Mon histoire enfouie dans un poème.

 

VOIX

Ta bouche en s’ouvrant a provoqué un appel d’air et ce son ! C’est dans ce bruit que je me suis enfoui.

Longtemps, à l’abri, comme dans une chambre.
Puis la voix s’est exaltée vibratoire, je me suis soulevé de cette langue, j’ai senti la chaleur du fond de ton corps l’humidité. Ce n’étaient pas des mots mais moi qui voltigeais devant, les yeux, les aromates de la peau se mélangeaient. Mais la voix n’en était pas une, seulement la perception de ce qu’elle éprouvait à l’intérieur la puissance qui se démultipliait jusqu’à disparaître.

Sitôt que le souffle s’était allongé après de moi, et que le crépuscule de son chant s’élevait et se couchait tout à la fois, il fallait le silence infime avant de prendre la respiration et un air nouveau. C’est ailleurs exactement, dans la silencieuse résonance un laps, où j’ai abandonné tous mes gestes, intemporel repos en dehors de moi, l’âme appuyée sur la vitre du monde la buée finissant de se définir devant les lèvres. L’aspiration en elle ininterrompue de tous les fluides vitaux, l’aspirance, de cette vie à chaque fois renouvelée de cet être qui se voit éclore sous la quintessence de l’offrande. L’écho suivit et s’évade lorsque, à nouveau en apogée la langue s’avançait sur le rebord de ses dents.

Soudain la compréhension du regard je n’y prêtais pas attention mais je ne pensais plus que dans cette extase perdue, ce timbre obscur caché tout au fond comme la certitude que toute la mélodie existe pour de vrai.

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Tout à l’heure, une infinité de plaies se rencontrèrent et s’échangent la médecine de son souffle, laboratoire vermeil des temps perdus. Que mon Idée se fractionne en coloris influencés d’antiques mystères.
Le rayon qui s’échappe de tout au fond de sa gorge et qui vient ranimer les morts les plus oubliés. Et les autres éléments de notre pauvre ossuaire intérieur. De poussière et de réalité je me retrempe hors de notre esprit je vise, exempte de bornes une très décisive affection.
Je reprends mon bien. De ce point inné d’où jaillit comme une traînée évanescente de feux, reprendre la respiration des anciennes émanations, harmonieuse plénitude, insensée extraction du monde, déplacement immense d’un cri que possèdent les foudroyés.
Les racines comme un désir qui s’enfonce et s’éparpille un peu partout, j’ai ce pendentif de la parole pour ne plus bégayer. L’instrument qui émane des profondeurs de la Terre, et qui illumine jusque là-bas. Plénitude, disposition sans proportions, la facilité de se suspendre et le vol par-dessus les rythmes. Comme un double un rappel, le sang imprégné de reminescences, sans isolement mais trempé dans cette salive la bouche en une seule, parfaite incandescence.

Sitôt que je pense il me semble que je peux devenir un peu plus clair et récolter cette persistance égarée sur la peau. C’est le manque qui se libère, l’éclat des cris coloriés qui se plaquent sur un Trésor. Le vaste inexploré que dans le souvenir oublié, tout est écrit, tout est parlé, et il suffit jeté dans l’éventail de l’incompréhension sentir et ne plus penser que par le miroitement appliqué sur le cœur. Se déverser de l’effort de chaque gouffre de pensée, et s’ensuit un mouvement, qui s’élève, libéré par l’écho d’un souhait en geste d’abandon. Le déploiement le plus grave des ailes neuves de toutes déchirures, en prenant naissance.

L’enroulement transitoire où se mire toute notre solitude, l’éclaboussure inaltérable, d’un rêve qui se débloque. Le balbutiement, la primitive foudre qui se compose en un équilibre supérieur. En suspend, la chair émanant de chaleur, un jet de flamme la parole rentre en lui.

 

Elévation nuptiale, tout se devine. Le corps tremblant du mauvais sang qui fuit, authentique le silence ininterrompt, sûre volonté de toute la promesse que je puis ranimer, qui ne disparaître jamais.

 

 

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« Ta bouche en s’ouvrant ». Au commencement était le verbe. J’écoutais une voix, ce que j’aime le plus au monde. « Un appel d’air ». Je ne peux lutter contre, c’est même mon unique désir de pénétrer dans cette larme sonore, « ce son », une onde vibratoire qui se propage de ma plume que je ne vois plus bouger, impression physique réellement ressentie, elle se propage un mouvement de l’autour vers l’intérieur, et de l’intérieur vers l’autour. « C’est dans ce bruit que je me suis enfoui ». Voici ma réalité, le déclenchement, l’impact.

« Longtemps » je veux y rester, « A l’abri comme dans une chambre» le refuge, je retrouve mon unique raison de respirer qui subsiste encore depuis le tout début, « en sommeil », c’est un réveil, l’extraction de la Vie à partir de la mort. Il s’agit de s’en emparer en vol, de repérer les signes de cette marque de Vie, de la restituer. C’est un instant qu’il faut fixer. Du sommeil, je la sens s’éveiller « Puis la voix s’est exaltée vibratoire », j’ai pu abandonner ce qu’il fallait pour, en état d’abandon, laisser transparaître. Je me suis vu dans cette Vie, et « soulevé de cette langue », les sens se transposent, « la chaleur » est cette présence qui prend naissance dans « l’humidité » du corps. Ce n’étaient plus des mots, matière morte, mais moi qui prenais leur place, « qui voltigeais devant » et je pouvais voir, « les yeux », emmêlement des sens, « l’odeur de la peau » qui « faisait un tout avec la voix ». Le corps se remémore l’existence, ce que l’esprit à oublié.
« Mais la voix n’en était pas une » ce ne sont plus des mots lisibles, ni une voix existante, mais l’écho en nombre de « la perception de ce qu’elle éprouvait au fond d’elle ». Je pouvais voir au travers de son corps, « la puissance » qui se multiplie en éclats avant de disparaître et de renaître ailleurs.
« Sitôt que le souffle s’était rallongé auprès de moi », il s’agit donc de la présence, « le crépuscule », le soleil décline, s’éteint et meurt, instant suspendu. Intemporel, tout se crée dans le crépuscule. Vers l’ouest. Un sacrifice en prélude à un « air nouveau ». « Il fallait le silence infime », presque atteindre la disparition. Tout est respiration.
« C’est ailleurs exactement », un ailleurs insaisissable, et pourtant familier. « Un laps », un instant qu’il faut saisir pour en étreindre une « silencieuse résonance ». le sacrifice se fait en abandonnant « tous mes gestes », ce qui venait de moi est en retrait dans cet instant suspendu.
« En dehors de moi ». Alors, je peux voir, « l’âme appuyée sur la vitre du monde », admise la fin, une extinction, dans cette époque. La buée de nos gestes transitoires qui rend floue la vision « finissait de se définir devant les lèvres » qui respirent de nouveau. « L’aspiration en elle ininterrompue », rien de ce qui se crée ne se perd, tout peut être retrouvé, « de tous les fluides vitaux » manquants, du vide de l’éternelle obscurité, « cette Vie à chaque fois renouvelée ».

« Cet être se voit éclore sous la quintessence de l’offrande », qui ne vit qu’en répandant sa totalité. Il devient lui et non plus un autre. « Éclore » est l’image d’une fleur qui devine qu’elle va mourir, et qui répand alors son parfum dans l’obscurité, que toute offrande est suivie d’une presque disparition, avant de réapparaître. Son écho « s’évade », et « s’épanouit ».
« Soudain » je me rends compte que je suis ailleurs, éclat de conscience, son regard me rappelle que « je n’y prêtais pas attention », « je ne pensais plus que dans cette extase perdue », nous ne vivons plus que dans le désir et dans le manque de ce que nous avons vécu et qui a disparu, au lieu de créer à nouveau. Mais « ce timbre obscur caché » existe toujours, inaltérable dans la mémoire, « tout au fond » et qui revient comme « la certitude que toute la mélodie existe pour de vrai ».

« Tout à l’heure, une infinité de plaies se rencontrèrent », ce sont toutes les déchirures qui se rejoignent en une même origine et « s’échangent », l’emploi du présent est volontaire, le temps s’est dissout dans « les temps perdus ». Le « souffle » est une « médecine » qui soigne les « plaies ».
« Que mon Idée se fractionne en coloris influencés d’antique mystères ».
À partir de « l’Idée », une origine, qui se fractionne, s’exprime en « coloris », en créations, influencés « d’antique mystères », l’Antiquité. « Le rayon » illumine le souvenir vivant, « les morts les plus oubliés ». Tous les ancêtres n’ont pas disparus, ils vivent encore au travers. « Et les autres éléments de notre pauvre ossuaire intérieur », dans chacun, encore autre chose de vivant. « De poussière et de réalité », je mêle cette poussière cette mort en attente de vie, avec la réalité tout autour. « Je me retrempe hors de notre esprit », débarrassé d’une vie d’emprunt, l’Esprit, exempt de « bornes », je veux atteindre l’affection, mon unique affection, « mon bien », mon aveu de tout, ma promesse, « ce point inné », je suis né avec afin de mourir et de transparaître par elle. Elle, « d’où jaillit comme une traînée évanescente de feux », toute la création, de son manque, du désir de la retrouver, la chaleur, la flamme, c’est par une croyance, « l’aspirance », que l’on peut s’atteindre, « reprendre l’aspiration de l’ancien souffle », ne rien perdre de ce qui est enfant. De toute l’enfance, une « harmonieuse plénitude », bien au-delà de tout ce qu’on nous a promis, les territoires inexplorés, « l’insensée extraction du monde », désirer la Vie et l’atteindre, du « déplacement immense » vers elle, grâce aux « cris que possèdent les foudroyés », les seuls restes d’existence au milieu de l’ossuaire immense.

« Les racines » entrent, percent la surface et perdurent au fond de nous, « comme un désir » que chacun murmure. Il y a un mal profond qui se répand et qui « s’éparpille un peu partout ». Nous construisons et transmettons notre propre malheur. Nous ne trouvons plus, et nous sommes désespérés.
« J’ai ce pendentif de la parole pour ne plus bégayer », le bijou de la poésie, mon cadeau le plus précieux que je viens de recevoir, grâce auquel je peux m’exprimer et m’extraire. « L’instrument » car en créant nous ne sommes qu’un outil, « qui émane des profondeurs de la Terre », il est l’aboutissement de tous ceux qui ont précédé, et qui « illumine jusque là-bas », les œuvres restent et influencent bien au-delà. « Plénitude, dispositions sans proportions » A force de s’enfoncer à l’intérieur, la vision devient de plus en plus claire et bienfaisante, avec « la facilité de se suspendre et le vol par-dessus les rythmes », elle ne s’appuie non plus sur la réalité mais la crée.
Comme un double, un rappel, le sang imprégné de réminiscences » C’est le double à l’intérieur qui nous rappelle toute notre espérance, le souvenir dans les veines, « trempé dans cette salive la bouche en une seule, parfaite incandescence », de la récupération de soi-même.

Je me rends à nouveau compte que je suis ailleurs, il reste encore la trace, non pas dans la mémoire, mais sur la « peau » et il me faut chercher d’une autre manière.Je veux décrire cette impression, « le manque qui se libère, l’éclat des cris colorés qui se plaquent sur un trésor » où toutes les douleurs qui se sont jointes donnent la forme d’un trésor, où tout ce qui était incompris devient clair, « le vaste inexploré que dans le souvenir oublié », de tout le savoir qu’il s’agit de récupérer à l’intérieur et non plus de chercher ailleurs, « tout est écrit, tout est parlé, et il suffit jeté dans l’éventail de l’incompréhension sentir et ne plus penser que par le miroitement appliqué sur le cœur », le cœur, c’est vers lui que je me dirige, je ne suis rien d’autre.

 

C’est lorsque nous sommes épuisés, lorsque l’enthousiasme s’évapore, que nous devenons le plus beau et le plus sincère. Quand d’autres s’arrêtent au moment où ils ne se sentent plus capables, ceux qui s’abandonnent commencent à créer des chefs d’œuvres.

 

« Se déverser de l’effort de chaque gouffre de pensée », l’effort de la pensée, de vouloir comprendre, ne nous rapproche plus mais nous éloignent, en s’abandonnant il « s’ensuit un mouvement qui s’élève, libéré par l’écho d’un souhait en geste d’abandon ». notre peine nous a fortifié, nous atteignons le vrai soulagement, la vraie consolation. Depuis le silence, « le déplacement le plus grave des ailes neuves de toute déchirure ». Dans la meurtrissure, cette poussière, dans le calme qui suit le requiem, des ailes se déploient.
Nous étions seuls. Nous n’étions plus avec nous-même, l’enroulement transitoire, le refuge nous sommes seuls dans le froid, le noir, nous avons cru voir par une éclaboussure notre beauté, nous avons inventé par le manque et débloqué un rêve, subsisté pour donner naissance aux balbutiements, nos croyances, notre unique réconfort. Seuls et sans désirs, nous avons composé la primitive foudre, un équilibre supérieur en offrande aux émergences futures.
Un jet de flamme la parole rentre en lui_____