LE PASSEUR


 

Ci-gîront certains poèmes en prose ou en vers, de plus ou moins récente facture, selon les jours ou les envies, parfois tristes, parfois heureux, parfois sombres, parfois radieux, abstraits ou concrets, limpides ou abscons, aux teintes bleues d'un ciel clair de l'été jusqu'à l'orange mélancolique d'un crépuscule hivernal. Pourquoi écrire de la poésie ici ? Parce que je me sens suffisamment bien parmi vous pouvoir le faire. Parce que je sais qu'il y en a certains qui liront (peut-être). Et parce que j'ai lu que d'autres le faisaient, par le passé. C'est comme révéler une part de soi. Une part qui, chez moi, n'est pas la moindre. Je dirais même que tout, en mon for intérieur, tourne autour de celle-ci, comme si elle était mon soleil. J'ai fabriqué ma pensée en lisant des auteurs comme Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Desnos, De Nerval, Kafka. Mais aussi des romanciers comme Céline ou Proust (pour ne citer que les auteurs connus). Tous je les admire, et je me sens bien petit à côté d'eux. Poésie signifie t-elle nécessairement vent, mer, nuage, fleurs bleues ? Non, bien sûr. Si on la remet à sa juste place, elle est d'abord une manière de sentir le monde. Une manière d'aimer les choses et les gens qui se fait autrement que par la télévision dans ses pires programmes ou que par d'autres moyen modernes qui tendent plus à crétiniser les masses qu'à les élever. Pour moi, c'est l'acte de sortir de soi tout autant que de rentrer en soi, un paradoxe miraculeux. C'est un style, une langue. Une émotion. C'est peut-être aussi une certaine poursuite de la vérité. La vérité est un but valable, même si celle-ci est impossible à détenir, il n'est pas vain de partir à sa poursuite, à la manière d'un don quichotte dont la quête serait perdue d'avance. La vérité est un bien qu'on ne peut posséder. Mais n'est-ce pas le voyage qui est beau, plutôt que la destination ?

Un échappatoire tout autant qu'un retour aux "sources" d'une inspiration ou d'un mouvement vers la beauté qui fait malheureusement défaut à notre époque à la fois bruyante et plate, vide de sens, ou le moindre pas en dehors de la conformité est considéré comme un grand ridicule (je parle ici du véritable et dangereux non-conformisme et non pas d'une "alternative" somme toute revers de la même pièce nommée "conformité"). Tout va vite, tout défile vite, tout se perd. Les gens sont de plus en plus vides, idiots, creux. Ils se parlent mais se connaissent de moins en moins, c'est l'empire de l'individualisme où, à mesure que d'immenses communautés virtuelles se créent, les gens sont de plus en plus seuls et s'enferment dans les fantasmes et dans les rêves.
Il n'est pas si facile de faire la part entre l'authenticité et le faux-semblant. Comme l'a si bien dit shakespeare, le monde est un théâtre où chacun doit jouer son rôle. Le tout forme ce que nous sommes, à savoir un panorama de plusieurs rôles tous liés entre eux, un vaste champ de contradictions, à la fois mensonge et vérité, authenticité et faux-semblant. Nous formons une multitude de rôles afin de réussir à vivre avec les autres et seuls ceux qui nous connaissent dans l'intimité, finalement, savent vraiment qui nous sommes et ce que nous recelons.
Pourtant, il s'agit réellement de moi, à chaque fois. Je veux dire par là qu'il s'agit de mes émotions, de mes états-d'âme que je vis pleinement au moment où je les couche sur le papier. Pour parler franchement, cela peut paraître bizarre et peut-être choquer certains d'entre vous, mes histoires ne se dérouleront jamais dans la "pure" réalité car tout simplement celle-ci n'existe pas à mes yeux.

Le monde dans lequel je vis est formé tout autant de rêves que de la matière concrète. À mes yeux rien n'influence plus ni fait plus tourner la terre autour du soleil que l'imagination, que les désirs, que les idées. D'aucun diront que le lien est inexistant entre la réalité et le rêve. L'émotion est ce lien. Voilà que l'on entend une chanson triste qui nous remémore un amour perdu, un instant lointain qui soulève en nous un épais chagrin, puis une larme coule de nos yeux. Une larme bien réelle, qui est pourtant issue de l'impalpable, des régions secrètes et mystérieuses du coeur pour aboutir à ce trésor liquide. Les désirs et les rêves se meuvent dans les profondeurs de la vie, animent les choses, les gens, les regards, les pensées, font peut-être tourner la terre. Comment peut-on dire, alors, que le rêve et la réalité ne forment pas un même tout ? La réalité n'est-elle pas une des nombreuses formes que peut prendre le grand rêve qui nous contient ?

 

Que mes mots sortent trop du contexte à vos yeux, et je leur chuchoterai de partir, ils retourneront rapidement se cacher entre les moutons de poussière de ma bibliothèque. J'ai conscience qu'il y a une part de ridicule là-dedans. Mais, à part quelques rares endroits, j'ai toujours détesté écrire dans les milieux littéraires (même si je l'ai fait énormément....) peuplées de paons prêts à ouvrir leur éventail de plumes non pas par amour de l'art, mais par amour d'eux-même. Désormais, en ce qui concerne internet, je dépose mes élucubrations qu'en de rares endroit, ainsi que sur mon site. J'ai toujours préféré les gens qui n'avaient "rien à voir" avec ce monde là. J'ai toujours aimé les fous, les claudiquants, les maladroits, les ratés. J'erre alors, le plus souvent derrière l'écran de mon ordinateur, je joue à des jeux en ligne, j'écris de longues phrases que souvent personne ne lit, je mène ma petite barque dans un monde que, définitivement, je comprends mal et dans lequel j'ai toujours hésité à faire ma place. Non pas par manque de moyen, mais par manque de volonté, de goût et, certainement, par faiblesse.

Il n'est pas interdit de sortir du contexte des choses, surtout si ces choses occupent une part non négligeable de notre temps. Ceux-ci ne demandent pas forcément des réponses. Qu'ils soient lu (ou non) me suffit.
J'aime parler de tout et de rien, de ce qu'il me passe par la tête comme aujourd'hui, sans but particulier, autre que de m'amuser, et pour le plaisir de l'égarement. Car si l'écriture est importante, si elle n'est pas un simple passe-temps, elle est avant tout un plaisir, pas une souffrance. Les gens donnent trop de poids aux choses, ils sont trop "lourds". C'est souvent pour ça qu'ils souffrent. Merci de votre lecture.

 

23/01/08