LE LIVRE DORT

 

Touchée, saisie, instantanément perdue, dans les régions où rien n'existe, à l'endroit où tout est en-dehors du monde, où les feutres ne tracent plus de dessins définissables sur les tableaux des écoliers et que le temps, lui-même, allongé tout au fond de sa dernière demeure, n'est plus qu'un mince filet de mémoires. Comme toute cette vie, et tout ce poids impossible que nous mettons sur des choses très légères, comme tous ces pleurs pour remplir les vases de notre minuscule présence, pour laisser une trace de notre venue au monde, tout cela, un mince faisceau, n'est plus rien sitôt que l'enfant s'échappe loin de lui-même, avec, pour une dernière trace, l'image qu'ont fixé ses yeux dans les écrans de plastique, sa toute dernière vision de ce monde, une tristesse qui envahit l'espace, une tristesse si immense, jusqu'à devenir la seule et unique trace luminescente, le dernier cercle de buée qu'ont tracé ses lèvres sur la vitre, le moment précis où sa voix s'éteint et résonne encore.