J'enlevais, avec les ongles de l'index et du pouce, le filtre des cigarettes. Je pinçais ensuite l'extrémité pour que l'ouverture soit plus allongée, et plus mince. Il venait moins de fumée. Le tabac était essentiel sitôt que je voulais m'extraire de mon être, et partir d'ici. Il est la même dépendance, la même poussière fuyante.

Sur l'étagère un fétiche africain me regardait toujours. Il me parlait de ses millénaires. Ainsi que la pirogue ensorcelée, avec ses trois personnages debouts, dans les rayons de la bougie, qui projetaient leurs ombres mobiles. Eux, ils me parlaient d'un ailleurs.

Je posais un livre sur mes genoux, je n'en lisais que quelques lignes. Cela suffisait amplement. Il m'en fallait très peu, suffisamment peu pour que je puisse me les approprier. C'était des fumées de phrases que je respirais maintenant. La chambre prenait une teinte brune. Je pensais à quelques personnes qui comptent. J'entendais le frottement du rideau contre le mur, devant la fenêtre entrouverte. Ces pensées cet environnement familier se rapprochaient et dessinaient comme un amalgame, je pensais à l'éternité. J'entendais dehors le passage des voitures, elle passait seulement. Ce monde environnant résonnait étrangement...

Tout y était, tout allait enfin venir à moi. J'étais en attente. J'attendais que cela vienne. Quelque chose me prenait. Je joignais mes deux mains, en prière, contre mes lèvres, surpassé, abandonné, je sentais une étrange odeur. Celle du tabac au bout de mes doigts. Dans mon esprit ces effluves se mêlaient à la pensée d'une divinité et je croyais respirer son odeur.

 

17/03/04

 

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