MUSIQUE SAVANTE

 

Je m'éloigne et j'écoute de loin les rumeurs et le bruit que fait le monde. Etrangement, quand on se trouve suffisamment éloigné, le vague bourdonnement des machines, des êtres, avec leur rythme, les autoroutes, les foules, tous ces sons finissent par donner une espèce de musique agréable. Je l'écoute, je n'y entend presque rien, seulement un son très voilé, grave, un léger rythme, expérimental. C'est alors que l'imagination prend le relais, qui pose la métrique sur le chaos. Elle change un moteur en véritable voix, déplie le vertige, je fixe alors des sons que je n'ai pas vraiment entendu, mais que j'ai crû entendre.
Cela donne à la fois quelque chose d'ancien et de très moderne. En dehors du temps.

De très loin aussi, les formes humaines, les silhouettes dont je ne distingue qu'à peine le visage, seulement cette grande chevelure farouche, cette forme me suffit. Cette bouche, je ne la vois pas, elle émane alors une émotion infiniment plus intense.
Mais l'aperçu lointain du monde ne me suffit pas du tout. C'est alors que je retourne plonger dans le vacarme, sentir avec violence les odeurs de la ville, comme des fleurs.