CONTES |
I Une nuit lointaine, un petit être de lumière qui était
tout là-haut, sur son nuage, se dit : « ce monde
est vraiment trop plein d’ennui, il n’y a plus d’amour
entre les hommes ». Alors, après avoir demandé la
permission à la magnifique lune, il entreprit de descendre par les
courants doux et silencieux de la nuit. Il se jeta de son nuage, puis,
jouant avec le vent, se laissa glisser le long des cimes des arbres et
termina sa course sur le toit d’une ancienne maison délabrée.
Alors, son regard s’arrêta au-dessus de la vieille mansarde,
sur laquelle trônait un chat qui lui dit : « S’il
te plait, laisse moi donc tranquille, je ne suis que la pauvre âme
errante d’un vieux poète. Lorsque mon cœur s’est
arrêté de battre, on m’a placé dans ce chat,
car il était le seul animal qui, comme moi, aimait la lune, le silence
et la profonde solitude de la nuit » J’aime ce chat, ce lointain ancêtre, et je l’entends encore, ce chat qui dort au fond de ma mémoire. Parfois, il s’éveille et me dit : « Ne fais pas la même erreur que moi, sois humble, souffre avec amour, ainsi peut-être auras-tu le droit un jour de tenir un ange dans tes bras » |
II Le monde s’endort…Le soleil nous a abandonné depuis quelques heures déjà, et l’âme des hommes appareille pour les immensités noires. Moi je reste là, tranquillement, à ma fenêtre, mon chat, à mes côtés, repose dans son sommeil de sphinx. De vieux souvenirs voltigent dans cette atmosphère noircie, et le félin qui sait déceler leur présence, les suit du regard. Loin de plonger mon cœur dans les ténèbres, la nuit m’illumine. J’observe la lune, à l’aube obscure de sa plénitude, qui vient lentement caresser les toits avec toute la douceur oisive de sa lumière blanche. Quelques nuages, jaloux, viennent parfois tenter de voiler cette nébuleuse vision…Les objets qui m’entourent, en perdant leur couleur, semblent se remplir de cette impondérable substance qu’on appelle l’obscurité : des hiboux au loin clament leur béatitude, le poète monte à nouveau sur son trône invisible, et règne sur la terre sans le dire. |
III Cette nuit, j’ai fait un voyage. Dans mon rêve il y avait une petite fée, au cœur d’une magnifique forêt. Elle avait un regard triste et pur, qui me paraissait familier. Elle semblait m’attendre, alors je m’approchai et lui dit : « De la Vie, celle que tu m’as donné, ne subsiste que la mélancolie. Tout me semble vain…Autrefois, les gens rêvaient de ta rencontre, celle qui apporte le bonheur. Aujourd’hui, tu appartiens aux contes. Tu n’es qu’un vieux rêve d’enfants, aux yeux des perdus. » « Nous, les fées, souffrons beaucoup, de voir le peu
d’amour qu’il reste sur notre Terre. Nous œuvrons tellement
dur pourtant…Nous inspirons les poètes, inventons les plus
belles fleurs pour égayer les paysages, mettons au monde les plus
diverses créatures… Tous tes semblables sur cette terre, avant de venir au monde, savent
tout sur l’univers et n’ont rien à apprendre. Ainsi,
avant chaque naissance, une petite fée sort doucement de sa forêt,
et vient dans les ventres maternels, s’étendre sur les bébés
avec la tendresse d’une mère. Elle pose le silence sur les
lèvres avant même qu'elles ne parlent, afin que les hommes
ne s’ennuient pas et découvrent, tout au long de leur vie,
leur nature infinie. Il y a, en chacun, un être lumineux qui sommeille.
Sous l’écorce de pierre, il y a toujours une voix qui réclame
l’amour. « Souffre avec amour, pense au bonheur des autres, car tu
n’es pas le plus malheureux. Tu te dois, vis-à-vis de tous
les êtres, de préserver ton esprit exempt de toute barrière.
Un mystère d’amour en chacun repose. » Puis, avec un sourire plein d'attentions et de douceurs,
(1998) |