Combien de spasmes pour un paradis d'une seule seconde ?
Quelle escalade et quelle altitude pour un saut momentané
Quels enfers pour un chant d'une seule expiration
Un frisson dans ces voiles sans plis,
Un air frais au fond de ma gorge
Quelles cassures pour un seul rythme qui nous enlève ?
Quelles affections sans jouissances
Combien de projets pour un seul réalisé ?
Quelles explosions dans le ciel pour une seule nuit claire
Quelles âmes soeurs pour un réconfort d'une minute
Quelles larmes pour une consolation minuscule


Quelle marche vers l'ailleurs, quelle marche vers l'insaisissable,
Quelle perte de temps sans amour à décrire
Et cet Astre pour elle seule une mémoire rétinienne, splendeur déchue,
Attrapée dans les mains pour s'enfuir ?
Et nos hanches qu'on veut serrer glissent
de nos doigts comme un savon
Ces mouvements perdus sans réponses
Combien de fois le bord pour atteindre le centre
Les essais pour pénétrer la surface
Combien d'idées sans passions,
De désirs prononcés sans même l'espoir d'être réalisés,
De voix qui n'avouent jamais rien
Tournées vers rien d'autre qu'elles mêmes
D'explosions sourdes qui ne fécondent plus,
De mots qui défilent toujours plus lassants
De blessures dans la conscience
Et combien de morts pour une seule sensation de vie ?
Quelles angoisses pour une éternité
De longues heures d'absurdité pour une seule ligne raisonnée


Et quelle absence pour ce corps jamais fait de chair
Et cet esprit qui n'affronte jamais vraiment son vide
Quelle foutue surprise pour une seule sensation
Quelle foule pour une seule personne qui cherche la vie
Et quels yeux pour une mélancolie et
Pour un pleur qui vient quand on ne l'attendait plus
Quelle lecture entre les lignes, et quelles attentions pour l'autre ?
Combien de protections pour une fille délaissée
Une âme meurtrie sans cesse, et le temps
Combien d'aiguilles pour oublier l'heure
Et cette solitude, cette protection, cette consolation
Et ce cris devant toi qui ne recevra jamais d'écho


Combien de montagnes de narcissisme même jusque sur le lit de la mort
Pour contempler une fois ce visage de bonté
Sous le masque de la peur
Une simple apparition de la vie perdue ?
Quelles blessures pour laisser saigner notre génie ?
Quelle fille du soleil viendra m'émerveiller ?
Et combien de pertes dans les ouragans, de tentatives vaines,
d'élongations suspendues dans le temps
et d'adieux amères sous les écharpes de vos manteaux en plein été
De larmes ravalées qui vous anéantissent de l'intérieur
Cet esprit de vouloir aller trop loin qui te ronge comme l'acide
Et de fausses mises à nu derrière leurs lignes
et derrière leur non-sens
Quel est ce miroir cassé qui ne reflète plus
Rien d'autre qu'une réalité amoindri, sans sa substance
Sans sa sève

Quelles errances pour devenir ce loup des steppes ?
Quelle générosité sous ces mots sans rien, sans rien,
je vois clair maintenant
Dans leurs espaces cloisonnés
Combien d'assoupissements pour un réveil en sursaut
Combien de nuits pleines de joies pour un seul poème vivant ?
Combien de baisers sur ces joues creuses,
pour frôler l'idole adorée
Quels sauts vers nulle part et quels corps se dirigent sans buts,
Spectres ambulants,
Combien de pertes à parler de mise à nu entre nos terres
De perles jamais pures sous les coquillages
D'iris noir et de franges d'agate
Quelles isolations, quels délabrements, quelles ruines,
pour commencer à se reconstruire
Quel abysse salé, quelles désolations
Quelle veine tranchée pour recommencer
enclencher le premier geste vers la délivrance
Quel sifflement pour faire se lever la meute


Combien de matins, de soirs perdus à chercher en vain
Et les poètes qu'on doit aimer comme les serviteurs du soleil,
Ô mère et supplices sur fond d'illusions chaotiques
Coeurs cassés, coeurs refermés
Combien de gémissements sans petites morts ?
Combien de temps allons nous reproduire l'horreur du monde dans nos écrits
Avant de se rendre compte de l'erreur ?
Combien d'aveugles pour serrer des bras en argent,
des paumes de saphir et des fronts de neige
Quels silences pour une seule parole sensée ?


Quelle race d'oiseau pour nous apprendre
le cri et la splendeur qui voltige,
De poètes brisés par une ligne qui n'atteint jamais sa fin,
qui ne reçoit jamais l'escompte, les mains ouvertes
mais du côté de sa perte,
sans résultat valable, sans interstices,
Sans libération derrière les souffrances
A ne jamais vraiment dire ce qui ne va pas
Perdu dans un monde qui n'est plus ici
Tu n'as plus de prises sur le réel
A décrire l'humidité des yeux sans même vouloir les sécher


Souvent ils n'écrivent pas pour trouver la vie,
Mais pour faire mieux que les autres
Pour avoir raison en premier, faire la meilleure impression
C'est avec joie qu'ils vont assassiner ma beauté
A justifier sans cesse sur elle une existence dérisoire

03/07/03

 


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