À LA FAVEUR DU DÉSORDRE

 

 


Je suis le différent. L'élucubré. L'idiot.
Celui qu'on voit. Celui qui passe. Somnole.
Le bizarre, le fermé. L'obsessionnel. L'incandescent.
Le lugubre étincelant. Le doux maniaque, le craintif.
L'apprivoisé. Le désabusé. L'aveugle transi.
Le porteur occasionnel. Le pris au piège. L'ignorant.
Je suis tenu en laisse. Le rêveur, l'affalé.
Déployeur de libertés factices. L'attitré.
Je suis ce chien. Celui qu'on quitte. L'oléoduc.
Le fumeur, le fantôme. Le crocheteur de tragédies.
Je suis le garde du zoo. Le timbré.
L'invisible et l'impénétrable. Le nébuleux.
La grande ours dans un ciel d'été. Le météore sur la photo.
Je suis le nuage, le malade. L'incohérent.
Le désarticulé, l'oisif infécond. L'animal.
Le fabricant de bagatelles. La plage esseulée.
Le verrou du coffre. L'esclave du vent. Le lâche.
Le charbon sur le sable blanc. L'orage lointain.
Le même refrain, le soleil radieux. La fenêtre sur cour intérieure.
Le paresseux qui ne dit rien. Le raté. L'inconditionnel.
Le décevant. Le vieillissant, la belle phrase raturée.
Le poème incendié. Je suis le calme de l'ennui, l'eau immobile.
La pluie, berceuse des étoiles. Celui qui n'est jamais là.
La féerie obsolète, la ruine sauvage. La secousse sur l'île déserte.
Je suis le râleur et le mimétique. La fée de l'hiver.
Le coeur froid, le traceur de luminaires. Le marcheur des décombres.
La vanité et le tournesol gris. La folie. L'ombre, la poussière.
Je suis sans raisons. Le bagage perdu. L'émeute intime.
L'égaré au paradis. Le tricoteur des boulevards. L'étranger.
Et tutti quanti
Depuis longtemps
J'ai fait don de tout cela
Aux hospices de la nuit.

 

 

 

 

 

Juin 2008