Nuit

 

Je serai dans une maison de campagne dans un endroit reculé, Lirac, dans la région d’Avignon. Je ne connais personne là-bas, on ne trouve que des vignes à perte de vue. Pas loin on y fabrique un des meilleurs rosés du pays. Un clocher au creux de la roche. Je vois encore les moines parfois traverser les sentiers, moines pleins de sagesse et d’abandon. Ils ont disparu depuis bien longtemps, mais par la pensée, je les ranime.

 

Le matin en se réveillant il y a juste un volet à ouvrir, on a l’impression de voir le soleil se lever pour la première fois. La nuit laisse ses larmes sur l’herbe, une impression de noir et de bleu, l’impression d’avoir plein de rêves à réaliser. Le corps devient si léger. Dans la cuisine en bas j’entends « because » des Beatles.
Ce n’est pas une maison neuve, elles semblent indifférentes. Mais c'est une vraie demeure française, ancienne, avec son carrelage froid, son parquet grinçant, l’escalier de bois. Le tableau et le regard de cet ancêtre qui nous fixe encore. La senteur des murs nous y imprègne d’une nuée de souvenirs d’enfance retrouvés. La chair maternelle de la pierre, la puissance paternelle du bois. Un chandelier sur l’étagère, une alcôve de verre pour une rose fanée. Un tapis dans le salon retient la chaleur, et je marche pieds nus vers la bibliothèque immense, comme à mon habitude. Je suis sans amour, je vais crever. Le chat plonge dans la mémoire de sa vie antérieure et observe avec ses splendeurs félines, ce monde grouiller par-delà la fenêtre. Je comprends mieux le langage des animaux que celui des humains. Il est déjà tard le soir, il n’y a plus de temps dans les célestes vendanges. J’ai encore dans mes veines quelque chose que je ne devrais pas avoir. C’est la nuit d’étoiles.

 

Le vent apporte une mélodie si douce, tout d’un coup l’univers, trop solide, trop infaillible, s’écroule. Le volet claque. Tout ce que je tenais dans mes mains vient de s'échapper, se brise au sol, en voulant marcher je m’écorche et ne puis faire un pas. L’air se fait rare, je ne peux pas respirer, je ne peux pas le faire seul.

 

Je t’aime, je pleure. Je m’agrippe à toi si fort, mon espoir, l’espoir qu’un jour je pourrai sourire. N’oublie pas que je souffre, je t’en supplie, je vois la mort chaque matin et la nuit n’est qu’un cauchemar qui s’élargit sans cesse. Je suis perdu, je suis pauvre, je n’ai rien. Tout ce que je pourrais dire d’autre ne servirait qu’à masquer mon mal. J’ai mal, cette blessure me martyrise, je voudrais entendre ta voix. J’aime tant tes yeux mais ils ne sont pas là. Je veux faire de mon mieux pour que tu sois heureuse, m’endormir prés de toi mais il n’y a personne, et la lumières’est éteinte.

 

( Issu de dès Astres )