en une même mélodie la joie simple de vivre, de rencontrer pendant le voyage quelques compagnons, que la vie vaut le coup finalement rien que pour ces petites choses. C'est tellement banal de dire ça, cela a été répété tant de fois même dans les plus mièvres histoires et films, mais c'est pourtant si vrai quelque part, si universel, quand la poussière a sombré, quand le sable du temps est passé entre nos doigts il nous reste dans les mains ces pépites, ces pierres précieuses infiniment colorées, seules capables de refléter les rayons sains et clairs d'un soleil fraternel. Le véritable bonheur jamais n'a lieu seul. Il ne peut être que partagé.

Merci.

 

 

 

 

 

 

Mardi 04 Décembre 2007, cinq heures cinquante-cinq du matin.

 

 

À cinq heures du matin.

 

Parfois il m'arrive de m'arrêter un moment dans ma vie, d'effectuer un pas de côté en-dehors de la route, comme si je laissais passer les voitures avec les passants, tous ces gens, comme si je laissais passer le temps... Je cesse un moment de vouloir et d'avancer aveuglément le long de mon existence chaotique. Je prends un immense recul, vraiment immense... On pourra me reprocher beaucoup de choses, mais pas de ne pas savoir prendre du recul sur les gens, sur moi, la vie, le monde...

Ne sommes-nous pas, chacun de nous, des somnambules qui avançons à tâtons dans le noir ? Qui peut affirmer, je sais qui je suis, je sais où je vais ? Étrange existence humaine, étrange voyage terrestre, issu de l'infini, s'évanouissant vers l'infini, avec ce laps entre les deux qu'on appelle la vie. Venue de nulle part n'ayant, semble t-il, aucun but distinct. Je m'écarte, je regarde le monde et je vois des gens perdus (les autres faisais mine de ne pas l'être, apprennent très bien à le faire... Comment ne pas se sentir perdu, égaré, noyé sous ce flot de mystères ?), chacun menant sa petite vie qu'il justifie comme il le peut avant d'un jour, retourner finir sa nuit sous un marbre. Mon Dieu, aidez-moi... Les gens me paraissent si vides, si loins d'eux-mêmes. Si dénués de vitalité au fond, si uniformisés. Suis-je envoûté par un maléfice ? Je me sens tellement incompris par chacun, je me sens si différent. Il me semble que je me pose des questions que d'autres ne se posent pas mais qui, à mes yeux, prennent une importance absolument primordiale. Cette époque est misérable. Cette époque est morte. Est-ce le reflet de ma propre déchéance, est-ce moi ce visage moribond, cet odeur de renfermé que je respire partout, dans les rues, jusque chez moi, jusque sous mes draps ?

Je n'ai pas réfléchi depuis si longtemps. Je n'ai pas ressenti la poésie depuis si longtemps... J'ai peine à me relire, tant j'ai du mal à y ressentir ce que je veux y ressentir, cette émotion. Émotion humaine...

Je cherche une porte de sortie. Je cherche une main secourable. Mais nous venons seuls. Nous partons seuls. Me restent ces pages à gribouiller comme des milliers d'autres écrivailleurs sur internet. Non, je ne suis pas comme ce millier d'autres. Il subsiste toujours, au fond de moi, cette étincelle, cette flamme fragilisée, affaiblie à peine suffisamment vive, peut-être, pour empêcher mon coeur de se changer en un morceau de glace... Il existe toujours cet élément qui fait que je ne suis pas exactement comme les autres.
Je m'arrête alors un instant, je regarde les voitures passer, les gens mener leur petite vie. Les gens me semblent courageux. Ils me semblent parfois joyeux, je ne sais pas. Il me semble toujours que la vie est ailleurs. Bien sûr, les poètes le devinent bien, elle est ailleurs. Castaneda en a parlé dans un livre mieux que je ne saurais le faire... La raison nous a fabriqué notre réalité, nous tenons à elle plus qu'à notre propre vie à notre insu. Nous avons rompu le lien avec les esprits, la grâce, pour uniformiser le globe sous un matérialisme abrutissant. Les gens petits à petit deviennent vides, creux, globaux, idems, conformes chacun dans leur coin, seuls, de plus en plus seuls dans une société qui fait mine de fabriquer leur bonheur. Qui peut me comprendre ? Les écrans diminuent nos intelligence, abrutissent, nous font oublier. Toute la société occidentale ne tend vers qu'une seule et même chose : nous faire oublier, nous divertir. Divertir, c'est à dire : faire diversion. Mais oublier quoi ? La mort ? Non, je ne crois pas... pas seulement... je crois que c'est même au-delà de ça...
Le travail, les loisirs, tous ces termes horribles...

A t-on encore le droit de parler comme ça ? Ou, sitôt que des idées comme celles-là sont posées sur la table, faut-il toujours les tourner en dérision ou, blasés, se dire que c'est comme ça, tant pis, peut-être que c'est vrai oui... Mais en attendant faut que j'aille faire mes courses...

L'homme a perdu ses croyances, il a perdu l'idée de la mort. Par là même il a oublié la grâce, le sublime, pour le changer en la monotonie, l'hypnotisme environnant. Il n'y a plus de penseurs ou, du moins, ils sont comme effacés, mis sur le côté, absents des médias.
Dans cet environnement ne sont produits que des débiles en masses. Il ne reste que des pantins désarticulés. Qui pourrait me comprendre ? Sans doute lirez-vous ces quelques mots en vous disant, encore un illuminé, automatiquement, votre raison ira ranger ces idées dans le tiroir nommé fantasmagories, aux oubliettes, et vous irez courir les corps et ses images dans les rues, derrière les écrans, vous entendrez votre portable sonner et vous ramener à la vie concrète et bien réelle, entraînés dans ce grand manège hypnotique qu'on appelle le quotidien (ce grand vide), l'habitude, vous irez dans votre vie continuer encore votre route matérielle, chaque jour nouant quelques noeuds, et toute votre voix intérieure, celle qui vous parle et vous réveille parfois au milieu de la nuit pendant votre sommeil, alors que vous étiez en plein rêve, cette voix vous dira " Que suis-je devenu ? ". Et vous refermerez sur-le-champ cette résonnance maudite, cette boîte de pandore, cette voix de malheur comme sortie tout droit des enfers, cette voix qui est vous-même, vous enfant, vous espérant, vous rêvant, vous pleurant, vous agissant. Vous sincère. Vous vivant. Vous rangerez cette voix dans un tiroir profondément enfoui, dans le caveau que vous portez en vous, et vous retournerez dans ce que vous appelez la vie, mais qui n'en est que l'insipide imitation.

 

 

 

 

 



Peuples disparus...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ne pas avoir peur des émotions. Voilà la clef...

 

 

 

 

La nuit je m'évapore

 

 

La nuit je tends l'élastique
Je rompt avec le monde
Détachant lune mystique
Sa vaste maison ronde
D'un bord à l'autre demeure

Je prends et puis je meurs
Vent, soleil, et voie lactée
Le tout dans mon beau meublé
Grand reflux de la marée
Maître saule pleureur
Oiseau noir oiseau blessé
Larmes, comptines tressées
Je suis l'étrange dormeur

 

 

 

 

Samedi 24 Novembre 2007, vingt-deux heures quarante-quatre

 

Je suis si mal que je ne peux plus vivre. Je ne comprends pas pourquoi ces choses écrites noires sur blanc ou montrées par des signes clairs ne provoquent aucune réaction, aucun geste, aucun remous même léger. Les autres posent-ils un regard aveugle sur mes mots et mes gestes ? Suis-je transparent ? Je crois qu'ils sont à des milliers d'années-lumières d'imaginer même le centième de ce qu'il se passe au-dedans de moi. Bien sûr, je le cache comme je le peux en existant seul, en coupant tout rapport avec tout le monde, je le cache, par pudeur, mais je laisse des signes, pourtant. Mais toujours, ils ne me voient pas, ou me mettent de côté. Je partirai sans rien dire et sans rien laisser comme je l'ai fait pour mon travail, comme je l'ai fait plusieurs fois dans ma vie. Moi seul sais que j'en suis complètement capable de façon lucide, réfléchie, calme. Je laisse des signes mais vient toujours un moment où le pas est franchi, sans que j'attende qu'ils aient enfin compris. Je laisserai parce qu'il doit en être ainsi ces gens qui n'ont rien compris à ce que je suis, qui n'ont pas voulu me voir ni me connaître, je laisserai bientôt et sans regrets cette époque sans âme, ce monde surpeuplé et pourtant, dénué d'humanité. Cette vie qui est la mienne et qu'au fond je n'aime pas.
Après tout ce que j'ai subi, il ne faudra pas s'étonner...

 

 

 

Vendredi 23 Novembre 2007, seize heures cinquante

 


Joseph Wright of Derby (1734-1797) La veuve d'un chef indien regardant les armes de son époux décédé, 1785

 

 

Je suis parti soudainement de mon boulot avant-hier, très soudainement je le sais bien. Mais cela me trottait dans la tête depuis trop longtemps. J'avais la tête infiniment trop pleine, je ne sais pas si je suis fait pour travailler à plein temps avec quelqu'un, j'ai trop d'activités personnelles que je ne peux pas mettre de côté.
Ce qui me fait de la peine à vrai dire, c'est le coup de fil que j'ai passé à Alexis hier. Il a vraiment paru perdu, triste, dégoûté. Bien sûr il m'a répété de nombreuses fois que j'avais eu raison... Et que j'avais été vraiment courageux. Mais lorsqu'il m'a dit que je manquais trop, que Yi était effondrée, pourtant elle a tout fait pour que je me barre... Je pense qu'elle ne s'y attendait pas vraiment. J'ai rendu mon tablier comme ça, d'un coup. J'ai dit hop, et je me suis barré. Je me surprends parfois moi-même. Mais alexis a dit lui-même que je manquais déjà horriblement et je ne serais pas facile à remplacer.
Je ne pensais pas. Je ne pensais pas manquer autant... vraiment. Je ne me rends jamais compte que les gens tiennent à moi, je suis toujours persuadé du contraire, jusqu'à ce qu'ils me le disent.
Les thés que je préparais quotidiennement vont lui manquer m'a t-il dit, nos journées à écouter amy winehouse, notre solidarité aussi. C'est vraiment un chic type, un type vraiment bien... C'est donc ce qui me touche le plus, de savoir qu'il se retrouve seul au bureau, et de le sentir aussi profondément triste.

 

 

 

 

Mercredi 21 Novembre 2007, dix-huit heures

 

 

 

 

Rien à faire, j'écoute Amy Winehouse en boucle, je crois que je suis tombé amoureux d'elle :p Celà fait tellement de bien de découvrir une chanteuse "vraie", c'est à dire pas une de toutes ces connasses (ou de tous ces cons au masculin) clonées les unes entres elles qui chantent du surgelé. Non, bien sûr, elle est sans cesse bourrée sur scène, elle chante souvent n'importe quoi, elle articule pas, elle a des tatouages, une crinière sauvage ( :D ), il lui manque même une dent.... Mais c'est justement ça qui est génial. Elle ne cherche pas à se montrer sous son meilleur jour, elle ne joue pas tout sur la beauté plastique. Elle veut seulement être elle-même, telle quelle. Elle met son âme dans ce qu'elle fait, elle ne cache pas ses défauts, ses faiblesses, dans un mélange de force de caractère et de fêlure, de fragilité. Et bien justement, c'est pour tout cela que je l'aime et que pour moi elle est à des années-lumières de la merde qui se fait généralement aujourd'hui dans la musique. Ce sont des gens comme ça que j'aime, des gens passionnées, des gens authentiques. Des gens qui ne mentent pas. Des chanteuses comme ça, cela existe encore ! Cela donne du beaume au coeur. Et bien Amy, je la trouve sublime, et je ne dis pas ça souvent...

 

 

 

 

J'ai découvert récemment une chanteuse magnifique du nom de Amy Winehouse. Quelle découverte ! Ces chansons sont ruisselantes d'émotions... Son album back to black est brillant. Et surtout, et c'est qui me touche toujours, elle a une âme... .Et ça se sent.

 

Amy Winehouse - Back to Black

He left no time to regret
Kept his dick wet
With his same old safe bet
Me and my head high
And my tears dry
Get on without my guy
You went back to what you knew
So far removed from all that we went through
And I tread a troubled track
My odds are stacked
I'll go back to black

We only said good-bye with words
I died a hundred times
You go back to her
And I go back to.....

I go back to us

I love you much
It's not enough
You love blow and I love puff
And life is like a pipe
And I'm a tiny penny rolling up the walls inside

We only said goodbye with words
I died a hundred times
You go back to her
And I go back to

We only said good-bye with words
I died a hundred times
You go back to her
And I go back to

Black, black, black, black, black, black, black,
I go back to
I go back to

We only said good-bye with words
I died a hundred times
You go back to her
And I go back to

We only said good-bye with words
I died a hundred times
You go back to her
And I go back to black

 

 

 

 

 

 

 

Dimanche 04 Novembre 2007, dix-sept heures et quarante-trois minutes

 

 

J'aimerais recommencer les choses différemment. Demain j'arracherai les affiches dans ma chambre. Je changerai les lampes de place. Je visserai des ampoules rouges et bleues. J'achèterai une taie d'oreiller colorée. Je changerai les rideaux. Je mettrai la musique plus fort. Tant pis pour les voisins... Je ferai entrer un peu de lumière dans tout ça, je laisserai le passé là où il est. Avec toutes les erreurs.

 

 

 

J'aimerais tant qu'elle ouvre les yeux. Qu'elle me voit.