DOSSIER SABINE SICAUD
 

Le soleil reprend si vite ses plus belles âmes
Sans doute une erreur de la nature
Quand ces êtres viennent ici
Jouer le rôle de l'homme
Quand ils ne le méritent pas
Quand ils ne méritent pas de venir ici, au monde
Cet enfer, qu'on n'ose pas vraiment nommer ainsi
Mais dont on sait bien au fond
Qu'il en est un
Peut-être non dans les premières années d'enfance
Étranges promesses d'aurores
Mais plus terriblement, par la suite
Quand le paradis entrevu
Commence à s'éloigner
Pour ne plus revenir
Et que l'enfant, d'abord rameau de vie
Devient brique dans un mur.

 

 

 

 

-------------->Cliquez ici pour lire mon deuxième article sur Sabine Sicaud (22/11/05) Reine oubliée <--------------

 

 

 

 

J'écris ceci alors que je viens, il y a quelques minutes à peine, de découvrir Sabine Sicaud, poétesse méconnue, née en 1913, morte en 1928.
Vous avez bien lu, morte alors qu'elle n'avait pas encore 15 ans.
J'ai pensé d'abord, encore une comète de service qu'on redistribue, une légende qu'on se fabrique, à la divine précocité, à partir de rien... Mais là, ce n'est pas à partir de rien.
Sabine Sicaud n'a encore jamais été publiée, pas de façon digne de ce nom.
Ce que, évidemment, elle mérite infiniment.
Et ce soir j'aurais envie de me faire petit, minuscule.
Même si j'entends déjà une voix d'enfant me dire non
Je n'écris pas afin de t'amoindrir.


 

« N'oublie pas la chanson du soleil, Vassili.
Elle est dans les chemins craquelés de l'été,
dans la paille des meules,
dans le bois sec de ton armoire,
si tu sais bien l'entendre.
Elle est aussi dans le cri du criquet.
Vassili, Vassili, parce que tu as froid, ce soir,
ne nie pas le soleil. »

(Feuilles de Carnet)

 

 

 

Vassili était le nom qu'elle avait donné à son amour rêvé, quelques jours avant sa mort, comme un refuge.

Je ne parlerais pas ici de sa vie, je crois que d'autres l'ont déjà fait ou le feront mieux que moi. Sa mort, à 15 ans, dans la souffrance. Je n'amoncellerais pas d'adjectifs autour de ce mot : souffrance. Il n'en a pas besoin. Il en a suffisamment comme ça.
Et ses poèmes ne vont pas vers elle.
Ils partent d'elle
Et lui échappent.


 

« Des livres… mais un ciel de Londres
Et des larmes sur les carreaux en train de fondre
Manteaux sentant le vétiver
Chats en boule, manchons, marrons l’hiver.
J’attends –comme le font derrière la fenêtre
Le vieil arbre sans geste et le pinson muet…
Une goutte d’eau pure, un peu de vent, qui sait ?
Qu’attendent-il ? Nous t’attendrons
Ensemble.
Le soleil leur a dit qu’il reviendrait, peut-être … »

 

 

 

Aux médecins qui viennent me voir

« Je ne peux plus, je ne peux plus, vous voyez bien…
C’est tout ce que je puis.
Et vous me regardez et vous ne faites rien.
Vous dites que je peux, vous dites – aujourd’hui
Comme il y a des jours et des jours – que l’on doit
Lutter quand même et vous ne savez pas
Que j’ai donné toute ma pauvre force, moi,
Tout mon pauvre courage et que j’ai dans mes bras
Tous mes efforts cassés, tous mes efforts trompés
Qui pèsent tant, si vous saviez !
Pourquoi ne pas comprendre ? Au bois des oliviers
Jésus de Nazareth pleurait, enveloppé
D’une moins lourde nuit que celle où je descends.
Il fait noir. Tout est laid, misérable, écœurant Sinistre…
Vainement, vous tentez en passant
Un absurde sourire auquel nul ne se prend.
C’est d’un geste raté, d’une voix sonnant faux
Que vous me promettez un secours pour demain.
Demain ! C’est à présent, tout de suite, qu’il faut
Une main secourable dans ma main.
Je suis à bout…
C’est tout ce que je peux souffrir, c’est tout.
Je ne peux plus, je ne crois plus, n’espère plus.
Vous n’avez pas voulu
Pas su comprendre, sans pitié
Vous me laissez souffrir ma souffrance… Au moins
Faites-moi donc mourir comme on est foudroyé
D’un seul coup de couteau, d’un coup de poing
Ou d’un de ces poisons de fakir, vert et or,
Qui vous endorment pour toujours, comme on s’endort
Quand on a tant souffert, tant souffert jour et nuit
Que rien ne compte plus que l’oubli, rien que lui… »

 

 

 

« Tu te chaufferas au feu du paysan
- Je me chaufferai au feu du paysan.
Tu auras de vieilles lampes à pétrole ?
- Je les aurai.
- Un jardin de curé ?
- Un jardin de curé.
- Et un pot de basilic ?
- Et deux pots de basilic.
- Et ta pitié pour moi et ma pitié pour toi.
- Ne parle pas d’absence, toi qui ne sais pas.
Mets seulement ta joue contre la mienne.
As-tu jamais interrogé la porte qui doit s’ouvrir pour le retour
Et désespéré ?
As-tu jamais au petit jour songé qu’on pourrait
Ne plus se revoir peut-être et imaginé ?
Serre-moi plus fort.
Nos deux ombres séparées, que deviendraient-elles ? »

 

 

 

« Vous qui lisez ,
le front penché, dans une chambre,
ne sentez-vous donc pas qu’au seuil froid de novembre

Tout ce maroquin neuf et ces parchemins d’or

Sont faits pour que, ce soir, on traduise dehors,
uniquement les strophes du platane ? »

 

 

 

Mes plus profonds remerciements à Yves Heurté, qui a lancé dans le ciel ces lignes qui scintillent, comètes hurlantes, au hasard des retombées, et que j'ai retenu :

http://www.francopolis.net/francosemailles/sabinesicaud.htm

Autres liens :

http://perso.wanadoo.fr/chemin/sabine-sicaud.htm

http://www.calpoly.edu/~oayral/

 

 

 

21-22/11/05