INFLEXIONS SUR LE TEMPS
I
Le temps passe sans bruit
Dans les pages du livre
Dans le pli de tes nappes
Dans l'immobilité
Des marges laissées blanches
Sur le pas des demeures
Et dans l'eau de ton corps
Il passe à ton insu
Sous tout ce qui crépite
Ce qui nous environne
Il passe dans tes lèvres
Au-dessus de la mer
À mille lieux d'ici
Dans les bouchons de liège
Doucement avant que
L'étranger n'intervienne
Sans le dire le temps
Attend devant la grille
Du jardin intérieur
Dans ta cache secrète
Les replis de ta peau
Les lignes de ta main
La taie de l'oreiller
Minute inattendue
Les pleurs de l'opéra
Les notes du piano
Les dessins des enfants
Il passe sur le fil
De nos réjouissances
Sous les yeux du soldat
À ton insu compose
La mélodie du monde
Imperceptible au creux
De la vie ordinaire
Le temps passe sans bruit
Même sur les douleurs
Jusqu'à ce que ta voix
Le tire hors de sa course
Avec ta voix alors
Et ton mot merveilleux
Il s'arrête, ébloui |