DOSSIER RIMBAUD  
Rimbaud a voulu conquérir le territoire inconnu montré du doigt (ou du poing) par Baudelaire. Qu'importe s'il a réussi ou non, puisque tout était dans la tentative, la volonté. C'est cette volonté-là, de s'affranchir des communs élans, des humains suffrages, qui le tire vers l'air libre, vers les grands départs.
Toute la force et le courage de Rimbaud pour soulever l'ancre du grand navire patiemment monté par l'auteur des fleurs. Cette ancre, physiquement, a bien été soulevée. Nous a-t-il donné des nouvelles du pays inconnu ? Aucune. Le silence suprême. Inutile de chercher, pourquoi ce silence. La réponse est nulle-part et partout.
Etait-ce la fin du monde, en avançant ? Sûrement. Ce n'était pas non plus la liberté enfin saisie sur-le-champ, la nuée d'oiseaux.
Le dérèglement de tous les sens pour accoucher d'un changement de la vie. Un bouleversement, quelque part, qu'il nous reste à découvrir.

C'est mieux que l'effervescence, c'est deviner l'éminente montée de l'effervescence. L'imagination multiplie les sensations. Après, on n'a plus qu'à se rouler par terre, à se rappeler les anciens festins. À se créer un enfer.
Rimbaud sur l'instance de devenir. Lui qui a trop forcé son esprit, qui est allé plus vite et plus loin que lui-même. Il a vécu avant-coup.

Prisonnier des sensations mouvantes, des désordres, incapable d'immobilité, il s'est retrouvé à la frontière impossible, entre deux mondes, celui du vertige et la nature morte. Une fois allé trop loin (ou suffisamment loin) il n'est plus possible de poser un regard sur ce qu'on est, l'image change trop vite. C'est un oiseau captif de l'air, les perchoirs ont été abattus, les uns après les autres. Abattus par lui-même. Et il plane, sans fin.

 

zeio

 

"Le Rimbaldisme se prête aux rêveries de celui qui s'y adonne,
j'en parle comme d'une drogue, il se conforme à son degré
de science et d'ignorance, de culture et de sauvagerie.
Ce n'est pas une philosophie. C'est un ciel. Chacun s'en arrange,
il n'a qu'à lever les yeux pour être ébloui".

Aragon

 
 
 
 

Monument Arthur Rimbaud à Paris, devant la bibliothèque de l'arsenal (photos : zeio)