J'HABITE UN FASCICULE

 

 


Quant à l'élan dans les veines chaque nuit tambourinait plus fortement les secondes je les savais fortes au fond de mon coeur, je les gardais bien au chaud je ne perdais pas de temps je divaguais loin des choses et des gens et les heures me donnaient raison je n'avais pas à chercher bien loin les voeux que je formulais à voix basse parfois, je me disais mon dieu je me disais non, si la pluie est tombée hier ce n'était pas un hasard les choses se coordonnent précises comme les mouvements circulaires des aiguilles et le va et vient des flots des tristesses et des féeries le manège était beau il était fait pour durer je l'avais construit mon château de sable sec, auprès de quelques élégants oiseaux. Je regardais les scènes de la vie les discussions les passants quand je rencontrais cette fille un peu perdue je lui ai dit peut-être avez vous besoin d'un peu d'aide peut-être je me disais aurait-elle besoin de mon aide, j'aurais sans doutes quelques petites choses à lui donner qui pourrait lui être utile je fouillais alors dans mes poches elles étaient pleines de choses qui avaient de la valeur pour moi des petits papiers avec quelques mots griffonnés ça et là, quelques additions de restaurants des lendemains de fêtes et des envies d'aller au cinéma. Je me disais sans doute aura t-elle besoin de moi pour devenir sans doute est-elle malheureuse elle ne sait pas tout simplement elle ne regarde pas au bon endroit la vie ce n'était pas uniquement le générique de fin c'était aussi la scène du baiser, l'invention de la couleur et les silences entre les lignes, je lui disais doucement je lui chuchotais que nous allions mourir un jour mais que d'ici là il allait se passer quelque chose de beau peut-être les jours et les nuits ne sont pas sans magie malgré ce qu'on en dit souvent il suffit parfois qu'un poète raté comme moi lui dise quelques mots il reste des minutes encore qui vaudront la peine, je le dis en connaissance de cause l'univers n'est pas silhouette au fond de sa bouche je lui disais il faut être vivant encore au moins quelques instants encore avant qu'une autre saison ne commence, ces moments sont faits pour durer se brisent en fin de compte toujours le conte pour enfants auquel il manque une page qu'on a jeté au feu intentionnellement comme pour imprimer le soleil à jamais dans le coeur et l'amour heureux en bout de course toujours après être revenu à la charge la féerie souffle la fin de la fête parmi jours qui se suivent lorsque les mots que je disais passaient sur elle maintenant comme un air ordinaire celui des premiers jours ou l'or des minutes je continuais alors à fabriquer du mirage avec mes mains pour en faire une maison de paille où se retrouver nu les soirs d'hiver a peu d'importance. Je disais ces mots ce qu'il fallait c'était la réalité des choses et des êtres et la fin de la pièce déjà, le jour tournait court je le savais bien je ne savais rien faire d'autre je marchais je marchais loin sans doute le téléphone a t-il sonné le temps a passé plus vite me rapprochant de l'apparence du monde à ce moment-là je n'étais déjà plus qu'un fantôme une illusion dans un coin de la mémoire, un élan comme pour combler la solitude un espace vide au-dedans du coeur un cimetière à poèmes une trace mais j'étais déterminé je me disais le temps me donnera ma chance j'ai inventé quelque chose je ne suis pas encore tout à fait obsolète je déposais alors quelques pensées dénuées comme un millier de ballons vers le ciel sans préciser l'heure et le jour pour ne pas flétrir le filigrane et la frêle opacité de mes mots je laissais libre cours à l'enchantement tandis que déjà un autre manège plus grand et plus rapide avait pris le dessus des pensées plus vivantes qui n'avaient pas de nom encore je n'étais donc qu'une mémoire je me tenais debout entre deux incendies quand la nuit me surpris un autre instant sans le vouloir j'étais passé aux environs de son corps et lui disant bonjour, je crois que je vous aime.

 

 

 

 

 

Septembre 2008