INTRODUCTION AU SOLEIL SUPPLÉMENTAIRE

 

 

Mes écrits ne mènent pas vers mon nombril. Ils tentent, du moins j'essaye de leur faire prendre ce chemin, de se rapprocher un tant soit peu de ce qu'est, ou crois être, la nature humaine. Et celle-ci me passionne, c'est un territoire infini, encore méconnu. Chaque marche passée laisse apparaître une infinité de possibilités. Chaque découverte donne lieu à une nouvelle émotion qui en laisse présager bien d'autres.
Si l'homme a exploré la quasi totalité de la planète désormais, si les satellites ont cartographié le moindre centimètre carré de la terre il reste un territoire encore méconnu, malgré tous les génies, nous n'avons de lui qu'une vague idée, à peine commencé à en discerner les premières profondeurs. Pour connaître un peu mieux cette nature humaine, le premier outil à portée, c'est soi, il faudrait pourtant s'en passer ?
Je ne connaîtrais jamais les autres tant que je n'aurais pas compris au moins en partie ce que je suis.
Pourtant, vient un moment dans la réflexion où l'on se trouve brusquement devant une limite, cet instant où on finit par se figurer que l'homme est profondément incompréhensible, dénué de lois solides en son coeur, hors de toute rationalisation.
Je pourrais comparer cette idée au "mur de planck" en astrophysique, cette frontière au-delà de laquelle le temps n'existe pas, de même que l'espace. Ce n'est pas non plus le néant. C'est un "événement" qui n'a ni principes ni lois, hors de notre portée.
Cet instant est situé au moment du big bang qui annonce l'univers.
En remontant loin dans la nature humaine (qui n'est pas autre chose qu'un univers à mes yeux) on finit par se retrouver devant une limite semblable je crois. Au-delà de cette limite nous sommes hors de toute raison. C'est pourtant bien là qu'est située notre origine.
On se rend compte alors que la raison est un "subterfuge" conçu par l'homme au fil de son évolution pour lui permettre de longer l'abîme du mystère sans y sombrer indéfiniment. Un bandeau devant les yeux, salvateur, liant les êtres entre eux mais qui, à la fois, réduit considérablement l'horizon.
Il est sain alors de temps en temps d'entrouvrir le bandeau que nous avons devant les yeux.
C'est ce que fait la poésie je crois. Par étincelles. Elle laisse entrevoir un bout d'éternité.

On sait alors que tout ce qu'il y a comprendre, c'est qu'il n'y a rien à comprendre. Mais on a envie d'avancer tout de même.
Car c'est bien le voyage qui est beau, c'est lui qui compte, et non la destination.
Tant que ce voyage a lieu, nous sommes bien vivants.

Ma naïveté est celle de quelqu'un qui est placé devant ce mystère, qui sait qu'il ne sait rien et qui sait aussi que tout est possible, qui pourtant avance en tâtonnant, se laisse porter, parmi les fluctuations, les errances, les bruits du monde, des êtres, et dans la musique inouïe que produit l'univers. Tout en sachant pertinemment qu'en dernier lieu, et c'est une pensée rassurante, le mystère de la vie est hors de portée.
La prise de conscience de cette part d'éternité, procurant aux détails les plus ordinaires, illusoires de la vie, les plus communs, une richesse démesurée et toujours en croissance. Une fascination que je veux perpétuelle (d'où le titre d'un de mes livres), qu'il s'agisse de bagatelles issues du quotidien, de la vie et de la mort des êtres et des choses, tout cela me fascine.
Mon travail poursuit ces réflexions en filigrane.
C'est une recherche de l'amplification de la sensibilité. Une révolte contre la fixité.
La poursuite d'un "soleil supplémentaire" :
Derrière chaque soleil il en existe un autre, plus grand. Matriochka, qui s'étend à l'infini.

 

 

 

 

Septembre 2008